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    Soy Cuba
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    Jean-François S
    Jean-François S

    51 abonnés 668 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 9 septembre 2009
    Le temps de l'ouverture Khroutchev, Mikhail Kalatozov eut le temps de
    réaliser 3 films qui marqueront l'histoire du cinéma. Si "Quand passent les
    cigognes" marque le début de l'ouverture du bloc soviétique sous
    Kroutchchev avec un palmarès mondiale impressionnant qui sera la vitrine du
    savoir faire cinématographique russe. "Soy Cuba" va marquer la fin de ce
    petit vent de liberté. Tourné de 1960 à 1964, le film faisait partie d'une
    commande de 3 films soviétiques pour valorisé la révolution castriste à
    Cuba. Si on a oublié les 2 autres films réalisés avec l'esprit de
    propagande staliniste, "Soy Cuba" va être une nouvelle révolution visuelle.
    A tel point qui le cinéaste en oubli presque son sujet et va parfois à
    l'encontre des intentions initiales de la commande. Ainsi le premier
    tableau du film où l'univers festif des clubs de La Havane est loin d'être
    aussi sordide que le scénario l'aurait voulut. Trop en avance sur son
    temps, le film ne fut presque jamais projeté et termina rapidement sur une
    étagère derrière le rideau de fer. Il faudra attendre 1992 pour que le film
    soit redécouvert durant le festival de Telluride à l'occasion d'une rétrospective du cinéaste.
    On y découvre alors un film magistral, filmé au grand angle avec des plans
    séquences a couper le souffle. Et beaucoup diront que si le film avait eu
    sa carrière initiale, l'histoire du cinéma n'aurait pas été la même.
    A noter pour l'anecdote la présence de Jean Bouise dans le film dans un de
    ses premiers rôle alors qu'il était en vacances à Cuba.
     Kurosawa
    Kurosawa

    583 abonnés 1 509 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 29 septembre 2016
    Film de propagande en faveur du régime communiste de Fidel Castro, "Soy Cuba" est, en même temps qu'un film sur la révolution, un film formellement révolutionnaire. Construit selon une logique aussi élémentaire qu'imparable, avec une division en quatre segments, eux-mêmes inclus dans deux grandes parties (1. Comment Cuba est au service des Etats-Unis, avec un premier exemple en ville et un second à la campagne; 2. Comment la révolution va se mettre en place, d'abord en ville puis dans les montagnes), "Soy Cuba" fait du politique un sujet de violence inouïe (les tentatives de viols des américains sur les jeunes cubaines; le paysan qui brûle son champ et sa maison quand il apprend qu'ils ne lui appartiennent plus, les coups de feu sans mesure des autorités face aux jeunes révolutionnaires dans la rue, les bombardements en forêt) mais pris en charge par une mise en scène poétique et envoûtante, faite de plans-séquences vertigineux et littéralement incroyables qui sont comme aimantés par les mouvements des corps et qui, surtout, s’assimilent à la matière de chaque segment. D'abord très voyante, la forme imposée par Kalatozov se fond progressivement dans le décor et au milieu des personnages; elle peut tout aussi bien plonger dans un champ de canne à sucre comme elle s'enfonce dans une rêverie et suivre, à la manière d'un dispositif de suspense, le jeune homme qui s'apprête à tuer le dictateur Batista depuis le toit d'un immeuble. Partir de cas isolés pour aller vers le général est la méthode de dénonciation employée par Kalatozov, qui contrebalance la violence des images grâce à une caméra qui serpente langoureusement dans Cuba, de façon parfois improbable, et à la douceur de la voix-off qui se pose en allégorie du pays en scandant, à chaque fin de segment, ses souffrances et son espoir d'un avenir meilleur. Mais de cela, on peut en douter et ne pas être obligé de suivre la ligne politique du cinéaste, à moins de pouvoir affirmer que le régime castriste ait été plus juste que celui de Batista. Quoi qu'il en soit, à ceux qui pensent que la réalisation d'un grand film politique passe par une mise en scène forte et novatrice, il est indéniable que "Soy Cuba" soit une oeuvre importante du septième art.
    JimBo Lebowski
    JimBo Lebowski

    396 abonnés 1 080 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 13 mars 2015
    "Soy Cuba", c’est par ces mots que cette voix off nous accueille dans ses paysages majestueux avec de doux accords de guitare, nous invitant au voyage pour découvrir cette terre riche de beauté authentique et naturelle mais aussi profondément marquée par les stigmates du joug de la dictature de Batista, le film expose et confronte ces divers aspects et on le constate très vite. La fracture intervient avec ce premier raccord où nous sommes brusquement délogé de notre embarcation fluviale apaisante dans la jungle cubaine pour atterrir en haut d’un toit des quartiers bourgeois où se déroule une fête extravagante. Le décor thématique est planté.

