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Yves G.
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4,0
Publiée le 7 juillet 2024
Sorti en 1927, "Napoléon" est considéré comme l’un des chefs d’oeuvre du cinéma mondial. C’est aussi un film maudit qui connut une histoire épique. Abel Gance en nourrit l’idée en découvrant la fresque de D.W. Griffith "Naissance d’une nation". Son projet initial était de consacrer à la vie de l’Empeureur huit épisodes, de sa jeunesse à sa mort à Saint-Hélène. Mais le coût de l’entreprise le contraignit à n’en tourner que les deux premiers. Son "Napoléon" s’achève donc au début des campagnes d’Italie en 1796.
"Napoléon" connut plusieurs versions à tel point qu’il est devenu difficile avec le temps d’en identifier l’originale. C’est qu’Abel Gance y retravailla durant toute sa vie, ne perdant jamais l’espoir de mener son projet à terme. Il tourna même en 1960 en Yougoslavie un Austerlitz. Sa toute première mouture, diffusée à l’Opéra-Garnier en avril 1927, accompagnée d’une musique de Honegger, durait 3h47. Une autre version diffusée en salles quelques mois plus tard en deux volets dure elle 9h27. En 1934-1935, Gance décide de sonoriser son film. Il tourne de nouvelles scènes, modifie le montage. Le résultat est condensé en 2h20. À cela s’ajoutent les nombreuses restaurations qui ont été entreprises, notamment par Kevin Brownlow dans les années 80 pour un métrage de 5h environ. En 2008, la Cinémathèque française a chargé le chercheur Georges Mourier d’entreprendre une vaste expertise du fonds Napoléon et de restaurer le film dans sa version « originale ». L’entreprise s’est avérée bien plus longue et bien plus coûteuse que prévue. Elle a duré seize ans et aura coûté 4,5 millions d’euros. Georges Mourier en présentait hier le résultat à la Cinémathèque où son film "Napoléon vu par Abel Gance" était projeté de 15h à 23h avec une entr’acte d’une heure.
Le résultat est monumental. Certes, comme tous les films muets, "Napoleon" a vieilli. Le jeu des acteurs en particulier est furieusement démodé. Sa durée obèse est un autre obstacle à son accessibilité : ses deux parties durent respectivement 3h40 et 3h25. Mais si l’on a la vessie suffisamment élastique, le jeu en vaut la chandelle. "Napoléon" n’est jamais ennuyeux, sauf peut-être durant l’interminable siège de Toulon qui s’étire pendant quarante minutes sous une pluie diluvienne à la fin du premier volet.
Le propos du film a depuis sa création suscité la controverse. Si Abel Gance se targue d’avoir scrupuleusement respecté les faits, on lui reproche les libertés qu’il aurait prises avec l’histoire (c’est le même procès qui a été fait récemment à Ridley Scott). Pour lui, Napoléon est l’homme d’ordre qui met fin aux excès de la Révolution française avant d’en exporter les idéaux en Europe. On lui reproche surtout le culte excessif qu’il voue au futur Empereur présenté comme un homme providentiel, doté de pouvoirs quasi-surhumains. Cette lecture « fascistoïde » tombe bien mal dans le contexte politique actuel !
Ce biais difficilement contestable risque de nuire au plaisir que les spectateurs les moins cocardiers seraient susceptibles de prendre. Mais on aurait tort de trop s’y arrêter. « La lecture politique ne doit-elle pas, pour une fois, s’effacer devant l’immensité créatrice de l’oeuvre ? » s’interrogeait René Fauvel.
« Il n’y a pas dans le film un seul passage sans originalité technique » écrivait Léon Moussiniac. Pour le spectateur blasé de 2024, ces innovations n’en sont plus. Mais il faut concevoir ce qu’elles représentaient en 1927, alors que le cinématographe était encore un art balbutiant. Caméra subjective, plans-séquences, split screen… Abel Gance a imaginé une nouvelle grammaire du cinéma. Certains effets ont bien vieilli. Ainsi de la caméra pendule qu’il avait suspendue au-dessus de la Convention pour en filmer les houleux débats, montant en parallèle le fragile esquif dans lequel Napoléon manque de se noyer en fuyant la Corse de Paoli en 1793. Ainsi aussi des surimpressions dont Gance use et abuse (jusqu’à seize dans le même plan).
