Le week-end a été riche en films et soirées, mais pauvre en sommeil pour les festivaliers ? Comptez sur la programmation de ce lundi 23 mai pour les réveiller ! Ceci serait d'ailleurs fait exprès que cela ne nous étonnerait pas plus que ça. Et la journée était notamment marquée par le grand retour de David Cronenberg : sur le Croisette et dans le "body horror" dont il est l'un des rois.
Porté par Viggo Mortensen, Léa Seydoux et Kristen Stewart, Les Crimes du futur a tout pour être le choc de cette 75ème édition. Le Titane de 2022 en somme, ce qui serait un juste retour des choses, tant l'influence de David Cronenberg sur Julia Ducournau saute aux yeux.
Cannes 2022 : retour sur les derniers films dans notre podcast !
Autre événement, montré à la presse ce lundi 23 après une présentation officielle la veille au soir : Novembre. Un an après sa venue à Cannes, marquée notamment par une conférence de presse mémorable, Cédric Jimenez est de retour. Toujours hors-compétition et avec une histoire vraie récente, puisque le long métrage revient sur les quelques jours de traque consécutifs aux attentats du 13 novembre 2015.
Pour en finir avec les cinéastes choc, Park Chan-wook a signé son retour aux affaires et au cinéma, après six années d'absence entrecoupées par le tournage de la mini-série The Little Drummer Girl. Comme dans Mademoiselle, il est question de tension sexuelle et policière, car Decision to Leave raconte l'enquête d'un policier qui tombe amoureux de la principale suspecte d'un meurtre. L'heure de la Palme a-t-elle sonné pour le Coréen ?
Les Crimes du futur de David Cronenberg (Compétition officielle)
Il n’était pas sûr de refaire des films un jour. Pourtant, 8 ans après la présentation de Maps to the Stars en 2014 - toujours à Cannes -, David Cronenberg revient. Cette fois, pas de film noir ou de drame psychanalytique, mais un récit de science-fiction sur le corps, son évolution et un avenir où la douleur n’existe plus. Dans Les Crimes du futur, il dirige - pour la quatrième fois - Viggo Mortensen, qui joue Saul, un artiste adepte de performances extrêmes qui se fait retirer ses organes en public. Pas de doute, on est bien chez Cronenberg. Comme toujours avec le cinéaste, il n’est pas question de choquer gratuitement, mais d’interroger le spectateur sur le monde qui l’entoure. Le récit, d’une immense richesse, regorge de sujets : l’art extrême et son pouvoir libérateur, la quête de liberté, mais aussi l’état d’un monde en fin de vie laissé entre les mains d’une jeune génération déjà condamnée. Dès sa scène d’ouverture, David Cronenberg interpelle. Il s’entoure de ses deux plus fidèles collaborateurs, Viggo Mortensen - excellent et magnétique dans un rôle de visionnaire de la performance -, mais aussi Howard Shore, qui compose une grande musique. Léa Seydoux, qui fait son entrée dans le monde “Cronenbergien”, épate, insufflant ce qu’il faut de douceur et de mystère à son rôle. Âgé de 79 ans, le réalisateur parvient, de nouveau, à surprendre avec un film qui mérite plusieurs visionnages. Une proposition moderne, sulfureuse et forcément transgressive. On en a besoin. Thomas Desroches
Novembre de Cédric Jimenez (Hors Compétition)
