Le succès rencontré par le long métrage de Doug Liman n’est pas immérité (près de 3 millions d’entrées en France et un peu plus de 182 millions de recettes rien qu’aux Etats-Unis). Car son film est surprenant à bien des égards. Il faut dire que l’affiche est on ne peut plus attrayante : elle réunit deux immenses stars que sont Brad Pitt et Angelina Jolie autour d’un titre écrit tout en sobriété, sur une apparence à la fois BCBG, glamour et jamesbondisant. Ce sont en effet ces deux comédiens qui vont porter le film sur les épaules du début à la fin, certes bien aidés par une mise en scène maîtrisée et une musique absolument géniale de John Powell. Tout commence par ce qui s’apparente à une thérapie de couple, au cours de laquelle le spectateur va très vite se prendre de sympathie pour les deux rôles-titres. En effet, si on découvre ce film sans avoir lu le synopsis ni vu la bande-annonce, on pense alors avoir affaire à une histoire de couple à l’aube d’une guerre fratricide. A ce moment-là, impossible de ne pas penser à l’excellent film de Danny DeVito, "La guerre des Rose", interprété par un duo aussi surprenant que percutant, à savoir Michael douglas et Kathleen Turner. On pense alors se diriger tout droit vers une simple comédie. Car la confrontation entre Brad Pitt et Angelina Jolie n’annonce en rien ce qui va suivre. Et si les deux personnages s’attirent tout de suite la sympathie du spectateur, c’est pour plusieurs raisons. D’abord grâce à la caméra de Doug Liman : ce dernier a le bon goût de ne jamais montrer le psy (ou le conseiller, ou ce que vous voudrez dans le genre) en plaçant le spectateur à la place de cet intermédiaire, comme pour le faire communiquer directement avec ce couple embarrassé visiblement d’un problème de communication. Ben oui, sinon Mr et Mrs Smith ne seraient pas assis face à lui (ou à vous). Ensuite, le jeu d’acteurs : il remplace avantageusement ce qui ne peut être dit. Et quand je dis "ce qui ne peut être dit", ce n’est pas par inconvenance, mais plus par pudeur et fierté. Cependant, les deux personnages principaux ont l’air d’avoir les bases pour bien s’entendre, et c’est en toute logique que le spectateur est invité à vivre leur rencontre 5 ans plus tôt (ou 6...). Hé oui, c’est construit sur le même schéma que le film sus-cité. Une rencontre a priori fortuite, due au hasard, loin de leur patrie. L’un se promène avec un flingue, l’autre avec un couteau planqué dans une lanière en guise de jarretière. Leur attitude fait penser à des tueurs à gages, ou à des agents d’une quelconque agence, enfin un truc du genre. Sauf qu'à part les armes, rien n’est montré dans ce sens. S’ensuit une idylle parfaite, cueillie et vécue intensément sur l’air du temps, rythmée par une musique au timbre très latino. Tout comme dans "La guerre des Rose", nous retrouvons Jane et John mariés, en prise avec une vie de couple millimétrée à la minute près (dîner à 19h), une vie dans laquelle la spontanéité ne semble pas avoir la moindre place. La routine, en quelque sorte. La première véritable surprise vient des métiers que l’un a dit qu’il pratiquait à l’autre. Le spectateur n’y croira pas une seconde, et se dit que ces deux personnages ont décidément bien des choses à cacher. Et à SE cacher. Et c’est ainsi que le film de Doug Liman glisse doucement de la simple comédie vers le film d’action. Ce changement de genre se fait en douceur, pour ainsi dire le plus naturellement du monde. Le côté naturel est ce qui caractérise les personnages principaux. Quelle que soit la situation, ils ne manquent pas de régler leur compte avec un calme olympien doublé d’une sorte d’autosatisfaction vraiment plaisante à voir. Et si c’est plaisant à voir, on le doit aux nombreux cabotinages des deux comédiens. Leur complicité est réelle, et ils n’ont eu aucun mal à se donner la réplique avec un naturel déconcertant. Autrement dit, ils se sont bien trouvés, d’autant plus que l’humour utilisé ne parait à aucun moment forcé, mais bel et bien spontané. Brad Pitt est plus charmeur que jamais, et nous gratifie même de quelques gestuelles inhabituelles chez lui. Quant à Angelina Jolie, elle n’a jamais porté son nom avec autant de justesse : touchée par la grâce de l’amour, notamment quand elle se réveille dans cette chambre d’hôtel colombien au petit matin, elle apporte du charme, du glamour, et nous régale les yeux avec quelques tenues résolument sexy. En somme, leur entente semble si parfaite qu’on ne peut pas dire qu’ils ont joué un rôle, mais ils l’ont vécu ! En tout état de cause, les personnages sont si attachants que le spectateur ne pourra prendre l’un ou l’autre pour fait et cause. Il en ressort une comédie d’action à la fois plaisante et coquine, et c’est ce qui fait la réussite de ce Mr & Mrs Smith. Car oui, la recette fonctionne à merveille sur un scénario à la fois classique et original, en dépit de quelques imperfections. En effet, la fusillade finale tourne un peu au too much, plombée en prime par des incohérences qui gâchent un peu la fête
: d’où viennent les gilets pare-balles portés par les fugitifs ? Et les assaillants, sensés en être équipés, comment se fait-il qu’ils se fassent dézinguer les uns après les autres, alors qu’eux-mêmes sont quelque peu maladroits au tir ?
En dehors de ça, quelques scènes sont mémorables. La meilleure selon moi : les retrouvailles dans un resto, balancé sur un splendide air de tango. Cette scène résume à elle seule l’esprit de ce film. Oh je ne dis pas que vous rirez à gorge déployée. Vous n’en aurez pour ainsi dire jamais l’occasion. Mais irrésistiblement, vous sentirez la banane se dessiner sur vos lèvres, à condition toutefois de laisser de côté les quelques invraisemblances, et de profiter pleinement de la complicité entre les deux acteurs principaux décidément très cabotins. En général, je condamne fermement les incohérences, surtout pour un film de cet acabit qui plus est doté d’un budget de 110 millions de dollars. Mais là, je dois avouer que non seulement j’ai été séduit par l’interprétation du couple Brad-Angelina, mais en plus j’ai été emporté par un rythme particulièrement maîtrisé, et ensorcelé par une bande originale qui accompagne toujours à merveille les différents moments du film, qu’ils soient faits d’humour, de séduction, ou d’action. Une musique assez éclectique, des notes latines aux notes plus modernes, et finissant parfois même en savant mélange des deux. Quoiqu’il en soit, elle participe largement à l’esprit de ce film : fraîcheur, légèreté, dynamisme ! Et sans la musique de John Powell, Mr & Mrs Smith ne serait peut-être pas ce qu’il est aujourd’hui, du moins de mon point de vue.