Incroyablement novateur par ses techniques, "Napoléon" reste admirable par la richesse de son scénario qui mêle plusieurs genres. Au premier chef, bien sûr, "Napoléon" est un biopic, un drame épique. Mais il ne reste pas prisonnier de ce seul genre – ce qui aurait été d’un ennui étouffant pendant sept heures. "Napoléon" fait des détours par le mélodrame, notamment avec le personnage de Violine, interprété par la future star Annabella, amoureuse en secret de Napoléon (on pense au personnage d’Eponine dans Les Misérables et à la passion secrète qu’elle nourrit pour Marius). Et, avec beaucoup de modernité, il fait un détour par la comédie, avec l’épisode des dévoreurs de dossiers (deux greffiers du Comité de salut public qui faisaient disparaître les dossiers de certains accusés en les avalant) et plus encore avec le personnage récurrent de Tristan Fleuri, interprété par le grand acteur russe Nicolas Koline.
Il faut dire un mot de la musique de Simon Cloquet-Laffolye, une partition de plus de sept heures, interprétée par les orchestres et le chœur de Radio-France, qui emprunte à tous les styles musicaux de Haydn à Penderecki. Elle est éblouissante. Un bémol (!) peut-être : son omniprésence. Le silence parfois aurait eu du bon.
Un. Chef-d’œuvre hypnotique, à voir absolument. cette version restauré est exceptionnel. 15 ans de restauration pour l’image et trois ans pour la musique recomposée.!
Ps: vu avant-première à la cinémathèque. Une véritable œuvre qu’on devrait montrer à tout le monde en ces temps où la république est menacée ! C’est tellement exceptionnel que quatre heures pour la première partie passe à toute vitesse!
Un sommet de l'histoire du cinéma enfin reconstitué dans sa version initiale. La première partie comporte plusieurs séquences sublimes, de l'enfance prémonitoire de Bonaparte au siège de Toulon. Des innovations techniques, comme le split screen, sont admirablement mises en valeur. Autour de l'excellent Albert Dieudonné est composé un casting de qualité avec notamment Annabella (Violine Fleuri) et Antonin Artaud (Marat). Un évènement.
L'histoire de Napoléon Bonaparte, de son enfance à l'école militaire de Brienne jusqu’à sa première campagne d’Italie.
L'Empereur Bonapart est l'un des personnages historiques les plus représentés sur les écrans, avec plus de 700 apparitions (selon l’historien et critique de cinéma Antoine de Baecque), quoi de plus normal qu’il ait eu droit à un biopic si tôt après la création du cinématographe par les frères Lumière.
Après un travail titanesque de 16 ans (et au budget colossal de 4M d’€) mené par Georges Mourier dès 2007 pour reconstruire et restaurer ce film mythique mais disparu ou plutôt charcuté en de multiples versions qui ne ressemblaient en rien à l’oeuvre d’origine (il a fallu récupérer des éléments conservés dans des archives éparpillés aux quatre coins du globe), le grand public à enfin la possibilité de découvrir l’oeuvre tel que l’avait imaginé son réalisateur près d’un siècle plus tôt (et que les spectateurs n’avait pas revu depuis sa première présentation en mai 1927) tout en respectant scrupuleusement le matériau d’origine, à savoir, sa colorimétrie, son cadre de projection et les teintes d’origines.
Au commencement, il existait 3 versions (officielle) du film, la première appelée “Opéra” d’une durée de 4h, la seconde appelée “Apollo” d’une durée de 9h30 et une troisième (qui est la version définitive) appelée “Grande Version” d’une durée de 7h. C’est sur cette dernière que la Cinémathèque française a réalisé la restauration (d’autres versions ont circulé dans le monde, notamment celle de la Metro-Goldwyn-Mayer, totalement charcutée au montage puisqu’elle ne dure plus que 2h).
