Trois mois après son documentaire The Sparks Brothers, Edgar Wright est déjà de retour dans nos salles. Et c'est en partie à cause du Covid-19, qui a repoussé d'un an la sortie de Last Night in Soho, son septième long métrage qui marque également son retour à l'horreur. Dans un registre moins humoristique que celui de Shaun of the Dead.
Emmené par Thomasin McKenzie (Jojo Rabbit) et Anya Taylor-Joy (Le Jeu de la dame), Last Night in Soho suit Eloise alors qu'elle quitte sa campagne natale pour venir étudier la mode à Londres. Et parvient, chaque nuit, à remonter le temps pour explorer les années 60. Quitte à ce que le rêve tourne petit-à-petit au cauchemar.
Entre casting, influences, hommages et heureux hasards, voici huit choses qu'il faut savoir sur le fascinant opus d'Edgar Wright, qui ne tombe pas dans le piège de la nostalgie et se sert de son dispositif pour évoquer la place des femmes dans la société et le regard que les hommes portent sur elles.
À pleins tubes
Last Night in Soho emprunte son titre à la chanson homonyme de Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick & Tich, parue en 1968. Et il ne s'en cache pas, puisqu'on l'entend dans le générique de fin. Dans une interview donnée à Total Film, le réalisateur a révélé que c'était en grande partie grâce à Quentin Tarantino que son film s'appelait ainsi. "Dans Boulevard de la Mort, il utilise leur chanson 'Hold Tight'", explique le cinéaste anglais. "Je lui ai parlé de la chanson, et du groupe, et il m'a demandé si je connaissais 'Last Night in Soho'. Il me l'a alors jouée en me disant que c'était pour lui la meilleure musique qui n'avait encore jamais été utilisée dans un film. J'ai alors commencé à composer une playlist intitulée 'Soho' avec quelques 300 chansons des années 60, mais je n'avais jamais réfléchi au titre du film." "Puis, pendant longtemps, il s'est appelé 'Red Light Area' [titre originel de la chanson, ndlr], mais il y avait un Red Lights avec Cillian Murphy. J'ai alors songé à 'The Night Has a Thousand Eyes', et j'ai découvert en regardant sur IMBD qu'un film s'appelait déjà ainsi (...) Mais la solution était sous mes yeux, car j'avais déjà écouté la chanson, et je trouvais ça super : 'Last Night in Soho'" D'où le titre du film... et la présence de Quentin Tarantino, à qui il a demandé la permission de reprendre son idée, dans les remerciements.
Girl power
Septième long métrage réalisé par Edgar Wright, Last Night in Soho est le premier porté par un personnage féminin (deux, en l'occurrence, ceux de Thomasin McKenzie et Anya Taylor-Joy). Est-ce lié au fait qu'il s'agit également du premier scénario qu'il a co-écrit avec une scénariste, Krysty Wilson-Cairns, qui avait travaillé sur le script de 1917 et assistera Taika Waititi sur celui de son Star Wars ? Ou est-ce pour l'aider à développer ses héroïnes et le propos sur le regard que portent les hommes sur les femmes qu'il a fait appel à elle ?
Comme un avion sans elle
Alors qu'elle avait été engagée pour tenir un rôle dans Top Gun : Maverick, face à Tom Cruise et Miles Teller, Thomasin Mckenzie a quitté le projet pour pouvoir être la tête d'affiche de Last Night in Soho, au même titre qu'Anya Taylor-Joy. Les deux actrices ont également en commun d'avoir pour M. Night Shyamalan : dans Old pour la première, Split et Glass pour la seconde.
L'une chante, l'autre pas
Dès la première bande-annonce, Last Night in Soho nous montrait le personnage joué par Anya Taylor-Joy reprenant "Downtown" de Petula Clark. Quelques mois plus tard, alors que nous discutions avec lui de son documentaire The Sparks Brothers, Edgar Wright nous confirmait que c'était bien l'actrice qui poussait la chansonnette et que la scène serait dans le film. Ce qu'une vidéo est venue nous rappeler, à l'aune de la sortie.
Bon(d)s baisers de Soho
Edgar Wright a convoqué deux anciennes James Bond Girls dans son dernier film. Interprète de la logeuse de l'héroïne, Diana Rigg était Tracy di Vicenzo dans Au service secret de Sa Majesté, et son personnage est notamment resté célèbre pour son mariage avec 007 (George Lazenby)... et sa fin tragique quelques minutes plus tard. De son côté, Margaret Nolan n'a, à première vue, qu'un petit rôle dans l'intrigue de Goldfinger : celui de Dink, masseuse et amante du James Bond incarné par Sean Connery. Mais c'est sur son corps peint en doré que défilent des images du film pendant le générique de début, et on la retrouve sur l'une des affiches, ce qui lui permet de faire partie de l'Histoire de la franchise. Notons que ce n'est pas la première fois qu'Edgar Wright dirige des comédiens passés par la franchise James Bond : interprète de 007 dans Tuer n'est pas jouer et Permis de tuer, Timothy Dalton était au générique d'Hot Fuzz. Puis Pierce Brosnan et sa partenaire de Meurs un autre jour Rosamund Pike au casting du Dernier pub avant la fin du monde.
A titre posthume
Par à triste hasard, les deux James Bond Girls que l'on retrouve au casting de Last Night in Soho sont également les deux actrices à qui le film est dédié : mentionnée au début, Diana Rigg est en effet décédée le 10 septembre 2020, au moment où le long métrage aurait initialement dû sortir, si la pandémie ne s'en était pas mêlée. Margaret Nolan nous a, quant à elle, quittés quelques jours plus tard, le 5 octobre 2020. Un hommage lui est rendu dans le générique de fin.
Voyage, voyage (dans le temps)
S'il y a bien un habitué des voyages dans le temps sur petit et grand écran, c'est Matt Smith. Avant Last Night in Soho, l'acteur anglais a été (très) brièvement aperçu dans Terminator Genisys, mais il a surtout été le héros de Doctor Who pendant trois saisons, entre 2010 et 2013. L'un de ses épisodes, "Le Cauchemar écarlate" (S07E11) l'envoyait dans le Yorkshire à l'époque victorienne, et l'une des guests n'était autre que… Diana Rigg.
Influences horrifiques
Comme souvent avec Edgar Wright, plusieurs films et musiques ont inspiré Last Night in Soho. Mais le réalisateur cite deux longs métrages en guise d'influences majeures : Répulsion de Roman Polanski avec Catherine Deneuve, dont on retrouve des traces dans certains plans, l'aspect névrotique du récit et la question du regard des hommes sur les femmes. Et Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg, que l'on peut reconnaître dans son utilisation des visions et la manière dont le passé devient une obsession. Sans que Last Night in Soho ne ressemble à une compilation mâtinée de giallo (sous-genre horrfique venu d'Italie et dont Dario Argento était l'un des rois), car il parvient à trouver sa propre identité.
De Poudlard à Soho
Après David Bradley, Bill Nighy ou Jim Broadbent, passés à des degrés divers par sa Cornetto Trilogy (Shaun of the Dead, Hot Fuzz et Le Dernier pub avant la fin du monde), Edgar Wright s'offre deux autres acteurs de la saga Harry Potter : James et Oliver Phelps, alias Fred et George Weasley. Les jumeaux ne font qu'une brève apparition, lors du premier voyage dans le temps d'Eloise (Thomasin McKenzie), et vous pourriez avoir l'impression de n'en voir qu'un. Edgar Wright s'est en réalité servi d'eux pour l'un des très nombreux effets de miroir du récit.