Les héroïnes ont le vent en poupe à cette 74ème édition du Festival de Cannes ! Après Benedetta et Julie en 12 chapitres, c'est au tour d'Anaïs Demoustier d'être mise sous le feu des projecteurs dans la comédie romantique délicieuse Les Amours d'Anaïs, premier film de Charline Bourgeois-Tacquet. Mais le film de la compétition attendu ce jour était Flag Day, un biopic qui signe le retour de Sean Penn sur la Croisette, après la déception qu'avait engendré The Last Face.
Autre biopic très attendu : celui sur le groupe de rap NTM, l'enflammé Suprêmes signé Audrey Estrougo et approuvé par Kool Shen et Joey Starr ! Le film a eu droit à une Séance de Minuit et une sélection Hors Compétition lors de ce festival.
Du côté des sections parallèles, Nahuel Pérez Biscayart, la révélation de 120 Battements par minute, incarne un sombre personnage dans le drame social El Empleado y El Patron à la Quinzaine des réalisateurs. Son ancien acolyte de 120 BPM, Antoine Reinartz, était quant à lui venu défendre Petite Nature à la Semaine de la Critique dans lequel il incarne un maître d'école qui suscite la fascination d'un de ses petits élèves.
Toujours à la Semaine de la Critique, Olga dresse le portrait d’une sportive ukrainienne sous pression en compétition à des milliers de kilomètres de son pays natal en pleine révolution. Enfin, dans la sélection "Le Cinéma pour le Climat", le documentaire Bigger Than Us de Flore Vasseur, soutenu par Marion Cotillard.
Suprêmes (Hors Compétition - Séance de Minuit)
Exercice périlleux et souvent casse-gueule, les biopics musicaux peuvent autant déchaîner les passions que décevoir les fans. Mais si la nouvelle proposition, française cette fois, Suprêmes, a le droit à une présentation Hors Compétition en Séance de Minuit au Festival de Cannes, ce n’est pas pour rien. Réalisé par Audrey Estrougo, le biopic sur le célèbre groupe de rap NTM a été validé par Kool Shen et Joey Starr, qui ont travaillé avec la réalisatrice sur le scénario. Et ça paye ! Suprêmes est un biopic efficace, bien rythmé et authentique sur la formation et la percée du groupe qui retranscrit fidèlement l’esprit du duo de rappeurs tout en dressant un portrait pertinent de la société française fracturée de l’époque. Le film retrace les jeunes années du groupe culte NTM, de sa création en 1988 jusqu’au premier concert du duo au Zénith de Paris en 1992. Avec une part d’intrigue romancée et une plongée dans l’intimité des deux stars du rap, Suprêmes impressionne par ses scènes de concerts assez folles et la superbe scénographie des séquences musicales. Sandor Funtek et Théo Christine ont réussi à se glisser corps et âme dans leurs personnages et livrent une prestation impeccable. Mégane Choquet
Flag Day de Sean Penn (Compétition officielle)
Après l’accueil chaotique de The Last Face, son précédent film, Sean Penn séduit avec Flag Day. Il y raconte l’histoire vraie de Jennifer et John Vogel, une jeune femme désireuse de réussir face aux délits répétés de son père, menteur et magouilleur compulsif. Pour jouer sa progéniture, Sean Penn a fait appel à celle qui joue ce rôle dans la vraie vie, Dylan Penn. L’actrice trouve ici son premier grand rôle au cinéma et crève l’écran. Regard inspirant sur l’envie de réussir et d’échapper à un sort qui semble déjà scellé, Flag Day est avant tout un voyage dans une Amérique déchirée et une belle lettre d’amour d’un père pour sa fille. Thomas Desroches
Les Amours d'Anaïs (Semaine de la Critique)
Personnage bien nommé pour Anaïs Demoustier dans Les Amours d’Anaïs, premier long métrage de Charline Bourgeois-Tacquet, qui offre un formidable terrain de jeu pour l’actrice désormais incontournable du cinéma français. Solaire, lumineuse et malicieuse, l’actrice fait tourner les têtes de ses partenaires et manie les mots comme jamais malgré sa maladresse en amour. Son duo avec Valeria Bruni-Tedeschi, incandescente, vaut le détour. La réalisatrice livre un premier long métrage séduisant et délicat qui décortique les sentiments amoureux et les désirs brûlants. Mégane Choquet
Petite Nature de Samuel Theis (Semaine de la critique)
Un sujet troublant se cache derrière Petite Nature : l’obsession d’un jeune garçon pour son maitre d’école. Sans un film à la fois délicat et subversif, Samuel Theis s’empare brillamment d’un sujet complexe et à risque. Il raconte les espoirs d’un enfant pour fuir sa vie, son milieu social, pour s’élever lui-même et devenir quelqu’un d’autre. Le film jette un œil pertinent sur le transfuge de classe, et aussi cette fascination étrange que les enfants portent parfois sur les adultes. Antoine Reinartz (120 battements par minute, La Vie scolaire) incarne avec justesse une figure à la fois d’autorité et de désir. Le jeune Aliocha Reinert est quant à lui bluffant. Sa maturité impressionne, si bien qu’il est parfois difficile à croire qu’il avait 11 ans au moment du tournage. Thomas Desroches & Brigitte Baronnet
L’Employé et le Patron (Quinzaine des Réalisateurs)
