Aussi incroyable que cela puisse paraître (le monsieur avait dit qu’il en avait finit après avoir réalisé "Jay & Silent Bob Contre-Attaquent"), Kevin Smith reprend son fameux « cycle du New Jersey » pour y apporter un nouveau chapitre, et pas des moindres puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que la suite directe de son cultissime "Clerks". Et Smith fait tout pour qu’on soit en terrain connu dès le départ puisque le film commence comme son prédécesseur (image en noir et blanc of course) : Dante arrive au Quick Stop pour l’ouvrir mais, lorsqu’il relève le rideau de fer, y’a le feu à l’intérieur ; puis le noir et blanc devient couleurs comme pour souligner le passage à un nouveau chapitre de la vie. Randal arrive, constate le sinistre et nous sort une de ses magnifiques répliques dont il a le secret : oui, on est bien dans la suite de "Clerks", les fans du premier épisode retrouvent rapidement leurs marques et ne sont absolument pas dépaysés. On retrouve donc Dante et Randall travaillant dans un Mooby’s Burger (clin d’œil à "Dogma") en compagnie d’Elias, un jeune geek assez timide, de Jay et Silent Bob qui zonent devant le bâtiment pour refourger leur came comme d'hab et de Becky, gérante du fast food et jeune demoiselle ayant la tête sur les épaules et le sens des responsabilités. Dante est en couple avec une jolie bonnasse blonde et se prépare donc à quitter le New-Jersey pour aller vivre avec elle en Californie… Voilà donc le point de départ de ce nouveau chapitre…qui semble être une sorte de « best of » de la filmographie de Kevin Smith tant il parvient à y intégrer absolument tout ce qui lui tient à cœur : on retrouve donc le ton transgressif de "Clerks" (et le talent de Smith pour les dialogues !) dans des scènes absolument délicieuses que ce soit dans le politiquement incorrect (la conversation sur le « Ass To Mouth », Randall qui s’acharne sur le blogger handicapé, la réhabilitation du terme « macaque ») ou dans sa passion pour la culture geek (Jay et Silent Bob qui refont la scène du "Silence des Agneaux" où Buffalo Bill danse sur la chanson « Goodbye Horses », le moment dément où Elias, Randall et un client se clashent sur l’opposition des deux grandes trilogies du 7ème art : "Le Seigneur des Anneaux" et "Star Wars" !!) ; mais aussi le côté cynique et critique de Smith envers la société américaine actuelle en stigmatisant l’éducation (le conditionnement ?) stricte et respectueuse des traditions (religion ?) par l’intermédiaire du naïf personnage d’Elias (ah cette conversation mémorable avec Randall sur le « troll de la moule » !!) ou les inquiétudes qui terrifient la nouvelle génération (le passage à l'âge adulte, l'amitié, les responsabilités, la compréhension de ses sentiments, le refus de grandir, s'accepter tel qu’on est, l’amour...) que l’on retrouvent toutes compilées en une seule scène dantesque : celle de la prison. Autre moments de bravoure du film : la séquence « j’apprends à danser » qui se transforme en scène de comédie musicale où tout le monde se met à bouger avec une chorégraphie excellente ; et cette formidable scène du « sexe sans frontière » , drôlissime au possible sur une musique d’enfer (« Naughty Girls Need Love Too » de Samantha Fox !) où règne une absolue folie. Et c’est au terme de toutes ses loufoques péripéties que nos deux héros décident de prendre leur vie en mains et de enfin réaliser leur rêve
: racheter le Quick Stop pour le ré-ouvrir
. La boucle est bouclée comme nous le montre le plan final pour lequel le noir et blanc est revenu : sorte de décalcomanie de la première scène de "Clerks". Comme d’habitude avec Smith le casting est bon mais déjà connu : Brian O'Halloran et Jeff Anderson sont toujours aussi sympas dans leurs rôles de Dante et Randall, Jason Mewes et Kevin Smith restent à jamais géniaux en Jay et Silent Bob, d’autant plus qu’ici ils ont le rôle le plus important qu’ils aient joué dans le « cycle du New-Jersey » (finalement, les vrais héros : c’est eux !!), et nous avons toujours des apparitions de potes comme Ben Affleck en client un brun mateur et Jason Lee en vieille connaissance scolaire. Par contre au niveau des nouveaux venus, il faut souligner la jolie prestation de Trevor « Elias » Fehrman qui nous campe un très bon fan des Transformers, jeune ado naïf et prude, sorte de Némésis parfaite de Randall ; ainsi que LA surprise du film : Rosario Dawson. La belle et pétillante jeune femme apporte une touche de féminité et de maturité au sein de cette équipe déjantée de mecs un peu glandouilleurs qui refusent de grandir.
Kevin Smith nous apporte donc une suite parfaite à son premier film puisque, comme son modèle il y a douze ans, "Clerks 2" est bien ancré dans son temps. Mieux : en nous dévoilant l’évolution de la vie de ses héros, on est obligé de voir les deux films comme une seule et même œuvre composée de deux chapitres comme le "Kill Bill" de Tarentino. LA comédie culte de toute une génération. Quelle magnifique façon de terminer enfin le cycle du New-Jersey…à moins que…