Après l’immense succès de Bac Nord, Cédric Jimenez est de retour avec un nouveau thriller musclé sur un sujet encore plus puissant et délicat. Novembre revient comme son nom l’indique sur les attentats du 13 novembre 2015, qui ont bouleversé la France, et plus particulièrement sur les services de police mobilisés cette nuit tragique et les jours qui ont suivi. Le film suit la traque sans précédent de la sous-direction antiterroriste de la PJ (la Sdat) pour retrouver et éliminer les responsables du massacre. On est alors immergé avec les différents équipes spécialisées qui ont travaillé sans relâche pour localiser la cellule terroriste à l’origine des attentats. Pour son cinquième long-métrage, Cédric Jimenez prouve une nouvelle fois qu’il est un maître dans la mise en scène de films policiers et Novembre respire l’urgence, le rythme haletant et l’adrénaline. Il n’en oublie pas d’être aussi touchant, par son sujet évidemment, mais aussi par certains de ses personnages, notamment ceux de Lyna Khoudri et Anaïs Demoustier, bouleversantes de justesse et d’humanité. Les deux comédiennes apportent beaucoup d’épaisseur à un film, certes parsemé de certains moments d'émotions, mais finalement assez factuel et froid dans ce qu’il raconte. Mégane Choquet
Decision To Leave de Park Chan-wook (Compétition)
Six ans après Mademoiselle, Park Chan-wook est enfin de retour au Festival de Cannes et il revient avec une délicieuse et étonnante proposition. Son nouveau film, Decision To Leave, suit l'enquête de Hae-Joon, un détective chevronné, sur la mort suspecte d'un homme survenue au sommet d'une montagne. Sa rencontre avec Sore, la mystérieuse épouse chinoise du défunt, va le déstabiliser à tel point qu'il la soupçonne en même temps qu'elle l'attire. Le scénariste et réalisateur sud-coréen s'amuse avec ce nouveau film en mêlant romance impossible et thriller noir et offre un divertissement malin et enivrant en convoquant Alfred Hitchcock et David Fincher. La mise en scène minutieuse, précise et ludique de Decision To Leave est à l'image du jeu amoureux burlesque, sentimental et tragique entre cet enquêteur et cette suspecte, incarnés par les excellents Park Hae-il et Tang Wei. Grâce à un scénario finement écrit, qui ne laisse aucun détail au hasard, on est rapidement pris par ce récit élégant et drôle, qui décortique le sentiment amoureux intense, celui qui vire à la passion obsessionnelle et qui nous consume de l'intérieur. Cette romance inscrite dans un polar, à la photographie magnétique et à la bande sonore soignée, prend une toute autre ampleur et devient vite passionnante alors qu'elle est impossible et toujours sujette à des rebondissements. Mégane Choquet
Les Cinq Diables de Léa Mysius (Quinzaine des Réalisateurs)
Cinq ans après son premier film Ava, Léa Mysius change totalement de décor et troque la plage et le sable pour la montagne et la forêt dans Les Cinq Diables. La scénariste et réalisatrice qui a collaboré avec Arnaud Desplechin, Jacques Audiard et Claire Denis, raconte dans son deuxième long-métrage une histoire de famille et d’amour contrarié en mêlant drame et film de genre. Avec des décors propices au fantastique et sublimés par la pellicule 35mm, qui apporte de l’épaisseur, de la chaleur et un grain presque magique, Léa Mysius offre à ses personnages une aura mystique et complexe. Les Cinq Diables raconte comment Vicky, une jeune fille étrange et solitaire, va utiliser ses facultés olfactives surdéveloppées pour être transportée dans les souvenirs de sa famille, son village et sa propre existence alors que l'arrivée de sa tante vient tout chambouler dans son équilibre et son amour inconditionnel pour sa mère Joanne. Outre une ambiance inquiétante parfaitement cadrée avec des images qui restent en tête, Léa Mysius revendique un propos plus politique en mettant en lumière les invisibles et les opprimés. Elle questionne également le racisme, la peur de l'autre, la peur de la folie et l'homophobie dans ce petit village étouffant et moralisateur qui a renforcé le mal-être de ses habitants mais qui a vu aussi des amours renaître de leurs cendres. Mentions spéciales à Adèle Exarchopoulos, toujours aussi magnétique, et à Sally Drame, une véritable révélation. Mégane Choquet
