"Steven a combattu son cancer avec force, courage, grâce et son incomparable sens de l’humour. Il est mort paisiblement durant son sommeil auprès de sa famille." a déclaré le porte-parole de Steven Bochco. Le prolifique scénariste et producteur de 74 ans était atteint d'une leucémie depuis plusieurs années et avait reçu une transplantation de cellules souches en 2014, ce qui ne l'avait pas empêché de continuer son métier en travaillant sur la série First Murder jusqu'à son annulation en 2016. Une série ambitieuse, comme il les aimait, qui suivait les différentes étapes de la résolution d'un meurtre, depuis le moment où le crime est commis jusqu'au moment où se déroule le procès. La dernière d'une longue liste de créations qui ont marqué et même révolutionné la télévision.
Il fait ses armes de scénariste dans de nombreuses séries des années 70 et créé en 1976 une adaptation de L'Homme Invisible qui ne durera qu'une seule saison. Il développe un certain nombre de séries policières qui ne connaissent pas le succès mais il participe à l'écriture de 7 épisodes de la cultissime Columbo. En 1981, il connaît son premier grand succès avec Capitaine Furillo (Hill Street Blues) et impose dès lors sa marque de fabrique. Cette série policière qui durera 7 saisons et lui permettra de remporter 8 Emmy Awards dès la première renouvelle le genre en s'intéressant davantage aux flics qu'à leurs enquêtes, des flics dont les défauts sont mis en avant, disséqués, loin des détectives parfaits et héroïques qui peuplent la télévision de l'époque. Mais sa plus grande innovation est surtout de ne pas miser simplement sur des "cas de la semaine" car il privilégie les histoires au long cours, les arcs narratifs qui se déploient sur plusieurs épisodes voire toute une saison et au-delà. Les séries feuilletonnantes telles qu'on les connaît aujourd'hui lui doivent beaucoup. C'est lui qui a su imposer ce format. Il reprendra ces ingrédients pour la série judiciaire La Loi de Los Angeles en 1986, qui elle aussi connaîtra un grand succès jusqu"en 1994.
En 1987, Bochco se voit proposer la direction du département divertissement de la chaîne CBS, poste en or qu'il refuse. A la place, il signe un contrat d'exclusivité avec la chaîne concurrente ABC pour 10 ans ! C'est de cette association que naîtra la série la plus marquante et la plus longue du créateur mais aussi l'une des plus emblématiques des années 90 tout simplement : New York Police Blues. Au-delà de son aspect feuilletonnant, cette série sur les enquêtes et surtout les déboires des inspecteurs du commissariat de la 15ème Brigade de New York pousse les curseurs encore plus loin que Hill Stree Blues. Elle est très sombre, osée, n'hésite pas à traiter de sujets délicats, tabous, bien plus qu'aucune autre série américaine auparavant. Le personnage d'Andy Sipowicz, le véritable héros de NYPD Blue (en VO), un détective complexe, annonciateur des Tony Soprano ou autres Walter White, permet de remporter à son inteprète Dennis Franz pas moins de 4 Emmy Awwards du Meilleur Acteur. Au cours de ses 12 saisons, la série connaîtra bien des bouleversements.
En parallèle, Bocho créé avec son petit protégé David E. Kelley, devenu lui aussi par la suite, un créateur et producteur star, la comédie médicale Docteur Doogie qui a révélé Neil Patrick Harris. Il connait quelques insuccès aussi, comme celui, retentissant de Cop Rock, une série policière novatrice puisqu'elle prend la forme d'une comédie musicale ! Certainement trop en avance sur son temps. On pourrait citer également, parmi ses réussites, la série judiciaire Murder One, dont le concept était de suivre un seul et même procès tout au long d'une saison.
Après l'arrêt de NYPD Blue, il continue d'être actif dans les années 2000 même s'il est en quelque sorte rattrapé par ce qu'il a lui même créé à l'heure des séries sombres et remplies d'anti-héros. Il travaille essentiellement pour le câble américain et lance par exemple Raising The Bar en 2008 ou Over There pour FX sur le Guerre en Irak en 2005.
Steven Bochco laissera sans aucun doute une trace indélibile sur la télévision américaine en amenant les séries dans l'ère moderne, dans leur fameux "âge d'or", en les osant plus sombres et plus complexes, en créant des héros plus humains et plus difficiles, et en repoussant sans cesse les limites de la décence sur les grands networks.