Non, Freeform n’est pas le nom de la dernière salle de sport à la mode. C’est juste comme cela qu’il faut désormais désigner ABC Family, la chaîne câblée américaine qui nous a offert Pretty Little Liars, Greek, Kyle XY, ou, plus récemment, The Fosters. Un changement d’identité annoncé en octobre dernier et qui prend effet ce mardi 12 janvier, avec le début aux États-Unis de la seconde partie de la saison 6 de Pretty Little Liars (qui marque le commencement d’une nouvelle ère pour la série, celle de l’après "A") et surtout le lancement du drama fantastique Shadowhunters, adapté de la série littéraire La Cité des ténèbres de Cassandra Clare.
Et si ce n’est pas la première fois que la chaîne change de nom en près de 40 ans d’existence, cette fois-ci ce renouveau apparaît comme nécessaire, tant l’image de chaîne "familiale" collée à ABC Family ne reflète plus vraiment le fond de ses programmes, destinés aux ados et aux jeunes adultes…
ABC Family, ou la famille "nouvelle génération"
Pretty Little Liars, Switched, Baby Daddy. Des séries qui n’ont pas grand-chose en commun, si ce n’est qu’elles sont toutes les trois diffusées sur ABC Family et destinées à un public d'adolescents et de jeunes adultes. Une cible qui constitue le cœur des programmes d’ABC Family depuis 2006 et qui éloigne la chaîne de ses racines religieuses et familiales. Car avant d’être rachetée par le groupe Disney et nommée ainsi en 2001, ABC Family a d’abord été une chaîne chrétienne (CBN Satellite Service à sa création en 1977), puis une chaîne proposant du divertissement à destination de toute la famille (The Family Channel dès 1990, puis Fox Family Channel à partir de 1998).
Aujourd’hui, ABC Family n’a plus grand-chose à voir avec tout cela. Avec la mise en place du slogan "A New Kind of Family" ("Un nouveau genre de famille") durant l’été 2006, la chaîne a pris un virage moins familial et plus "ado", qui s’est matérialisé par la mise à l’antenne de séries telles que Kyle XY, Retour à Lincoln Heights, Greek, ou plus tard Pretty Little Liars et Championnes à tout prix, qui l’ont alors rapprochée, dans l’esprit, de sa consœur The CW (après tout, Pretty Little Liars et Gossip Girl ne sont pas si éloignées). Même La Vie secrète d’une ado ordinaire, malgré certains côtés très puritains (l’avortement n’y est, par exemple, jamais une option), n’a rien d’une série jeunesse, avec ses personnages d’ados qui ne perdent pas une occasion de coucher les uns avec les autres.
Pour faire simple, disons que malgré la présence du terme "famille" dans son nom, ABC Family n’est pas Disney Channel. Non, c’est une chaîne qui met avant tout en avant la diversité, ce qui lui vaut notamment d’être une des chaînes américaines ayant le plus de personnages gays dans ses séries. Et cette diversité, ce "nouveau genre de famille" si cher à ABC Family, est probablement le mieux reflétée dans deux de ses programmes phares, toujours à l’antenne : Switched et The Fosters.
Switched, au-delà de son postulat de départ légèrement soapesque (deux adolescentes apprennent qu’elles ont été échangées à la naissance), est l’une des rares séries américaines à avoir un personnage régulier malentendant (à savoir Daphne, devenue sourde à la suite d’une méningite, et campée par Katie Leclerc), et la seule à avoir proposé un épisode entièrement tourné en langue des signes. Quant à The Fosters, qui raconte depuis 2013 le quotidien de Stef (Teri Polo) et Lena (Sherri Saum), un couple de lesbiennes servant de famille d’accueil, elle tente de faire avancer les mentalités, et a notamment mis en scène en mars dernier le plus jeune baiser échangé entre deux personnages du même sexe. Évidemment, tout le monde n’a pas apprécié.
Freeform, LA chaîne de toute une génération "élargie" ?
Devenue la chaîne câblée numéro 1 sur la cible des femmes de 18 à 34 ans durant la saison 2014-2015, le succès d’ABC Family auprès des jeunes américains n’est plus à prouver. Mais ses dirigeants sont conscients qu’elle souffre depuis longtemps d’un problème d’image. En effet, si les téléspectateurs les plus fidèles de la chaîne savent qu’ABC Family est plus ambitieuse, et souvent plus subversive, que son nom peut le laisser entendre, pour les autres (ceux qui ne la regardent pas, c’est-à-dire la majorité des Américains) elle reste une chaîne familiale, qui propose des programmes adaptés à tous, et surtout aux plus jeunes.