    Le film se divise clairement en quatre parties, une première nous plongeant donc dans ces coins précieux de la haute société, de l’opulence narcissique de ce peuple privilégié, de ces jeunes filles cubaines servant d’objets sexuels pour les yankees de passage arborant leur argent à tout va, une exubérance perverse qui tranche tellement avec la détresse dans laquelle vivent les villageois des bidonvilles environnants. La seconde démontre la cruauté de l’exploitation du capital sur le marché agricole où les paysans tentent de survivre grâce à des plaisirs simples malgré leur condition précaire. La troisième s’intéresse davantage au début du mouvement révolutionnaire pro-castriste dont l’objectif est d’éliminer un assassin rattaché au régime impitoyable de Batista, il se rendent rapidement compte que leur combat ne sera pas sans sacrifices, l’issue sera d’ailleurs tragique. La dernière partie nous immerge aux premières lueurs de la rébellion dirigée par Fidel Castro et de l’engagement d’un villageois meurtri et revanchard, la lutte armée est engagée laissant émerger un profond sentiment d’espoir retrouvé.

    Tout d’abord je n’ai pas forcément envie d’insister sur le fait que le film est très certainement propagandiste, ça saute aux yeux, c’est tout de même très contestataire envers l’oppression du régime de Batista sur le peuple cubain, il est clairement ancré dans son époque du début des années 60, quelques années après la destitution du dictateur et par la même occasion pour mettre en valeur les idéaux communistes face à des tensions palpables avec les États-Unis. De plus le réalisateur russe Mikhaïl Kalatozov semble honnêtement prendre parti pour ce mouvement en signant un long métrage qui sera d’ailleurs longtemps sujet à la censure, les spectateurs ne le découvriront qu’après la chute de l’Union Soviétique trois décennies plus tard (en 1993 plus précisément où il fut réhabilité par Coppola et Scorsese). Cependant le propos est également dépeint avec beaucoup de sensibilité et de poésie en imbriquant le tout dans une construction narrative intelligente, rapportant de réels contrastes socio-démographiques ainsi que des enjeux politiques et humains. Rien n’est vraiment gratuit comme on pourrait le croire, c’est pour cela que le terme de 'propagande' n’est jamais grossier, sauf peut être à la fin mais la globalité de l’oeuvre est tellement réussie qu’on peut très largement laisser de côté ce petit excès démonstratif d'héroïsme symbolique (dont aujourd’hui on se moque un peu il faut le dire).

    Après il ne faut pas se mentir le véritable tour de force de "Soy Cuba" c’est sa technique, on prend un pied monstrueux de bout en bout, ce film transpire le cinéma par tous ses pores, si on est amateur de plans séquences dantesques on ne peut qu'être gracieusement servi, et ça démarre très fort avec ce travelling absolument démentiel partant du toit d’un immeuble pour redescendre dans une piscine en passant entre deux en revue l’aristocratie cubaine sous fond de musique jazz, en à peine quelques minutes le long métrage est déjà mémorable. L’utilisation de la caméra est incroyable, l’objectif semble flotter dans les airs, empruntant des trajectoires improbables, parfois complètement folles pour l’époque, Kalatozov se place en total virtuose tout en ne se reposant pas uniquement sur cet acquis car la gestion du cadre, de la focale et de la photographie est également bluffante, ce qui rend son oeuvre encore plus somptueuse picturalement parlant, des plans me reviennent et me resteront en mémoire, d’une beauté intemporelle. Je ne pense pas me tromper en supposant que ce film fut fondateur en terme de processus créatif pour bon nombre de réalisateurs à partir des années 90, par exemple le plan séquence de la piscine m’a rappelé celui de "Boogie Nights" de Paul Thomas Anderson ou les mouvements planants et virevoltants de la caméra ceux de "Irréversible" de Gaspar Noé.