Abel Gance réalise ici une oeuvre phare dans l’Histoire du 7è Art, une fresque épique et démesurée (un tournage étalé sur deux ans et un montage qui aura nécessité une année entière) avec laquelle il ne cessera d’innover en cherchant à se surpasser et tout cela se ressent à l’image. Sa mise en scène est novatrice et bon nombre de séquences sont à couper le souffle (surtout pour un film qui s’apprête à fêter ses 100 ans !). On pense bien évidemment à la séquence culte du triptyque final dit “Le Départ de l’Armée d’Italie” selon le procédé conçu par le réalisateur, de projection en triple écran, qu’il nommera plus tard “Polyvision” ou bien les poursuites avec caméras déportées sur les chevaux au galop, plans kaléidoscopiques, les multiples surimpressions, la caméra harnachée à un balancier, les cadrages à hauteur d’enfant, les split-screen,…
Le travail de restauration (en 5K) est une pure merveille et rend un vibrant hommage au travail titanesque orchestré par son réalisateur. Abel Gance n’ayant donné aucune instruction quant à l’accompagnement musical de sa version définitive, la Cinémathèque française l’a confiée au compositeur Simon Cloquet-Lafollye et le résultat est tout simplement sublime et vient parfaitement accompagner les 7h de projection.
On est pris au coeur du film, de part son histoire, sa fougue, sa mise en scène endiablée et virtuose et ses acteurs si charismatiques (bien que le jeu puisse prêter à sourire, car cinéma-muet oblige, le surjeu était de rigueur), avec en premier lieu Albert Dieudonné qui incarne Napoléon à la perfection. Si la durée du film peut en réfréner certains, cela reste une expérience à vivre, de même que les 7h de Guerre et Paix / Война и мир (1966) de Sergueï Bondartchouk (où il était là aussi question de Napoléon, mais dans une moindre mesure), c’est quelque chose à vivre au moins une fois dans sa vie (et sur grand écran de préférence).
Difficile à noter car 5/5 pour l'audace, l'inventivité, le génie créatif de Gance et le jeu de Dieudonné qui joue Napoléon. Mais le film est trop didactique. Gance veut tout montrer, trop montrer, du coup on est presque plus dans le documentaire mais qui s'étire. Le film est néanmoins à voir au moins une fois dans sa vie si on est cinéphile. Et n'oublions la musique, qui elle est de 2023/2024, tout bonnement une grande réussite.
Merci au Ciné St Leu d’Amiens de nous avoir présenté le film « Napoléon vu par Abel Gance » en 2 parties, l’une de 3 h 51 et l’autre de 3 h 27 allant de l’école de Brienne au début de la campagne d’Italie en 1796. Cette épopée dans sa « grande version » est inédite et n’a jamais été vue depuis 1927, car elle est le fruit d’une aventure de 16 ans sans précédent dans l’histoire de La Cinémathèque Française, avec une version remastérisée en 5K conforme aux souhaits initiaux d’Abel Gance… Une reconstruction menée par Georges Mourier et dotée d'une partition musicale d’une grande qualité de Simon Cloquet-Lafollye, enregistrée par les orchestres de Radio France. Sur le plan cinématographique, on ne peut que saluer les prouesses d’Abel Gance avec ces mouvements de caméras (travelling, balançoire…), ses images superposées (jusqu’à 16 images) et ce superbe triptyque pour la campagne d’Italie. Dieudonné est excellent avec son regard hypnotique aquilin et sa force de conviction. Certes quelques longueurs et mièvreries de nos jours et quelques libertés prises avec l’Histoire… mais aussi quelques passages drôles comme celui du « thermomètre de la Terreur » et de ce greffier avalant les dossiers de condamnés ou encore une bataille de polochons qui a surement donné des idées à Jean Vigo pour « Zéro de conduite » (1933). Un chef-d’œuvre du cinéma mondial créé en réponse au fameux « Naissance d'une nation » de D. W. Griffith, sorti lui en 1915.
(Avant première). La sortie en salle en version longue ( 2 parties de presque quatre heures chacune) permet de découvrir ou de redécouvrir le chef d'œuvre d'Abel Gance (1927).
On a ici affaire à un film muet les plus formidables du cinéma muet hexagonal. Le scénario commence lorsque que le jeune Bonaparte est un jeune garçon interne sur le continent jusqu'au siège victorieux de Toulon.
Les deux dernières heures de cette première partie me semblent les plus réussies de ce titre qui malgré sa durée se laisse voir avec gourmandise.
On a ici affaire à un classique du cinéma du patrimoine que les amateurs se garderont de manquer.