Alors, pour remédier à cela, la chaîne a surpris tout le monde en octobre dernier en annonçant son intention de se renommer Freeform à partir de janvier 2016. Un changement d’image plus que d’identité (ses programmes phares restant en grande partie les mêmes) qui a pour but, l’espère Tom Ascheim, le président de la chaîne, d’attirer un public plus large et d’être plus en adéquation avec les besoins et l’état d’esprit de sa nouvelle cible visée : les 14-34 ans. Ou les Becomers, comme Ascheim aime les surnommer (différents de la génération Y, qui commence à vieillir). Un public qui fait l’expérience de tout un tas de premières fois, du premier baiser au premier enfant, et qui devrait trouver sur Freeform des séries qui font écho à ce qu’ils traversent.
Mais pourquoi "Freeform" au juste ? La chaîne explique ce choix de nom comme étant un reflet de ce qu’elle représente depuis des années : un ensemble de programmes et de séries qui ne s’imposent aucune barrière, qui encouragent le participatif (notamment à travers leur présence accrue sur les réseaux sociaux), et qui tentent de répondre au mieux à la démocratisation du multi-écrans. Bref, des contenus en formation, comme les Becomers, qui se demandent constamment "qui suis-je ?". Une explication comme une autre, mais qui ne nous empêche pas de penser que Freeform est un nom qui sonne… bizarrement.
Quoi qu’il en soit, pour son grand lancement, la chaîne mise évidemment sur le retour de Pretty Little Liars ce mardi, et sur celui de The Fosters le 25 janvier, mais elle espère aussi créer l’événement avec deux nouveautés. Shadowhunters bien sûr, qui sert de vitrine au passage d’ABC Family vers Freeform, et qui devrait attirer les fans des romans, les déçus de l’adaptation cinématographique (The Mortal Instruments : la Cité des ténèbres, sorti en 2013), et, la chaîne l’espère, les amateurs de fantasy. Mais aussi Recovery Road, centrée sur une adolescente souffrant d’alcoolisme, et qui, malgré ses airs de Chasing Life ayant remplacé le cancer par les addictions, pourrait trouver son public grâce à des intrigues très adolescentes.
Ce changement d’image sera-t-il gagnant pour feu ABC Family ? Réponses d’ici quelques semaines.
Le teaser de Shadowhunters, qui débute ce mardi 12 janvier sur Freeform et dès le lendemain sur Netflix en France :
Wildfire (2005-2008)
Diffusée entre 2005 et 2008 aux États-Unis, Wildfire, portée par Genevieve Cortese (madame Jared Padalecki à la ville), est la première série marquante de l'ère ABC Family, débutée en 2001. Et surtout un bon petit guilty pleasure (sorte de Dallas à la sauce ado, se déroulant dans l'univers équestre) auquel on repense avec nostalgie.
Kyle XY (2006-2009)
Centrée sur un adolescent amnésique (et dépourvu de nombril !) présentant des capacités physiques et intellectuelles hors du commun, Kyle XY, qui a permis de révéler Matt Dallas et Jaimie Alexander (aujourd'hui star de Blindspot), fait partie de ces séries arrêtées trop tôt, qui nous ont laissé sur notre faim (Kyle apprend que Cassidy est son frère et après plus rien ?!!!).
Retour à Lincoln Heights (2007-2009)
Peu connue en France (malgré un passage par Virgin 17 en 2008), Retour à Lincoln Heights, diffusée durant quatre saison sur ABC Family, fait partie des importantes séries familiales et sociétales de la chaîne, tout comme The Fosters. Et tant pis si on avait parfois l'impression d'être devant un étrange mélange du Cosby Show et d'une version (très) édulcorée de The Wire (toutes proportions gardées évidemment, et l'écriture de David Simon en moins).
Greek (2007-2011)
Ah Cappie, Rusty, Dale et les autres... Voilà une série dont les personnages nous ont vraiment marqué. Greek, qui s'est achevée en 2011 après quatre saisons, reste de loin l'une des meilleures séries de l'histoire d'ABC Family. Soyons honnêtes, depuis, on rêve tous de connaître un jour les joies d'une fraternité étudiante (non non, il n'est jamais trop tard !).
La Vie secrète d'une ado ordinaire (2008-2013)
La Vie secrète d'une ado ordinaire, diffusée durant cinq saisons sur ABC Family, racontait l'histoire d'Amy, une jeune adolescente qui découvrait qu'elle était enceinte. Créée par Brenda Hampton, à qui l'on doit déjà 7 à la maison, la série n'échappe pas à un certain côté puritain mais apparaît tout de même moins coincée et un brin moins moralisatrice que son aînée. Et surtout, elle a permis de révéler Shailene Woodley, qui a depuis conquis le grand écran.
Championnes à tout prix (2009-2012)
Diffusée durant trois saisons sur ABC Family, Championnes à tout prix, librement inspirée du film Stick It, sorti en 2006, était centrée sur le quotidien de jeunes gymnastes prêtent à tout pour être sélectionnées aux prochains Jeux Olympiques. Une façon d'apporter un peu d'originalité au genre du teen drama, en le transposant dans le monde du sport de haut niveau. Avec à la clé des séquences de gymnastique assez impressionnantes.
