Après Cannes, c'est dans un autre festival français que Dylan Penn était à l'honneur en 2021 : en marge de la présentation, en avant-première, de Flag Day à Deauville, la comédienne a en effet reçu le prix Nouvel Hollywood, remis à un espoir. Elle succède ainsi à Ryan Gosling, Jessica Chastain, Daniel Radcliffe ou Sophie Turner.
Et c'est au lendemain de la projection sur les planches, la fille de Sean Penn et Robin Wright est revenue avec nous sur cette récompense, ses envies de réalisation et le travail avec son père, avec de dévoiler son top 3 des films de ce dernier.
AlloCiné : Que représente un prix comme celui-ci à ce stade de votre carrière ?
Dylan Penn : Le seul fait d'être reconnue va au-delà de mes rêves les plus fous. Et j'aime ce film. Je suis très fière de mon père. Je l'aime dans son intégralité, sans même parler de moi : j'ai revu les cinq premières minutes hier soir [lors de l'avant-première], et voir ces images en 16mm sur grand écran, c'était vraiment beau. Mais je ne sais pas encore ce que ce prix va représenter pour moi.
Vous souvenez-vous du moment où vous avez voulu devenir actrice ?
Cela a pris du temps. J'ai d'abord toujours pensé que jouer la comédie était une idée ridicule : voir des adultes qui se déguisent en d'autres personnes, ça me paraissait fou. Aujourd'hui j'ai un énorme respect pour les acteurs pour l'avoir fait moi-même.
En fait j'avais exprimé mon désir de réaliser, vers l'âge de 17 ou 18 ans je pense, et mes deux parents m'ont dit, à plusieurs reprises, qu'il ne fallait pas mettre un pied sur un plateau si on ne savait pas ce que c'était que de jouer. C'est donc ce qui m'a poussée à devenir actrice. Et puis j'ai commencé à trouver cela amusant, ce rôle est arrivé et il était trop beau pour le laisser passer.
Mes deux parents m'ont dit qu'il ne fallait pas mettre un pied sur un plateau si on ne savait pas ce que c'était que de jouer
Avez-vous dit à vos parents que vous trouviez le jeu d'acteur ridicule ?
Non (rires) Je leur ai juste dit que ce n'était pas quelque chose que je voulais faire. Je pense qu'ils savaient que je finirais par le faire, et ils ne m'ont jamais poussée. Mais je n'irais jamais leur dire "Ton travail est ridicule !" (rires)
Ou alors il faudrait ajouter "Mais finalement je me rends compte que…"
(rires) Maintenant je réalise que c'est un vrai travail. C'est un vrai métier, et ils sont tous les deux excellents dans ce domaine.
Et vous le faites aujourd'hui sous la direction de votre père. Est-ce plus facile de jouer pour son père, ou plus difficile ?
Un peu des deux. Il faut parfois se référer à sa propore vie en tant qu'acteur, pour faire surgir certaines émotions, surtout lorsque l'on joue une fille et son père. Mais mon père a vraiment enveloppé le personnage. Et, en tant que réalisateur, c'est un très bon collaborateur, ce qui rendu le travail avec lui facile.
Il est également important de noter que mon père n'autorisait pas les téléphones sur le plateau, donc tout le monde était vraiment engagé et présent. Cela a rendu notre espace de jeu vraiment sûr, et nous a permis d'être vulnérables et à vif. C'était presque comme faire une thérapie familiale tous les jours (rires)
Avez-vous hésité lorsque le rôle vous a été proposé ?
On m'a proposé, quand j'avais 15-16 ans, d'incarner la jeune Jennifer, et j'ai catégoriquement refusé. Et dit plusieurs fois que je ne le ferais pas. Mais il y a eu plusieurs versions, car cela fait presque vingt ans que William Horberg et la vraie Jennifer Vogel essayent de monter le projet. Et une quinzaine d'années plus tard, il a refait surface avec mon père à la réalisation, et un autre acteur pour jouer John.