Première des huit fresques initialement prévues par Gance pour restituer toutes les étapes de la vie de Napoléon Bonaparte - seules deux ont finalement vues le jour, une véritable tragédie -, cette partie nous plonge dans l'enfance du futur général, lorsqu'il faisait ses classes à Brienne, et s'arrête à la conclusion du premier grand moment de sa vie qui en connaîtra une multitude d'autres : Le siège de Toulon, en 1793. Et, que dire ! Si Gance se permet un certain nombre de libertés avec l'histoire - dans l'ensemble, les grandes lignes sont respectées -, ce n'est que pour mieux servir un propos faisant la part belle au symbole. Ils sont nombreux, parfois subtils, et se servent souvent de ces grandes phrases de l'histoire pour donner encore plus d'impact au propos : Nous voyons évoluer quelqu'un d'exceptionnel. La comparaison maintes fois établies entre Napoléon et un Aigle participe ainsi au souffle épique d'une œuvre virtuose. Car aux techniques de réalisation novatrices pour l'époque, se conjugue également un sens de la démesure qui n'a rien perdu d'impressionnant - Comptons toute la séquence de la Marseillaise, toutes les scènes dans la Convention, toutes les scènes de la bataille -. Mieux, on se prend à rêver de ce que ça aurait pu donner aujourd'hui. Gance essayait il de réaliser une série avant l'heure ? La question se pose légitimement ; car selon les standards de cette première partie, l'ensemble de 8 films aurait bien duré quelque chose comme une trentaine d'heures ! Rien que ça ! Nul doute que le résultat en aurait valu la chandelle. A rebours des innombrables portraits noirs de l'individu et de ses réalisations, des réévaluations et des commentaires négatifs à son encontre (Napoléon le Tyran/dictateur, Napoléon l'assassin, Napoléon le criminel… Et quoi d'autre, encore ? Le bicentenaire de sa mort nous a fourni pléthore de discours de comptoir de ce genre, heureusement que le ridicule ne tue pas) Napoléon de Gance donne une vision presque "humaine" de l'homme. Certes, il est perçu comme une sorte de demi-dieu, mais Albert Dieudonné, son interprète, sait donner du relief au personnage. Son caractère, certains de ses excès, certaines de ses qualités, tout est présent dans le film. On pourra peut-être déplorer ce souffle épique omniprésent - encore qu'il en fallait, et, toutes proportions gardées, c'est l'un des plus gros points forts de l'œuvre -, fruit d'une certaine époque et d'une certaine vision des choses ; enfin, mettre de côté pour une fois cette insatisfaction paraît plus à propos pour apprécier l'œuvre. Tous les généraux, tous les rois, tous les empereurs, tous les présidents, sont des criminels. Certains on seulement plus d'envergure que d'autres. Aucun n'en a autant que ce Napoléon.
*Mention spéciale pour la partition musicale. Gance n'a peut-être pas donné d'indications pour l'accompagnement, mais les choix qui ont été faits sont très pertinents. Une musique d'exception, qui sublime le film et fait passer un bon moment.
Jusqu'à présent, je n'avais jamais eu l'occasion, ni surtout le courage, de visionner le célèbre "Napoléon" d'Abel Gance. J'étais perdu devant les multiples versions et remontages qu'il en existe, et effrayé par la durée gargantuesque de chacune d'elles. En 2024 sort cette restauration, issue d'un travail de fourmi de 16 ans (!) commandé par la Cinémathèque Française. Visant à reconstituer la "Grande Version" présentée en 1927, couvrant essentiellement les années 1792-1796. Et d'une durée de plus de 7 heures... Voilà enfin l'occasion de s'y mettre, et en full HD s'il vous plait ! Et bien... waouh. Le défaut évident est la durée très luxueuse, qui en rebutera plus d'un. Certains passages auraient pu/du être écourtés. Tels que le prologue sur l'enfance à Brienne. Ou le début de la deuxième partie, après le siège de Toulon, où il y a un passage à vide, Napoléon étant en retrait de l'intrigue. Les restaurateurs ont voulu préserver les idées d'Abel Gance de l'époque plutôt que de mettre le rythme au goût du jour. Soit, ça s'entend complètement. Pour le reste, "Napoléon" mérite parfaitement sa réputation de must du cinéma muet et du cinéma français. Abel Gance livre un film aussi audacieux que monstrueusement ambitieux, tant sur la forme que le fond. Avec de nombreuses séquences qui prennent aux tripes. La première Marseillaise entonnée devant une foule, en pleine Révolution. Une poursuite endiablée à cheval, avec caméra à l'épaule et traveling : totalement dingue pour l'époque. Divers montages presque psychédéliques, sur les affres de la Révolution, dont une scène de fantômes très réussie. Le siège apocalyptique de Toulon. Et bien sûr toute la dernière