Jerry Lee Lewis : Trouble in Mind d'Ethan Coen (Séance spéciales)
Ne les appelez plus les frères Coen. Pour le moment du moins. Alors que Joel a signé, en solo et noir et blanc, une adaptation de Macbeth mise en ligne sur Apple TV au début de l'année, c'est au tour d'Ethan de faire cavalier seul. Avec un documentaire rock consacré à Jerry Lee Lewis, l'une des dernières légendes encore en vie. Incarné par Dennis Quaid dans un long métrage sorti en 1989, Jerry Lee Lewis est aussi connu pour ses chansons et ses performances endiablées que lorsqu'il a défrayé la chronique en épousant sa cousine alors âgée de 13 ans. Autant d'aspects de sa carrière et de sa vie que le long métrage, intitulé Trouble in Mind, n'épargne pas, faisant notamment la part belle à des extraits d'interview dans lesquels le principal intéressé réagissait aux faits. Si le personnage aurait sa place dans la filmographie des frères Coen, pour son humour et son côté haut en couleurs, le documentaire pourrait décevoir les connaisseurs, qui n'y apprendront pas grand-chose. Mais il est amusant de voir que le long métrage fait office de trait d'union entre deux des films de la sélection : Elvis, puisque le King est cité par le Killer (tout autant que son manager Tom Parker, joué par Tom Hanks chez Baz Luhrmann). Et Top Gun Maverick, car Miles Teller y reprend "Great Balls of Fire", tube de Jerry Lee Lewis qu'Anthony Edwards interprétait dans le premier opus. Maximilien Pierrette
Les Années Super 8 (Quinzaine des réalisateurs)
"En revoyant nos films super huit pris entre 1972 et 1981, il m’est apparu que ceux-ci constituaient non seulement une archive familiale mais aussi un témoignage sur les goûts, les loisirs, le style de vie et les aspirations d’une classe sociale, au cours de la décennie qui suit 1968. Ces images muettes, j’ai eu envie de les intégrer dans un récit au croisement de l’histoire, du social et aussi de l’intime, en utilisant mon journal personnel de ces années-là."- Annie Ernaux La Quinzaine des réalisateurs a offert à ses spectateurs une véritable pépite : le premier film réalisé par Annie Ernaux, avec son fils David Ernaux-Briot. Les Années Super 8 donne la sensation d'ouvrir une capsule temporelle, avec ses archives montrant la vie d'une famille il y a 50 ans. La voix et les mots d'Annie Ernaux accompagnent toutes ces images, si intimes, mais à la fois si universelles, témoin d'une époque. On sourit, on est ému. Et pour les lecteurs d'Annie Ernaux, ce documentaire est passionnant car il montre sa vie au moment où elle s'apprêtait à être publiée pour la première fois. Sortie : 14 décembre 2022. Brigitte Baronnet
Les Pires (Un Certain Regard)
Un tournage va avoir lieu cité Picasso, à Boulogne-Sur-Mer, dans le nord de la France. Lors du casting, quatre ados, Lily, Ryan, Maylis et Jessy sont choisis pour jouer dans le film. Dans le quartier, tout le monde s’étonne : pourquoi n’avoir pris que « les pires » ? Les Pires est le premier long métrage de Lise Akoka et Romane Gueret, remarquée avec le court métrage Chasse royale (primé à la Quinzaine des réalisteurs en 2016) et avec la série Tu préfères pour Arte. Les Pires s'inscrit dans la lignée de ces précédents projets, avec à nouveau cette mise en abyme du tournage d'un tournage, invitant le spectateurs dans les coulisses d'une création. Avec son approche réaliste, caméra en mouvement, le duo de réalisatrices adopte les codes du cinéma social, à l'image du cinéma des frères Dardenne. Il y a beaucoup de vie, des scènes tantôt joyeuses, tantôt plus dramatiques. On s'attache vite à ces personnages et jeunes comédiens qu'elles mettent en lumière. La distribution compte également Johan Heldenbergh, vu notamment dans Alabama Monroe. Sortie : 23 novembre 2022. Brigitte Baronnet