    À mes yeux "Soy Cuba" s’inscrit très nettement au panthéon de mes références cinématographiques majeures, j’aime tellement ce style et cette science de l'image, qui en plus ne se contente certainement pas de rester au stade de coquille vide, le film est autant riche de forme que de fond, Kalatozov propose une oeuvre poétique, tragique, sublime et intelligente, obstinément teintée d'espoir et de pure émotion pour une cause qu'il défend avec humanité et sincérité, et même si on ne partage pas les idées défendues ça n'est en rien gênant puisqu'il y a prescription. Bref une véritable claque jouissive qui m'a offert deux heures vingt de cinéma inoubliables.
    anonyme
    Un visiteur
    5,0
    Publiée le 30 août 2010
    une oeuvre d'une inspiration et d'une puissance telle que - si le film n'avait été rélegué auxoubliettes pendant plus de trente ans - il aurait pu renouveler de fond en comble l'art cinématographique lui-même !
    Un film d'une hallucinante liberté, d'une folle audace technique. Une oeuvre magique qui tutoie les sommets. Ceux ou trônent l'Aurore, Potemkne, le Dictateur, la Nuit du Chasseur...le grand chef-d'oeuvre méconnu de l'histoire du cinéma.
    gimliamideselfes
    gimliamideselfes

    3 064 abonnés 3 967 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 10 octobre 2010
    Alors j'aurai pu être plus généreux encore tant le film possède une mise en scène d'une qualité exceptionnelle, tant le film parle, vit, mais par moment mon intérêt pour le film a baissé (avant de repartir, le problème n'est pas là). Un des soucis du film serait peut-être que les meilleurs scènes sont celles avec la voix off narrant les "je suis cuba" c'est véritablement magnifique, le tout avec ces longs plans séquences d'une beauté incomparable.
    chrischambers86
    chrischambers86

    13 706 abonnés 12 423 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 5 mai 2013
    Appartenant à la gènèration des pionniers du cinèma soviètique, Mikhail Kalatozov signa en 1957 son chef d'oeuvre "Quand passent les cigognes" et y rèvèla une grande comèdienne, Tatiana Samoilova! Point de cigognes ici, "Yo soy Cuba" est une symphonie visuelle à couper le souffle, un film splendide aux images soignèes qui a longtemps fait les dèlices des cinè-clubs! Chaque plan est une merveille et continue à faire rêver le spectateur après presque un demi-siècle! Ecrit par le cèlèbre poète Evtouchenko, la virtuositè de la mise en scène (certains plans sèquences camèra à l’èpaule sont très impressionnants), la beautè des images, des èclairages, des dècors sont poussèes avec un souci de la perfection à l'extrême qui force l'admiration! Avec son noir et blanc ètudiè qui ensorcelle avec fascination la chaleur et la luminositè d'un Cuba fantasmè, "Yo soy Cuba" peut-être considèrè à juste titre comme un essentiel du 7ème art avec une camèra qui fait preuve ici d'une libertè èpoustouflante qui en laissera plus d’un abasourdi...
    this is my movies
    this is my movies

    700 abonnés 3 087 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 22 novembre 2016
    Réalisé à la base comme une commande du gouvernement russe et celui de Cuba, ce film s'affirme plus, parfois, comme un film film militant pro-révolutionnaire que pro-castriste. Au-delà de sa perfection technique, avec quelques plans d'une beauté inégalée ou encore des mouvements de caméra invraisemblables pour l'époque (même si on voit quelques artifices), Soy Cuba est une errance dans ce pays en proie aux changements, exploitée par des américains et des riches cubains sans scrupules ou encore par des révolutionnaires bercés par les douces illusions scandées par leur chef charismatique. Parfois patriotique, parfois critique, le film est peu objectif sur le gouvernement cubain pré-révolutionnaire et parfois, glorifie l'acte héroïque un peu trop ostensiblement. Texte magnifique, image à son firmament, acteur pas toujours convaincants mais une vraie leçon de cinéma, beau et tragique, enflammé et fiévreux. Indispensable à tout cinéphile digne de ce nom. D'autres critiques sur
    Dik ap Prale
    Dik ap Prale

    205 abonnés 2 855 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 1 février 2017
    Longtemps reconnu et admiré de ses paires pour ces nombreux plans séquences, dont le plus mémorables effectue une descente de deux étages pour finir dans une piscine pendant un gala de mannequins en maillot, Soy Cuba s'imposa logiquement comme le projet le plus audacieux de son époque. Troisième et dernier long métrage de Mikheïl Kalatozichvili, qui fustige la présence étrangère sur les terres de Cuba, mais également la prostitution, l'économie et la révoltution. Les plans séquences opèrent dans les changements encore indicibles mais biens réels du pays et bien que faits de petites imperfections bien souvent dans la mise en place des figurants, on peut noter l'exigence de leur construction. Jean Bouise aura ainsi affaire à l'hostilité de tout un village, où les figurants hésiteront entre sourires et regards gênés face caméra. Une caméra qui s'impose et bouscule, pour faire de Soy Cuba une curiosité démonstrative qui aura marquée son temps, voir plus largement le cinéma. Le film en lui même tient ses promesses avec une structure en quatre tableaux originale bien que tirant sur la longueur et en dehors des effets il a, c'est certain, une sonorité et une lumière inestimables.
    Backpacker
    Backpacker