Cet autre acteur et moi nous sommes rencontrés plusieurs fois pour essayer de trouver une alchimie et apprendre à nous connaître. Mais un mois avant le tournage, il a dû se retirer à cause de problèmes familiaux. Mon père a alors rencontré six acteurs différents, mais il s'agit d'un film indépendant, sans argent, tourné pendant l'été, et personne ne pouvait le faire. Donc il a dû s'emparer du rôle par nécessité. Tout s'est donc mis en place en l'espace de trente jours, c'était une sorte d'heureux hasard.
Quels sont les meilleurs conseils que votre père et votre mère vous ont donnés ?
Ma mère m'a toujours dit que si quelque chose semble faux, que ce soit un accessoire, la chaise sur laquelle vous vous tenez, la façon dont vous êtes assis, dont vous êtes habillé… Si quelque chose ne semble pas juste, ne le faites pas, parce que ce sera faux à l'écran. C'était donc comme mon mantra, j'y pense tous les jours.
Du côté de mon père, c'est plus cette idée de "Pourquoi tu dis ce que tu dis ? Quel est le raisonnement derrière ce dialogue ? Il ne suffit pas de le dire, il faut qu'il y ait une raison propre." Donc apporter un peu de ma propre vie ici a été important pour moi. Surtout que je joue le rôle d'une vraie personne. Donc mon allégeance est de raconter son histoire de la façon dont elle voulait qu'elle soit racontée. Sans pour autant l'imiter, et je devais donc y apporter un peu de ma propre expérience pour colorer le personnage.
Dans l'une des scènes de "Flag Day", votre personnage hérite d'une caméra. Est-ce une manière de faire comprendre que vous allez bientôt réaliser, comme vos deux parents ?
J'adorerais réaliser. Je pense que c'est vraiment là que réside ma passion. Que j'ai toujours voulu être derrière la caméra. J'ai un partenaire d'écriture. Nous écrivons ensemble, et l'idée qu'une autre personne mette ce que j'écris en scène... Je ne sais pas trop comment je me sens par rapport à ça. Alors j'espère que, peut-être en 2022, je réaliserai. Et que je pourrai rendre la pareille à mon père en le dirigeant.
Apporter un peu de ma propre vie dans Flag Day a été important pour moi
Avez-vous d'autres projets ?
Pas vraiment. Pas vraiment. J'aimerais continuer à jouer la comédie, mais nous verrons. J'aimerais faire quelque chose de complètement différent, comme une satire ou quelque chose de drôle. Quelque chose d'un peu plus léger.
Avez-vous senti l'impact de la présentation du film à Cannes sur votre carrière et les rôles que l'on vous propose depuis ?
Pas vraiment. Peut-être parce que je suis globalement restée en France depuis, donc je ne pense pas m'en être rendue compte jusqu'à ce que je participe à des festivals. Mais j'ai l'impression d'être à la télévision nationale et que rien n'est encore figé. Nous verrons.
Vous risquez d'avoir le choix.
Merci ! J'espère que ce sera le cas oui (rires)
Sinon vous réaliserez le film vous-même.
Exactement !
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Deauville le 5 septembre 2021
DYLAN PENN DÉVOILE SON TOP 3 DES FILMS DE SEAN PENN
Into the Wild de Sean Penn (2007)
Into the Wild est l'un de mes films préférés de tous les temps. Et j'aime Emile Hirsch aussi (rires) Je pense que ce film est un tel chef-d'œuvre à cause, entre autres, de la manière dont mon père utilise la musique comme un personnage, avec la voix d'Eddie Vedder. C'est une œuvre héroïque.
La Dernière marche de Tim Robbins (1995)
J'ai vu La Dernière marche quand j'étais jeune. Et il m'émeut encore beaucoup aujourd'hui. Je n'y vois pas mon père en tant qu'acteur dedans. Il a disparu dans le rôle.
Harvey Milk de Gus van Sant (2008)
J'aime beaucoup beaucoup Harvey Milk. J'aime le voir avec James Franco. Et j'y vois la vulnérabilité et la douceur de mon père, ce qui n'arrive pas si souvent. Il est souvent vu, à tort, comme quelqu'un d'agressif alors que c'est un ours en peluche. Je l'aime dans ce rôle.