Mon film préféré ou le plus marquant que j'ai vu (à 13 ans, la claque !). Le plus flippant étant de voir qu’aujourd’hui il n'a jamais été autant d'actualité : rien que lorsque l'on voit certains articles traitant du choix de certaines caractéristiques comme la couleur des yeux de l'enfant, ou encore la multiplication des demandes de recherche ADN pour tout et n'importe quoi, cela fait froid dans le dos car comment en pas repenser à ce film à chaque fois...
Tout est sublime : l'histoire, la mise en scène, la musique, le jeu des acteurs, etc. mais la peinture de ce monde futuriste surtout m'a marquée la première fois : Ici (alors qu'on est encore dans les années 90) on ne s'attarde pas à nous faire miroiter une technologie qui nous ferait envie (les voitures volantes, la 3D, les futurs gadgets ...) que nenni ! Ici, les formes et couleurs des bâtiments, le peu de bruit hors appareils de contrôle, l'absence totale de mouvements "désordonnés" que ce soit des humains ou des véhicules, etc tout nous ramène en fait à la mécanisation, à l'aseptisation soit l'absence de "vie" , car tout est programmé, prévisible et c'est bien l'effet recherché pour éviter tout débordement ou renversement de l'ordre.
C'est là qu'en opposition se trouve Vincent : conçu "naturellement", il n'a donc pas en théorie les aptitudes et "forces" des êtres programmés, l'estimation même dès sa naissance de ses probabilités de mourir jette d'emblée un froid ; mais l'on comprend vite aussi qu'on ne lui a pas enlevé certaines choses non plus : en effet, lors de la conception artificielle de son frère est mentionné le fait qu'on limite voire supprime les comportements "dérangeants" comme une tendance à la violence par exemple.
Là se pose la question du formatage sous le prétexte de l'optimisation de la performance, car tous sont maintenant conçus pour correspondre à l'idéal de cette société : peut être qu'on n'a pas "optimisé" le caractère et les capacités intellectuelles ou physiques de Vincent ; mais sa volonté et ses émotions apparaissent vite être justement des atouts car sont bien plus fortes que celles des autres : il séduit Irène par son caractère différent, il défie les probabilités de sa mort comme il le mentionnera, il peut encore faire preuve d'instinct/forte émotivité lorsqu'il donne un coup de poing au policier qui risquerait de le coincer (ce qui fait hurler Irène car on comprend bien qu'un moment de colère/fureur ne se voit plus jamais dans ce monde, les gens en étant "incapables").
Or on voit plus tard lors de l'affaire de meurtre qui secoue la ville que supprimer certaines caractéristiques supposées conduire à la violence ne la supprimera jamais : la violence "à chaud/passionnelle" a peut être été inhibée, mais la violence la plus froide, calculée, réfléchie, en est augmentée :
le directeur de Gattaca avoue de lui même, en toute sérénité et sans absolument aucun remord qu'il est l'auteur du meurtre sanglant, juste parce qu'il voulait voir la mission spatiale achevée de son vivant et qu'à ce moment précis le lancement est assuré !.(son attitude déshumanisée fait tellement plus peur que celle de quelqu'un qui a tué sous le coup de l'émotion, or il est en tant que directeur sensé être le symbole de réussite de cette société).
De même l'idée de discrimination est montrée dans ce film comme absurde car ici elle est encore renforcée par ce formatage et l'idéal de contrôle : en plus des dernières personnes conçues normalement, même un cador issu de la programmation génétique tel que Jérôme (Jude Law) qu'on promettait à un avenir radieux juste par son identité, est mis au banc de la société suite à un simple accident qui le laisse en fauteuil roulant, alors qu'il a toujours un QI au delà de toute espérance et que cet accident ne l'empêcherait donc pas en théorie d'avoir un avenir ; mais dans ce monde cela n'est plus possible car il n'est simplement plus "normé". Pire, comme il est un produit de cette société et a toujours adhéré à ses principes jusqu'à l'accident,
il à sombré en dépression car tant lui était promis, il avait donc forcément un tel égo engendré par tout ça, qu'il lui est impossible de s'en relever et il restera à ressasser (il ne peut pas par sa nature, rester à vivre dans la débrouille comme Vincent a été obligé de le faire) au point qu'il se suicidera, avec la seule satisfaction que quelqu'un comme Vincent ait amené son nom aussi loin.
Le thème de l'identité et de l'individualité est donc central dans ce film, alors si vous cherchez un film SF/ action vous risquez d'être déçus car le rythme est volontairement lent et oppressant.
Je recommande par contre à tous de le voir (et aussi Lord of War du même réalisateur)