    77 abonnés 780 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 6 novembre 2006
    D'abord, il ne faut pas s'effrayer de la durée (2h20) de ce film mémorable puisqu'on se laisse très rapidement séduire par ces images d'une sensualité extrême. Ensuite et s'il n'y avait qu'un seul film à regarder sur l'avènement de la révolution castriste, ce serait bel et bien "Soy Cuba". La désuétude des images et le son défaillant restituent un charme tout particulier à ce long-métrage s'apparentant à un documentaire tant il est didactique et précis... Un chef d'oeuvre que l'on ne se lasse aucunement de voir et revoir...
    ConFucAmuS
    ConFucAmuS

    529 abonnés 951 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 22 juillet 2022
    1992 : une météorite tombe en plein festival de Telluride (Colorado) en fauchant au passage Martin Scorsese et Francis Ford Coppola. Son nom ? Soy Cuba. Le film, à proprement parler une antiquité (tourné en 1963), fait l'effet d'une épiphanie aux deux cinéastes légendaires, à tel point que le premier le range dans son Panthéon personnel. Clair, net, précis. Requinqués à fond, les papas de Taxi Driver et d'Apocalypse Now allient leurs efforts pour offrir au long-métrage de Mikhaïl Kalatozov une seconde jeunesse. En 1995, les salles américaines découvrent le précieux avec trente et un an de retard. En France, il faudra attendre 2003 pour ressentir le souffle qui a pulvérisé deux des plus grands réalisateurs vivants. Comment a t-on pu passer à côté d'un pareil objet pendant si longtemps ? C'est qu'avant d'être un coup de foudre artistique, l'œuvre s'en est d'abord attirée pas mal de foudres.

    Conçu et financé pour être le porte-étendard du régime soviétique à travers le monde, Soy Cuba va faire l'effet d'un camouflet aux huiles du Politburo ainsi qu'aux révolutionnaires castristes. En somme, on reproche à Kalatozov d'avoir fait passer l'art avant la politique. Un "échec" qui poussera les financiers à en saboter l'exploitation puis à laisser tranquillement l'oubli effacer jusqu'à son existence...avant que deux réalisateurs américains réhabilitent la mélopée pro-communiste (savourez l'ironie). Parce que du point de vue occidental, le procès d'intention adressé au metteur en scène n'est pas loin d'être kafkaïen. À aucun moment le produit final (car il s'agit bien d'une commande) ne camoufle sa sympathie pour les populations exploitées, spoliées et broyées par le gouvernement fantoche de Batista (sous influence américaine). Plusieurs personnages deviendront même les icônes romanesques de la rébellion face à l'autoritarisme féroce du pouvoir en place. Alors où est le problème ? C'est qu'avant d'être un film de propagande, Soy Cuba est d'abord et surtout un film.

    Avoir Scorsese et Coppola parmi ses admirateurs, c'est déjà incroyable ? On peut aussi ajouter Terrence Malick, Alfonso Cuarón, Paul Thomas Anderson ou Alejandro González Iñárritu. Le plus beau, c'est que le quatuor de génie n'a même pas eu besoin de le signaler. L'influence du long-métrage de Kalatozov sur leurs travaux est évidente. Grandement aidé par le travail avant-gardiste du chef opérateur Sergueï Ouroussevski, le propos s'affranchit du cadre compassé du pamphlet pour toucher une forme d'immanence qu'on retrouvera sur La Ligne Rouge. Un vent de liberté qui transparaît dans la mise en scène, succession de plans-séquences renversants. La caméra traverse les étages d'un immeuble jusqu'à plonger avec les baigneurs dans la piscine de la résidence, déambule dans un nightclub et se laisse entraîner dans la danse, ou suivre un cortège funèbre et remonter la caméra jusqu'à pénétrer un atelier de couture pour ressortir en surplombant la foule,...Vous cherchiez l'inspiration des meilleurs moments des Fils de l'Homme, Roma, Birdman ou The Revenant ? Eh bien, ne cherchez plus.Soy Cuba n'est pas seulement un plaidoyer en faveur des opprimés, c'est un manifeste esthétique de première importance. Deux aspects qui se fondent naturellement l'un avec l'autre.