demi-heure, tournée en polyvision (3 écrans / caméras agencés), soit en format 4:1 complètement délirant. De quoi permettre des plans de fous bien avant le cinémascope, et des expérimentations lyriques barrées. A côté, l'écriture du personnage est très intéressante. On est clairement dans un portrait iconique, Napoléon étant présenté comme une figure d'autorité (sur)naturelle, un génie militaire, et un despote éclairé, motivé par la propagation des idées de la Révolution. De nombreuses citations historiques tentent de nous faire croire que ce qui est à l'écran est la vérité. Toutefois ce parti pris très fort est ostensiblement assumé. Pourtant il y a aussi des passages qui rendent Napoléon très humain, avec de l'humour inattendu. Dont le volet de séduction de Joséphine, où Napoléon apparait comme un parfait ahuri ! Albert Dieudonné tient clairement là le rôle de sa vie... et de sa mort (il sera enterré avec un costume de Napoléon). Par ailleurs, le film ne se prive pas pour livrer une peinture au vitriol de la boucherie que fut la Révolution. Sans aucune pitié pour Robespierre, Danton, ou Marat, affichés comme des fous furieux. Bref, c'est un beau portrait d'une figure marquante, doublé d'une fresque historique d'ampleur sur des années terribles. La cerise sur le gâteau étant la magnifique restauration. De bons choix de musique, et une qualité d'image incroyable pour une oeuvre qui a pratiquement un siècle. Foncez à l'assaut des 7 heures !
Une œuvre opératique et par moments hypnotisante, emprunte d'une modernité assez stupéfiante pour un film de 1927.
Des flottements et des longueurs par-ci par-là (en particulier dans sa 2e partie, un peu moins passionnante), ce qui est presque inévitable dans un film muet de plus de 7h.
Une odyssée cinématographique dotée d'une ampleur indéniable et d'une réalisation frôlant parfois l'expérimental (le triple écran panoramique, assez dingue), remise aujourd'hui en lumière dans sa version intégrale d'origine grâce à un travail de restauration titanesque de plus de 16 ans.
Un très gros (presque trop gros) morceau de 7e Art que je suis bien content d'avoir enfin pu découvrir, même si personnellement, des œuvres comme «L'Aurore» ou «Metropolis» me parlent et me touchent davantage (pas assez fan de Bonaparte sans doute ^^).
Une oeuvre qui a certes son importance dans l'histoire mais qui a extrêmement vieilli. On peut néanmoins citer quelques scènes réussies avec de l'intensité ou encore une réussite au niveau des décors, des couleurs et de la réalisation et un excellent Dieudonné possédant un regard hypnotique. Aussi de bons passages sonores.
Présenté comme l'un des plus grands chefs-d'œuvre de l'histoire du cinéma, le Napoléon d'Abel Gance m'a fait l'effet d'une purge ridicule et vaine. D'abord, ce premier volet n'évoque aucun des événements napoléoniens les plus célèbres. Il s'arrête avant les conquêtes d'Italie. On se limite à une imbécile bataille dans la neige quand le jeune Bonaparte a 11 ans, puis une découverte de la Marseillaise complément hors sujet, puis un long voyage en Corse, pour finir par un interminable siège de Toulon. Toutes les scènes sont étirées à l'extrême jusqu'au ridicule. Des centaines de plans disent tous la même chose, en un phénomène de redondance qui frise la démence. Peut-être aurait-il fallu faire un choix au montage, tu crois pas Abel ? Ou alors tes contemporains étaient tellement idiots qu'il faut leur répéter 20 fois la même chose pour qu'ils comprennent ? Le thème et son traitement ne fonctionnent pas non plus. Napoléon est présenté comme un type au melon intergalactique, sorte de tête à claques ultime. Le comédien choisi est ridicule. Son histoire ne génère strictement aucun suspense, donc aucune attente. Tout nous est montré comme l'annonce d'un futur génie. Ce n'est donc pas une histoire en soi, mais des éléments pour une autre, future. Enfin, il est clair que Gance cherchait à faire un film grand public. Les gens avaient donc 7h à perdre dans un cinéma en 1927...? Aujourd'hui un tel film est vu par des cinéphiles et donc tous les pseudo gags et les anecdotes ne fonctionnent aucunement. Que la grêle tombant sur des tambours lors de la bataille de Toulon donne le rythme des combats, ça intéresse qui ? Pourquoi passer 5 min sur ça ? Bref, une purge. Évidemment il y a quelques très beaux effets formels et certaines scènes sont magistrales. Mais aucun splitscreen, contrairement à ce qui est annoncé, ils doivent être dans le second volet... Si c'est votre premier film muet, n'en désespérez pas. Voyez des films de Murnau, Dreyer, Pabst, von Stroheim, et Chaplin et Keaton évidemment, c'est d'un bien meilleur niveau !