Pretty Little Liars (depuis 2010)
Clairement la série la plus populaire de la chaîne (et la plus activement suivie sur les réseaux sociaux), Pretty Little Liars fait partie de ces guilty pleasures que l'on a du mal à lâcher une fois commencés (malgré une intrigue qui ne tient bien souvent pas debout et prend un malin plaisir à faire traîner les choses en longueur). Mais c'était plus fort que nous, il fallait qu'on sache qui était "A" ! Le dernier épisode en date a répondu à cette réponse, et on attend maintenant de voir ce que la série nous réserve, après un saut dans le temps de cinq ans.
Melissa & Joey (2010-2015)
Si elle a, historiquement, toujours eu beaucoup plus de mal à imposer durablement des comédies sur son antenne, ABC Family a vu les choses s'améliorer de ce côté-là dès 2010 avec l'arrivée de Melissa & Joey, une sitcom sympathique qui marquait le grand retour de Melissa Joan Hart (Sabrina, l'apprentie sorcière) à la télévision et qui s'est achevée le 5 août 2015, après 104 épisodes (tout de même !).
Switched (depuis 2011)
Portée par Vanessa Marano (vu auparavant dans Gilmore Girls) et Katie Leclerc, Switched est en adéquation avec l'un des messages d'ABC Family (et dorénavant de Freeform), à savoir que la diversité, et la différence, sont une force. Et avec la présence de plusieurs personnages sourds parmi ses réguliers, renforcée par de nombreuses scènes tournées en langue des signes, Switched se détache forcément du lot et c'est tant mieux. Un drama familial comme on aimerait en voir plus souvent.
Bunheads (2012-2013)
Bien qu'elle n'ait duré qu'une seule saison (ah, la dure loi des audiences...), impossible d'oublier Bunheads, créée par Amy Sherman-Palladino et portée par la pétillante Sutton Foster (aujourd'hui star de la série Younger). Une série qui, par beaucoup d'éléments, parmi lesquels son école de danse et ses personnages hauts en couleur, nous rappelait forcément les meilleurs moments de Gilmore Girls, autre création de Sherman-Palladino.
Baby Daddy (depuis 2012)
Après le succès de Melissa & Joey, nouvelle tentative gagnante en 2012 pour ABC Family avec la comédie Baby Daddy, qui raconte comment Ben, la vingtaine, se retrouve un jour père célibataire, après un coup d'un soir. Une série qui a le mérite de nous rappeler que, comme The CW, ABC Family aime les acteurs à la plastique parfaite (Jean-Luc Bilodeau, Derek Theler, et Chelsea Kane en tête).
The Fosters (depuis 2013)
Produite par Jennifer Lopez, The Fosters est probablement la série la plus touchante et la plus intelligente d'ABC Family. Portée par le duo d'actrices Teri Polo et Sherri Saum, ainsi que par une belle brochette de jeunes comédiens (David Lambert, Maia Mitchell, ...), ce drama familial traite avec une grande justesse de la question, encore épineuse aujourd'hui, de la famille homoparentale et a été récompensée à plusieurs reprises pour le portrait qu'elle dresse de la communauté LGBT. D'ores et déjà renouvelée pour une saison 4, elle reviendra le 25 janvier sur Freeform, pour la suite de sa troisième saison.
Chasing Life (2014-2015)
Annulée en octobre dernier après seulement deux saisons et 34 épisodes, en raison d'audiences assez faibles, Chasing Life a tout de même marqué les deux dernières années de la chaîne, grâce à un casting attachant (Haley Ramm, Mary Page Keller, Scott Michael Foster), emmené par la révélation Italia Ricci, et à une intrigue surfant sur la vague de Nos Étoiles contraires.
Young & Hungry (depuis 2014)
Si Young & Hungry semble, dans l'esprit, plus proche de Disney Channel que d'ABC Family, la sitcom portée par Emily Osment (ex-acolyte de Miley Cyrus dans Hannah Montana) est en tout cas parvenue à se créer un noyau solide de fans puisqu'elle sera de retour le 3 février prochain sur Freeform pour une troisième saison.
Stitchers (depuis 2015)
Si Stitchers, lancée en juin dernier, et son héroïne capable de s'implanter dans l'esprit des personnes récemment décédées n'ont pas vraiment convaincu la critique, ce drama de science-fiction semble avoir tout de même plu aux téléspectateurs d'ABC Family puisqu'une saison 2 a été commandée, pour une diffusion prochaine sur Freeform.
Shadowhunters (à partir du 12 janvier 2016)
Adaptée de la série littéraire La Cité des ténèbres, Shadowhunters, qui débute ce 12 janvier sur Freeform (et le lendemain sur Netflix en France, au rythme d'un épisode par semaine), saura-t-elle faire mieux que l'adaptation cinématographique qui l'a précédée (The Mortal Instruments) pour devenir l'une des séries incontournables de Freeform, la nouvelle ABC Family ?