Nikita Mikhalkov n'a plus rien à prouver. Sa filmographie, de Cinq soirées à Urga, en passant par les sublimes Yeux noirs, parle pour lui. Président de l'Union des cinéastes russes, proche de Poutine, il n'avait rien tourné depuis Le barbier de Sibérie, en 1998. Sur le papier, l'idée d'un remake du 12 hommes en colère semblait pour le moins incongrue. Et le fait que le film, sorti depuis septembre 2007 en Russie, n'ait toujours pas ait été distribué chez nous, était un mauvais signe quant à sa qualité présumée. Aujourd'hui que le film est enfin dans les salles, les a priori vont tomber d'eux-mêmes. Primo, 12 ne reprend que le point de départ du film de Lumet , prétexte pour livrer une radiographie profonde de la Russie de l'après communisme. Secundo, Mikhalkov est toujours un grand cinéaste et la façon dont il transcende son huis-clos en traçant un portrait précis et subtil des 12 jurés qui représentent toutes les facettes de son pays, est prodigieuse. 2h30, finalement, ce n'est pas si long, pour évoquer une Russie toujours aussi complexe et fascinante. Tertio, Mikhalkov évite le manichéisme et se sort du piège politique (il est quand même largement question de la Tchétchénie) avec une habileté confondante. Vraiment très fort et passionnant pour qui s'intéresse à l'évolution d'un pays dont l'âme profondèment slave et frondeuse perdure, malgré une histoire chaotique (euphémisme). 12 est d'ailleurs à mettre en parallèle avec Gloss de Konchalovski (frère de Mikhalkov), sorti l'an dernier, sans doute moins dense (l'un privilégie les mots, l'autre les images) mais tout aussi pertinent. Mikhalkov, lui, a déjà tourné la suite de Soleil trompeur , à l'affiche des cinémas russes dès le printemps prochain. Celui-là, ce serait bien de ne pas avoir à attendre deux ans et demi pour le découvrir !