Plongée brutale dans le milieu rural uruguayen, L’Employé et le Patron (El Empleado y El Patron) met en opposition deux classes sociales à travers le conflit qui anime un petit patron agricole et un de ses employés sur son exploitation de soja. Un terrible évènement va faire basculer l’équilibre déjà fragile de cette relation de travail où l’ascendant aura toujours le dernier et terrible mot. Entre le western et le thriller, ce film de Manuel Nieto dresse le portrait violent d’un monde paysan toujours plus précaire mais aspirant à toujours plus de liberté malgré les difficultés. Nahuel Perez Biscayart, la révélation de 120 battements par minute, livre une performance sombre et à contre-emploi face à un jeune Cristian Borges bouleversant. Mégane Choquet
Olga (Semaine de la Critique)
Coming of age, quête d'identité, film politique... Olga est un peu tout ça à la fois. C'est surtout le portrait d'une jeune femme tiraillée entre son parcours personnel (rejoindre l'équipe suisse de gymnastique et renoncer à sa nationalité ukrainienne) et le destin collectif qui s'écrit à plusieurs milliers de kilomètres du centre d'entraînement, dans son pays natal, alors qu'éclate la révolution et que lui parviennent les violentes images d'Euromaïdan. Le jeune réalisateur Elie Grappe s'inspire de l'histoire vraie d'une violoniste et la transpose dans le milieu du sport de haut-niveau, pour "tracer l’histoire d’une héroïne qui doit, malgré elle, concilier son désir personnel avec le cours de l’Histoire". Dans le rôle-titre, Anastasia Budiashkina, sportive issue de la réserve nationale ukrainienne, impressionne. Yoann Sardet
Bigger Than Us (Sélection "Le Cinéma pour le Climat")
Pour "incarner cinématographiquement" son engagement écologique, le Festival de Cannes propose cette année une sélection éphémère de films sur l’environnement. Bigger Than Us de Flore Vasseur, soutenu par Marion Cotillard, est l'un de ces longs métrages. Un documentaire en l'occurence, qui suit les pas de Melati, 18 ans, Indonésienne engagée dans un combat contre la pollution plastique. Tel un Petit Prince explorant une planète à la dérive, elle part à la rencontre de six autres jeunes engagés, totalement dévoués à des causes plus grandes qu'eux-mêmes, qui ont choisi l'action à l'abattement, l'humanité au confort, le réveil à l'aveuglement. Entre espoir, colère, peur et courage, ils tendent un miroir vers notre inaction individuelle, et nous rappellent que chaque petit geste peut compter. Une importante leçon de vie en somme. Mais sera-t-elle seulement entendue ? Yoann Sardet
Oranges sanguines de Jean-Christophe Meurisse (Hors-Compétition - Séance de minuit)
Vous aimez l'humour noir ? Oranges sanguines va vous satisfaire plus que de raison. Pour son deuxième long métrage, Jean-Christophe Meurisse orchestre un jeu de massacre politiquement incorrect qui secoue et n'épargne rien ni personne : les politiques, la jeunesse, les seniors, les médias… Tout le monde en prend pour son grade dans ce film choral qui passe d'un segment à l'autre et tend parfois à s'éparpiller. Mais le metteur en scène va au bout de ses idées avec des personnages plus monstrueux les uns que les autres, quitte à frôler de très près le mauvais goût alors que le récit devient de plus en plus violent. Si le résultat pourra diviser, le casting, lui, devrait faire l'unanimité. Et notamment la révélation Lilith Grasmug. Maximilien Pierrette
Compartiment N°6 de Juho Kuoasmanen (Compétition)
Réalisateur du très remarqué Olli Mäki, le Finlandais Juho Kuosmanen débarque sur la Croisette, et en Compétition, à bord d'un train. Celui dans lequel Laura (Seidi Haarla) fait route vers la Russie afin d'étudier les ptéroglyphes (dessins sur pierres) d'un site archéologique de la mer arctique. Installée dans le Compartiment N°6 du titre, elle fait la connaissance d'un homme qui apparaît comme son opposé, mais que les événements vont rapprocher. Rythmé, à deux reprises, par le célèbre "Voyage voyage" de Desireless, le trajet est doux et plein de tendresse, à tel point que l'on arrive à bon port avec le cœur léger. Très feel-good, le long métrage manque cepenendant d'un petit quelque chose pour marquer les esprits plus durablement. Un peu plus de surprises par exemple, pour que le résultat, qui évoque la poursuite de ses rêves et de ce qu'on laisse derrière soi pour les atteindre, soit encore plus dépaysant. Maximilien Pierrette
Bonne mère de Hafsia Herzi (Un Certain Regard)
Bien avant son premier long métrage Tu mérites un amour, Hafsia Herzi avait ce désir de mettre en scène une mère courage, forte, déterminée, portant à bout de bras sa famille, à en oublier sa vie de femme. Bonne mère est la concrétisation de ce projet qui va sans nul doute toucher la Croisette. Femmes en lutte, quartier d'enfance difficile, vie de quartier et de famille soudés : sous l'oeil de la jeune réalisatrice, tout un monde se dessine, vrai, franc, résilient et drôle, nourri de son vécu, de sa poésie et de son amour des gens sincère. Laetitia Ratane