    Par un jeu de transitions nous faisant passer d'habitations sur pilotis à un hôtel grand luxe, ou en décadrant l'objectif pour littéralement embrasser l'ambiance ou renverser la situation (la manifestation), Kalatozov et Ouroussevski cartographient les disparités d'un Cuba malade. Usant de la courte focale et du grand angle, les deux hommes écrasent leurs personnages (et nous avec) dans l'architecture et la topographie d'un paradis perdu luxuriant. En dernier lieu, les choix effectués sur la photographie contribuent à donner vie à cet univers simultanément baroque, lyrique tirant même sur l'abstraction dans les séquences en campagne ou le temps d'une réminiscence qui se délite dans la pluie. L'anamorphique utilisée rend compte de l'immensité des panoramas, la pellicule infrarouge renforce les contrastes, les contre-plongées imposantes,...Bref, le langage c'est l'image et non la parole. Bien sûr, il y en a mais on sent que tout est pensé pour dessiner des personnages avec le strict nécessaire. Ce qui suffit amplement. Les quatre histoires se suivent mais on garde le souvenir de chacune d'elles : la détresse de Maria, la colère de Pédro, le courage d'Enrique et la résignation de Mariano.

    Ponctués de la ritournelle "Soy Cuba", ces embranchements renvoient à un pays déchiré par la course à la suprématie et aux profits. Conduit à la guerre mais n'aspirant qu'à la paix, énième paradoxe d'une nation méprisée et incomprise. Mikhail Kalatozov n'a pas la prétention de la jouer subtile, uniquement d'ouvrir grand ses portes sur un monde défiguré (la référence à Christophe Colomb n'est pas innocente) mais prêt à se raccommoder avec un mode de vie et de pensée propres. Ce qui rend encore plus étonnant l'omerta à son sujet, Cuba et l'URSS tenaient là l'instrument idéal pour inciter le camp adverse à réfléchir un moment hors de son cercle. Comme l'a si bien résumé son mécène Martin Scorsese, "s'il avait pu être montré au public en 1964, le cinéma du monde entier aurait été différent". Vu l'importance qu'ont pris les médias et l'art au moment de la Guerre Froide, il n'est pas interdit de penser que Soy Cuba aurait pu faire la différence ailleurs que dans les salles. Ce temps est passé aujourd'hui, mais il n'est jamais trop tard pour le rattraper.
    maxime ...
    maxime ...

    240 abonnés 2 069 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 8 mars 2022
    Propagande politique, ou Politique de propagande ? Quoiqu'il en soit, Mikhail Kalatozov raconte avant tout une tranche extrêmement sensible de proximité entre documentaire et cinéma, du très grand et inoubliable cinéma. Dire que j'ai failli passer à coté ...

    Les Hommes et les Femmes que l'on rencontre au travers de ces quatre histoires, enfants comme plus âgés sont les visages de la contraction tristesse et peine, il ressurgit de cette alliage musique, conviction, culture dans un amas de terres, de rues, avec son architecture bien propre à ce Pays que je rêve de découvrir. De cette colère, de ses corps en émanations, dans la joie comme dans la douleur, les résonnances perdurent de ces deux mots, SOY CUBA !

    De ce regard sur Cuba, aucun misérabilisme précaire, aucune fausse note, chants et silence sont invoqués à des fins qui au fond dépasse ces questions de positions / postures. Ce sont ses visages, encore une fois qui change à mesure, de cette voix OFF qui est partie prenante du constat, de sa poésie, de la force magnifique de ce film qui perdure de 1964 à aujourd'hui. Betty, Pedro, Enrique, Mariano et Amélia, leurs amis, familles, ils et elles sont ce cri !

    Les images de Mikhail Kalatozov sont imperméables aux temps, elles resteront comme des modèles à suivre, des bases solides pour les croyances de ceux qui ne courbe pas l'échine, qui se lèvent et fond front contre dans leurs dureté ... Peut importe parfois la " Grand Histoire ", ce sont ses petits parcours qui délivrent les plus belles émotions.

