(...) Là où la plupart des cinéastes font des thrillers et des films d'horreur nocturnes par facilité, mais aussi afin de privilégier les effets de surprise, les fameux jump scare, Fleischer place la majorité des actions en plein jour. En effet, quand Sarah rentre chez elle la nuit, il ne se passe pas grand chose, notre attention étant portée sur quelques petits détails qui prendront plus d'importance le lendemain (une gourmette par terre). C'est un choix pertinent et surtout, qui joue sur le fait que l'héroïne elle-même est déjà dans le noir, du fait de sa cécité. Ainsi, nous somme plus intrigués et angoissés par ce qu'elle ne voit pas mais que nous, nous voyons parfaitement. L'auteur glisse peu à peu des indices et des stigmates de l'horrible drame qui s'est déroulé durant l'absence de Sarah, avec une douille chassée par le vent, du verre brisée sur le sol de la cuisine, un cadavre qui apparaît dans un coin du plan. Autant d'effets d'angoisse qui ne sont pas ponctués d'un éclair de violon strident, la composition d'Elmer Bernstein restant assez discrète, malgré un excellent thème principal. Et puis, lorsque le film abandonnera le style angoissant, ça sera pour nous trousser un effet de surprise d'autant plus brillant que nous savions pourtant que cet élément était présent. Génial. Du coup, la mise en scène de Fleischer devient très pointue. Afin de se plier à cet exercice de style, le cinéaste compose ses plans avec une grande précision, tout comme chacun des mouvements de caméra devient le résultat d'une grande préparation. C'est ainsi que nous alternons avec des plans près du sol (pour créer un effet d'angoisse dans la cuisine par exemple, avec le verre brisé au sol), d'autres vu d'en dessous et penchés (pour révéler in fine la présence d'un cadavre), des panoramiques qui s'arrêtent sur un petit détail ou bien encore la présentation du tueur d'un point de vue particulier (soit en partant de ses bottes, soit en s'attardant sur sa gourmette). Pour parvenir à un tel résultat, il ne faut pas arriver sur le tournage en ne sachant pas quoi faire, c'est le résultat d'une préparation minutieuse en amont, avec une équipe artistique qui s'est posée beaucoup de questions et qui a travaillé de concert. Au niveau des mouvements de caméra, on est dans l'élégance même, surtout dans la première partie du film. Les cadres sont bien pensés, les décors sont très chargés (constituant autant d'obstacles à l'héroïne), les mouvements sont fluides, et ce n'est qu'après, quand l'action s'emballera, que l'on trouvera quelques plans à l'épaule, avec un cadre qui tremble. De la même façon, si certains mouvements sont brutaux, Fleischer n'abuse pas du zoom comme la plupart de ses confrères durant cette décennie. (...) En clair, c'est une petite pépite du genre, qui est à découvrir d'urgence, afin de se délecter de l'impressionnant travail de mise en scène de son auteur. La critique complète sur thisismymovies.over-blog.com