Chefs : "Une suite est possible, mais pas évidente" selon Hugo Becker

Lancée le 23 novembre sur France 2, après près de deux ans d'attente, la saison 2 de Chefs se termine déjà ce mercredi soir, avec la diffusion des 3 derniers épisodes de cette seconde fournée. Avant de dire (momentanément ?) adieu au Chef, incarné par Clovis Cornillac, et à tous les personnages de la série créée par Arnaud Malherbe et Marion Festraëts, AlloCiné a pu s'entretenir avec Hugo Becker, l'interprète de Romain, le jeune héros torturé de ce drama culinaire pas comme les autres.

Le jeune comédien qui monte, que les sériephiles connaissent notamment pour son rôle de Louis dans les saisons 4 et 5 de Gossip Girl, a accepté de nous parler de l'évolution de son personnage dans cette saison 2, de sa collaboration avec Clovis Cornillac (qui est passé derrière la caméra pour ces nouveaux épisodes), de la possibilité d'une saison 3, et de ses projets à venir, qui comprennent notamment les retours attendus de Baron Noir et de Au service de la France.

Allociné : Cette saison 2 continue de prouver, avec ses partis pris esthétiques et narratifs, entre réalité et onirisme, que "Chefs" est une série à part dans le paysage audiovisuel français. Si on retourne en arrière, vous souvenez-vous, à lecture du scénario, de ce qui vous a immédiatement donné envie d'accepter le rôle de Romain ?

Hugo Becker : Le parcours du personnage. C'est assez génial d'avoir à jouer ce type d'évolution qui est très rare et ne peut pas avoir lieu de la même façon dans un film d'1h30 ou 2h. Mais aussi le réalisateur Arnaud Malherbe car j'ai senti qu'on partageait la même exigence dans le travail et les mêmes envies sur le personnage, qu'on allait pouvoir chercher ensemble, et c'est ce qu'il y a de plus intéressant. J'ai beaucoup appris sur Chefs. Sur la vie intérieure d'un personnage, et le lâcher-prise aussi. Et c'est ce qui m'intéresse dans les projets à venir, apprendre pour avancer et se construire au mieux.

Comment résumeriez-vous l'évolution de Romain au cours de ces 8 nouveaux épisodes ?

C'est un personnage qui se fait dévorer par sa passion. À sa sortie de prison, il s'est découvert un talent, et depuis son seul refuge est de sans cesse repousser ses limites, jusqu'à s'abimer le corps mais surtout l'âme. Et à travers ce parcours chaotique, il va apprendre à faire abstraction de son passé, accepter qui il est, et se construire en tant qu'homme. L'homme qu'il veut être et pas celui qu'on attend de lui, ou qu'il croit qu'on attend de lui.

Christophe Charzat / FTV / CALT

La saison 2 s'éloigne un peu plus des fourneaux pour s'imposer à la fois comme un thriller, mais aussi comme une belle histoire d'amour, entre Romain et la cuisine, Romain et son père, et Delphine et le Chef. Êtes-vous d'accord avec ça ?

Oui, avec une part assez sombre, car les liens qui les unissent sont souvent des amours-haines, que ce soit entre Romain et sa passion, ou Romain et son père notamment. Il est clair en tout cas, sauf dans le premier épisode, qu'on sort beaucoup de la cuisine. Je crois qu'il y avait plus de 140 décors... C'était une très belle aventure de réalisation mais aussi de production. Pour l'univers thriller, oui, il est très présent. Et les liens qui unissent les personnages sont vraiment approfondis dans cette saison 2.

La série devient aussi un peu plus chorale cette saison, et met davantage en avant les personnage féminins, que ce soit Delphine, Charlène, ou les nouvelles venues Clara et Cindy. Doit-on y voir, d'après vous, une manière de prendre à contre-pied la vision machiste que l'on peut avoir du monde de la cuisine ?

C'est une question à poser plutôt à Marion Festraëts qui a écrit. Peut-être, mais je crois aussi que c'est une façon de renouveler les intrigues, et de créer des parallèles. Tous les parcours ont été creusés. Celui de Zinedine Soualem (Karim) aussi. C'est pour moi la force de la série. C'est que chaque parcours est construit et cohérent, même pour des personnages moins centraux, on ne les laisse pas en suspens. Il me semble que c'est aussi une volonté d'écriture pour que certaines choses se fassent écho, pour que l'on ressente bien que la plupart des personnages plongés dans ce monde-là ont un parcours psychologique parfois assez similaire finalement, fait d'ambition et de déception, de perte de repères et de recherche d'unité, car leurs vies sont assez dissolues et décousues.

Clovis Cornillac a réalisé une partie des épisodes. Comment avez-vous vécu le fait d'être dirigé par votre partenaire de jeu ? Est-ce que ça vous a donné des envies de réalisation, à la télé ou au cinéma ?

Clovis Cornillac est quelqu'un de bien, vraiment. De talentueux, et de bienveillant, c'était très agréable de travailler avec lui. Je trouve ses épisodes très réussis. J'aime beaucoup celui où Romain est en prison, le 5 je crois. Il y a beaucoup d'ingéniosité, de force dans l'image, et de sensibilité dans ce qui est dit.

