C’est l’histoire de l’attraction des êtres et des chairs, un maelstrom passionnel, une chronique humaine des sentiments, fragile et délicate. Avant Innocent – The dreamers, la suavité des relations interpersonnelles et la quête de personnalité sont déjà des thèmes récurrents du cinéma de Bertolucci. Présenté à Cannes en 1996 (sans succès toutefois), ce film peint une jolie carte postale d’une société vivotant dans une belle demeure rustique en Italie. L’arrivée de cette sensuelle beauté qu’est Lucie (Liv Tyler), dans un entre-soi d’artistes en Toscane va enclencher le réveil de sensations endormis dans la torpeur estivale. Lucie, ingénue, pusillanime et pourtant sexuée, tout en volupté, est le symbole de désirs refoulés, le mélange entre la pudeur et l’impudeur des tentations. Son portrait est dessiné sans fioriture sentimentale, avec quelques secrets enfouis
(la quête du vrai père ou la volonté de trouver l’amour)
. Elle symbolise à la perfection, avec ses charmes et son jeu, l’adolescente en fin de cycle à la recherche d’identité, jouet des hommes, perdu entre l’âge adulte et la jeunesse qui s’échappe. La belle Arwen du Seigneur des anneaux est, comme le reste du casting, tout à fait agréable, tout en distinction et en particularisme. Mention spéciale à Jeremy Irons, qui incarne avec brio un homme valétudinaire en phase terminale et en quête de frivolité, prophète de la baise évoluant en vieux sage, un pied tourné vers la mort, l’autre vers l’amour. Cette atypique société, ses bavardages, ragots, séductions ou rancœurs, est mise en valeur par une photographie et des paysages langoureux. L’essentiel de l’action se déroule dans un spacieux gîte perdu aux confins de la Toscane, près de Sienne, entouré de champs et de vignes sublimés par de beaux plan-séquences. L’atmosphère est paisible, sans vis-à-vis, réchauffée par un choix musical judicieux (Portishead est le plus-plaisir) et la chanson de la langue italienne. On sent sur notre nuque le souffle chaud de l’été transalpin. La caméra suit les mouvements des sentiments, fuyante ou approchante au gré des variations. Celle-ci est d’ailleurs au plus proche de Lucie, suivant ses atermoiements, ses questionnements et l’évolution de ses croyances. L’ambivalence est d’ailleurs forte entre cette beauté volée, l’amour pur assassiné, le portrait triste dessiné et l’espoir naissant de la vie. L’équilibre est toujours fragile entre ce que l’on dit et ce qui est caché, entre jeunesse et maturité. La nudité parfois affichée à l’écran répond à cette même quête d’équilibre des appétits charnels.
Le souvenir de cette balade dans les champs toscans n’est pas impérissable mais c’est un doux film d’été, sans prétention, suave et honnête.