Comme nous l'annonce le titre, ce film a pour but de nous faire voyager. On traverse ainsi l'Amérique du Sud, du Nord au Sud, en contemplant des paysages tous plus époustouflants les uns que les autres. La photographie se devait d'être à la hauteur, elle est exceptionnelle. A tous les grands enfants qui rêvent encore d'aventures, de randonnées improvisées aux fins fonds de la forêt amazonienne, ou d'escalades périlleuses vers les cimes enneigées de la Cordillère des Andes, ce film est fait pour vous.
Mais Walter Salles ne s'est bien entendu pas contenté de ça. Il fallait surtout mettre en scène le périple initiatique d'un des plus grands révolutionnaires modernes: Ernesto Che Guevarra. Montrer l'importance cruciale qu'a eu ce voyage avec son grand ami dans la construction du personnage, de ses idées, de son caractère, de son destin d'homme politique. Le trame narrative prend la forme d'un roman d'apprentissage, avec un personnage principal qui apparaît neutre, candide et inconscient des réalités de ce monde au départ, et qui finit grandi et mâture, nourri de toutes ces expériences, engrangées au plus près de l'humanité. Une humanité qui prend toute sa forme à partir du moment où la moto lâche les deux amis, et où ils se retrouvent à pieds pour le restant de leur voyage. Commence alors ce qui sera une véritable révélation pour Ernesto. Lui, qu'on connaissait déjà honnête et bon (traits de caractère subtilement montrés dans la première partie) va se découvrir une conscience politique, quand l'odeur pestilentielle de la misère humaine et de l'injustice sociale pénétrera son coeur. Les rencontres avec les ouvriers exploités, les réfugiés politiques maltraités, les lépreux stigmatisés, seront autant de violents coups de poignards assénés à une conscience révolutionnaire qui jusqu'alors sommeillait doucement, attendant son heure. Quelques scènes à retenir, où pas à pas, Ernesto devient Che Guevarra: la nuit passée avec les réfugiés politiques dans le désert, les discussions avec les misérables colombiennes, le déjeuner offert par un lépreux avec la plus pure des bienveillances..Et surtout une scène symbolique, magnifiquement filmée, qui résume à elle-seule la force du film: la traversée du fleuve à la nage, fleuve séparant les médecins et les religieuses des lépreux, les nantis des pauvres, les autorités du peuple. Frontière qu'il décide de traverser au risque de sa vie, pour rejoindre ceux qui sont dans le besoin. C'est à ce moment qu'il a décidé de donner sa vie à la cause qu'il défend. C'est un peu à ce moment là qu'il meurt dans la plus noble des gloires. Et ça, Salles nous l'a bien fait ressentir. Chapeau.