Présentée en juillet 2024, la version restaurée de "Napoléon" d'Abel Gance offre une immersion fascinante dans les origines de l'empereur. Cette première partie, d'une durée impressionnante de 3h51, restitue avec brio les innovations techniques et narratives de Gance. Les scènes emblématiques comme l'enfance de Napoléon à Brienne et le siège de Toulon sont sublimées par un montage dynamique et l'utilisation du split-screen, une prouesse pour 1927 qui reste saisissante près d’un siècle plus tard. Gance capture, à travers une mise en scène audacieuse, les prémices de la grandeur napoléonienne, tout en établissant un jalon incontournable de l'histoire cinématographique. Fruit de 15 ans de restauration, cette version témoigne d'un respect patrimonial et offre un moment de cinéma à la fois exigeant et inoubliable pour les passionnés.
En 1921, Abel Gance est déjà un réalisateur français reconnu et célébré depuis le succès de « J’accuse » (1919) dont le titre est inspiré du célèbre article d’Émile Zola paru le 13 janvier 1898 dans « L’Aurore » en faveur du Capitaine Dreyfuss convaincu d’intelligence avec l’ennemi. Le film sorti juste après la fin de la Grande Guerre qui en fait son théâtre d’action sur fond de romance amoureuse tragique a été parfois perçu par la critique comme délivrant un mélange peu orthodoxe et assez confus entre pacifisme et patriotisme. Après avoir assisté en 1921 à une projection de « Naissance d’une Nation » de D. W. Griffith, Gance fut fortement impressionné par la dimension épique du film. Sur le même principe Abel Gance envisage à son tour de rendre hommage à l’épopée napoléonienne, l’Empereur étant mort cent ans plus tôt à Sainte-Hélène, le 5 mai 1821. Une épopée qu’il conçoit sur huit épisodes englobant l’ensemble du parcours du grand homme encore héros national à l’époque. Abel Gance a conçu un projet s’élevant à 20 millions de francs pour l’ensemble des huit épisodes. Le tournage du premier film avec ses trois premiers épisodes (La jeunesse, La Terreur et Arcole) dépassant les 17 millions de francs ajoutés à la faillite de son bailleur de fond principal (l’Allemand Hugo Stinnes), anéantit malgré le succès rencontré en salles, la poursuite de l’œuvre gigantesque entreprise . Les décennies passant, le film amputé et plusieurs fois remonté, est devenu un mythe notamment en raison du nombre de versions et de restaurations qui se sont succédé. Avant la restauration lancée en 2008 par la Cinémathèque Française sous l’égide du chercheur et cinéaste Georges Mourier, Henri Langlois et Marie Epstein en ont proposé une version de 19 bobines à la Mostra de Venise en 1953 suivis par l’historien anglais spécialiste du cinéma muet Kevin Brownlow avec pas moins de trois versions (1979,1983 et 2000) et enfin Bambi Ballard qui déjà commandité par la Cinémathèque Française en présenta une autre en 1992. Francis Ford Coppola grand admirateur du film et de son réalisateur affirme que pas moins de 19 versions auraient été en circulation. Cette quête d’une version définitive entoure le film d’une part de mystère qui fera beaucoup pour son aura. La dernière en date dont on ne peut affirmer qu’elle sera la dernière a été projetée séquencée en deux films de respectivement 3h51 et 3h21. « Napoléon » joyau d’un cinéma muet français jouissant d’un prestige moindre que celui du cinéma allemand des Fritz Lang, Wilhelm F. Murnau, Robert Wiene, Paul Wegener ou du cinéma américain des D.W Griffith, Erich Von Stroheim, Charlie Chaplin et Frank Borzage a été diffusé en intégralité sur une chaîne de télévision nationale avant une exploitation sur support DVD prévue en 2025. En un siècle on ne peut que constater combien l’image de Napoléon a évolué au fil des travaux d’historiens de diverses obédiences ne retenant parfois que l’image d’un