Pour ce qui est de la réalisation, ça m'a toujours attiré. J'ai déjà réalisé des clips (pour Saez et Marina Kaye), la campagne nationale des sapeurs pompiers volontaires, et deux court-métrages, F.A.N. pour 13ème Rue et On verra bien si on se noie qui sera bientôt dans Histoires courtes sur France2. J'ai d'autres projets, oui, mais ce n'est pas pour tout de suite. Pour le moment, je veux faire au mieux mon travail devant la caméra, au service d'une histoire et d'un metteur en scène.

Christophe Charzat / FTV / CALT

Les audiences de la saison 2 de "Chefs" sont en dessous de celles de la première saison. Pensez-vous que c'est dû au temps d'attente trop long entre les deux saisons, qui est souvent problématique dans la fiction française ?

C'est possible. Après je crois que le replay a corrigé pas mal les choses. C'est plutôt correct, 3.5 millions en cumulé sur les deux premiers épisodes. Les gens ne regardent plus le soir même. Mais certainement que le temps d'attente n'a pas joué en notre faveur. La communication n'a pas été la même non plus qu'en saison 1. Pourtant la production était plutôt au-dessus, comparé à la saison 1. C'est à mes yeux une saison 2 très ambitieuse, et dont le développement et l'articulation des épisodes sont très réussis, jusqu'au final, ce qui est très difficile dans une saison 2. Et puis les critiques ont été très positives. La note qualité des téléspectateurs est même plus élevée qu'en saison 1, ce qui est juste génial. Pour moi c'est surtout ça qui compte, faire quelque chose de qualité.

Pensez-vous qu'une saison 3 reste possible ou êtes-vous satisfait de cette fin comme potentiel final de la série ?

Je trouve que c'est un très bel arc qui a été fabriqué et construit sur ces deux saisons, notamment pour le personnage de Romain. Parfois, il ne faut pas gâcher. C'est difficile de réussir une saison 2, et encore plus une saison 3. Je n'ai pas de regret si ça se termine comme cela, au contraire. Une suite est possible, mais il faut qu'elle soit surprenante et aussi exigeante. Ça me semble possible mais ce n'est pas évident.

Avez-vous envie de poursuivre la carrière internationale que vous avez initiée avec "Gossip Girl" ou "Damsels in Distress" ?

Oui, pourquoi pas, ça dépend des projets. Depuis Gossip Girl, j'ai eu la chance de travailler sur plusieurs choses à l'étranger, notamment pour la BBC [dans un épisode de la saison 17 d'Affaires non classées, ndlr], sous la direction de Daniel O'Hara (Skins), où je campais un footballeur impliqué dans une affaire terroriste. C'était génial. Perte de 8 kilos, entrainement avec des semi-pros à Charlton, tournage à Emirates à la mi-temps d'un match, rencontre avec Arsène Wenger. Un vrai rêve de gamin... Et il y a encore 6 mois je finissais de tourner en espagnol Bajo Sospecha, une série pour Antena 3, dans laquelle je joue un flic infiltré. Donc oui, quand on me propose des projets originaux ou des rôles que je n'ai pas fait et qui me plaisent, je fonce. Mais je vous avoue que ce n'est pas un objectif ultime. Je suis pas mal occupé en France, et en ce moment notamment, avec la pièce de théâtre La nuit juste avant les forêts qui me tient énormément à coeur. Ça me plait d'être en France. Ce qui m'intéresse surtout à terme c'est de m'impliquer sur de beaux projets et de travailler avec des gens passionnés et exigeants. Simplement essayer de faire de belles choses en fin de compte.

Luc Roux / Mandarin Télévision

Pouvez-vous révéler quoi que ce soit sur la saison 2 de "Au service de la France", une autre réussite de 2015 dans laquelle vous teniez le premier rôle ? Le tournage a-t-il déjà commencé ?

Je termine le tournage de La Mort dans l'âme de Xavier Durringer, avec Didier Bourdon. Et ensuite je retourne Au service de la France et d'Arte. La suite se fera à Bruxelles, un peu paradoxal, je vous l'accorde. Mais c'est tamponné.

Savez-vous déjà si votre personnage sera de retour dans la saison 2 de "Baron Noir" ? Avez-vous d'autres projets ?

Oui, Cyril, mon personnage, sera de retour dans la suite de Baron Noir, et pas qu'un peu apparemment. On m'a parlé de très belles choses, un beau parcours de personnage. J'ai hâte ! Je vais également reprendre La nuit juste avant les forêts à Paris, le seul en scène sur la pièce de Koltès mis en scène par Paul-Emile Fourny, qui a été créé à l'opéra théâtre de Metz. Et j'ai plusieurs beaux projets de cinéma pour l'année prochaine. Notamment dans un univers assez hors du commun Le dernier voyage de l'énigmatique Paul WR de Romain Quirot en version long-métrage. Le court-métrage original a obtenu beaucoup de récompenses à Tribecca, Manhattan, Rhode Island. Avec Romain, on est tous les deux vraiment très heureux de cette aventure.

Propos recueillis le 5 décembre 2016 par Jérémie Dunand.

La bande-annonce de la saison 2 de "Chefs", qui s'achève ce soir sur France 2, dès 20h55 :