Un grand hall. Des jambes qui s'y pressent, sur le sol lisse, raides. Les pas résonnent, rebondissent sur le plafond de verre où l'on peut percevoir les fusées qui décollent, traçant des lignes dans le ciel azur que personne, du moins aucun de ces "Valides", ne regardent. Leur tête, jamais inclinée, reste droite. Ils se suivent, à la file, les mains dans le dos, ne regardent pas non plus par terre. Ils ne regardent rien, car même s'ils le voulaient, il ne verraient que le vide. Le vide de leur visage fermés, et n'entendraient que le son de leurs pas, leurs pieds clapant sur le sol, le sol propre, que nous les vrais humains, les "Invalides", nettoyons. Que nous nettoyons, et que nous faisons briller, comme les étoiles et les astres que seuls les Valides peuvent toucher. Sur ce sol propre, ce monde si sale, et ces tableaux de visages et de corps si beaux, si parfaits, se dessine quelque chose de tragique. Ce qui se veut rassurant se révèle inquiétant. Parce ces hommes parfaits ne sont pas parfaits : car ils n'ont pas d'imperfections. Le film vacille autour de ce paradoxe, tout en l'approuvant, et déplore une époque pleine de rires. Pleines de larme. Ce bonheur de vivre, ce bonheur des risques, le mystère de la mort et cette humanité à jamais perdue. Pas d'effets spéciaux grandiloquents, juste cette musique de regards. C'est en un sens, un film effrayant. Mais quand, à la fin, Ethan Hawke, avant de monter jusqu'aux astres, retombe en enfance, seul avec son frère emporté par les vagues, ce grand bleu assombri dans lequel Vincent et son frère se suivent, se doublent, se défient, et se sauvent, cela redonne à croire au destin, inévitable, et rend la vie à sa juste valeur : celle que l'on ne choisit pas, au même titre que la couleur de notre peau, et à celle de nos yeux, et son mystère permanent. 18/20.