dictateur omniscient et obsédé par son propre reflet, le tout au mépris de la vie humaine. Le travail d’Abel Gance notamment pour cette période, la plus glorieuse couverte par les trois épisodes en question, ne remonte donc pas à la surface sur une mer très calme. Assurément pour apprécier le travail titanesque d’Abel Gance en ce XXIème siècle de toutes les incertitudes, il faut regarder le film en le replaçant dans le contexte de son époque. Exercice qui semble de moins en moins à la portée de tout un chacun alors que le bond de géant effectué par le progrès technique pousserait certains à penser que l’histoire désormais commence à l’ère du numérique. Muet, son film trop long, Abel Gance aurait sans doute gagné à plus de concision afin de donner plus de force à son épopée qu’il étire en de nombreux passages notamment lors de la première partie consacrée à l’enfance et à la jeunesse du futur général dont on comprend rapidement que Gance entend convaincre que sous le mioche moqué par les plus grands que lui, couve déjà le génie tactique du pont d’Arcole (l’épisode un peu naïf de la bataille de boules neige dans la cours de l’école de Brienne). Cette partie forcément moins documentée de la vie de Napoléon ne méritait pas autant d’attention de la part d’un réalisateur qui se disperse quelque peu ayant recours à des personnages fictifs superfétatoires qu’il emmènera jusqu’au bout des sept heures de projection. Heureusement la jeune fille de boulanger transie d’amour pour le jeune écolier sera interprétée adulte par la très gracile et photogénique Annabella. L’apparition sur l’écran d’Albert Dieudonné finalement choisi après que Ivan Mosjoukine a refusé le rôle de Napoléon, permet au film démarré en mode mineur de prendre enfin son envol. Complétement investi, l’acteur déjà âgé de 38 ans conscient de tenir ici le rôle de sa vie apporte toute sa fougue et la noirceur d'un regard que Gance ne se prive jamais de filmer en gros plan. Parallèlement au parcours chaotique du jeune Bonaparte au sein d’une armée ankylosée, scandé par des retours en Corse pour contrer les acoquinements de Pascal Paoli (son ex-mentor) avec les Anglais, Gance suit les soubresauts de la fièvre révolutionnaire qui monte jusqu’à l’acmé de la Terreur où Robespierre (Edmond van Daële) et Saint Just interprété par Abel Gance lui-même s’activent à faire couper les têtes qui dépassent. Les moments les plus importants prennent la forme de tableaux grandioses rappelant ceux du peintre Jacques-Louis David lui-même député de la Convention. Une esthétique romantique de la part d’Abel Gance, rendant parfaitement ce que l’imaginaire peut retenir de ces moments de catharsis où la violence prend presque systématiquement le pas sur les bonnes intentions du départ. A partir de la seconde partie, les longueurs sont moins pesantes, le récit retrouvant toute sa force, porté par un Dieudonné en apesanteur. Quand la campagne d’Italie inaugure la période de gloire de celui à qui plus rien ne résiste, arrive alors très à propos le procédé nommé « Polyvision » par son créateur Abel Gance épaulé par André Debrie, ancêtre du Cinémascope qui permet d’obtenir grâce à trois caméras projetant sur trois écrans différents, une image trois fois plus large tout à fait adaptée aux scènes de bataille. L’effet est saisissant, voyant Napoléon à cheval sortir d’un écran pour entrer dans un autre. Belle manière de finir cette entreprise qu’on ne pourrait plus concevoir aujourd’hui où les projets de films se construisent essentiellement sur des bases marketing. Artiste d’un autre temps, quelquefois décrié souvent controversé, Abel Gance a réussi le tour de force de faire encore parler de lui alors que son chef d’œuvre est bientôt centenaire. De quel réalisateur français contemporain parlera-t-on en 2124 ?