    Alors, Merci Soy Cuba.
    Julien D
    Julien D

    1 197 abonnés 3 461 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 8 août 2013
    Quelle plus belle preuve de la pertinence d’un film prônant la révolution communiste que de se voir interdit de diffusion sur le sol américain pendant plus de trente ans ? Aisément qualifiable de Cuirassé Potemkine cubain, Soy Cuba n’est pas entré dans la légende du 7ème cinéma que grâce à son engagement idéologique (que ses détracteurs ne sauraient s’empêcher de propagandiste) mais aussi et surtout par son incroyable qualité formelle car Mikhail Kalatozov a réussi à lui donner un aspect lyrique enivrant grâce à ses prodigieux mouvements de caméra vertigineux qui semblent, pendant d’inoubliables plans séquences, flotter en l’air et inspirent de le fait ce sentiment de liberté que recherchent les insurgés du système capitaliste mis en place par le président Batista. Sa maitrise de la photographie noire et blanche est telle que les contrastes entre ombres et lumières en viennent à faire des contours des personnages qu’il filme un autre appui de la puissance évocatrice de ce pamphlet politique onirique. Le scénario constitué de quatre histoires est bien écrit car propice à une reconstitution historique assez foisonnant mais l’absence de fil narratif entre ces récits amoindrit l’émotion que l’on peut ressentir pour leurs héros auxquels on a à peine le temps de s’attacher.
    Loïck G.
    Loïck G.

    336 abonnés 1 670 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 16 novembre 2020
    C’est un film qui s’inscrit dans l’Histoire, et sur le fronton du septième art. A peine sorti en 1963 qu’il est remisé au placard, et puis oublié pendant une trentaine d’années. Scorsese et Coppola le découvrent lors d’un festival et font le ramdam nécessaire pour le distribuer correctement. A travers quatre histoires qui renforcent l'idéal communiste face à la mainmise du capitalisme, Soy Cuba dépeint la lente évolution de Cuba du régime de Batista jusqu'à la révolution castriste. D’un point de vue technique et formel, il est tourné dans l’esprit de « Quand passent les cigognes », avec des cadres et des constructions scénographiques inédites à l’époque. Une caméra sans cesse en mouvement et parfois on se demande bien comment. D’un point de vue scénaristique, prosélytisme à fond et sus aux yankees. Fidel Castro fête ses cinq années au pouvoir quand Mikhail Kalatozov entreprend la réalisation de ce film dont l’objectif affiché est de propager les idées du mouvement révolutionnaire. En ce sens, c’est un film de propagande comme l’explique si bien l’historien François Albera qui alimente ce dvd par des bonus extraordinaires. AVIS BONUS De nombreux chapitres sur le film et l'époque qui l'entoure. Tous les intervenants sont passionnants.
    Pour en savoir plus : lheuredelasortie.com
    Plume231
    Plume231

    3 884 abonnés 4 639 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 17 octobre 2011
    Avec "Soy Cuba", le réalisateur de "Quand passent les cigognes" avait fait en quelque sorte son "Que Viva Mexico" sauf que si la puissance du film d'Eisenstein venait en grande partie de son montage, là elle vient des mouvements de caméra longs et souples jouant systématiquement sur l'objectif grand angle. Composé de quatre histoires, les trois premières sont des dénonciations cinglantes du régime dictatorial de Batista, régime léchant les bottes de l'impérialisme américain, aspect véridique largement montré dans ce film, à travers les thèmes de la prostitution, de la pauvreté et de la répression. La quatrième et dernière histoire tourne autour de l'espoir castriste, socialisme oblige bien qu'en 1964 on savait déjà pertinemment que la Révolution a été juste une "putain" qui a permis à Castro d'imposer sa propre tyrannie. L'ensemble est loin de manquer de poésie surtout quand une voix-off représentant Cuba se fait entendre et certaines images sont de véritables coups de poing pour le spectateur. Une oeuvre forte et visuellement splendide.
    Bertie Quincampoix
    Bertie Quincampoix

    103 abonnés 1 830 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 6 février 2017
    Envoyé à Cuba pour magnifier la révolution menée par Fidel Castro, le cinéaste soviétique Mikhaïl Kalatozov (Palme d'or à Cannes en 1958 pour Quand passent les cigognes) réalisa en 1964 ce chef-d'œuvre de mise en scène, redécouvert à l'ouest à la fin de la Guerre froide. En quatre tableaux, le film dépeint la mainmise des États-Unis capitalistes sur le peuple cubain, et la répression du régime de Batista sur la guérilla castriste. Au-delà de cet aspect politique dépassé, le long-métrage, célèbre pour son noir et blanc sublime et surtout pour ses nombreux plans-séquences à couper le souffle – qui balaient l'écran parfois sur de longues minutes – possède un lyrisme d'une beauté absolue. Extraordinaire.
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