Dans les années 1960, Tippi Hedren a été victime de harcèlement de la part de l'un des cinéastes les plus respectés d'Hollywood. Ce dernier l'a malmenée sur deux tournages et a développé une fascination maniaque pour la jeune actrice. Elle a refusé ses avances répétées et en conséquence, le réalisateur a tout fait pour ruiner sa carrière.
Souvent accusé d’avoir malmené ses actrices, Alfred Hitchcock, fasciné jusqu'à l'obsession par les jeunes femmes blondes, aurait poussé le vice à l’extrême avec Tippi Hedren, qui a joué sous sa direction à deux reprises, dans Les Oiseaux, en 1963, puis dans Pas de printemps pour Marnie, en 1964. La comédienne, qui ne s’est jamais cachée d’avoir souffert de l’obsession que le réalisateur nourrissait pour elle, est revenue plus en détails sur leur relation dans ses mémoires, Tippi, publiées en 2016.
On est en octobre 1961 et Alfred Hitchcock regarde la télévision avec sa femme Alma. Il repère, dans une pub pour des substituts de repas, une jeune mannequin. Il s'agit de Tippi Hedren. Il décide alors de tout mettre en œuvre pour la trouver et lui faire signer un contrat exclusif de 7 ans. La jeune femme, qui n’a jusqu’alors jamais vraiment envisagé une carrière dans le cinéma, accepte, malgré des conditions financières peu engageantes. Divorcée, mère célibataire, elle choisit la stabilité d’un salaire certes moins important, mais régulier, à la précarité du fonctionnement des cachets, parfois plus conséquents mais beaucoup plus incertains.
S’il la voyait parler à un autre homme, Hitchcock lui jetait un « regard inexpressif et inébranlable »
« A l'instar de James Stewart dans Vertigo, Hitchcock préférait l'imaginaire au réel et il ne pouvait réagir devant une femme avant de l'avoir refaçonnée pour correspondre à son rêve », indique le biographe Donald Spoto dans son ouvrage sur Hitchcock La Face cachée d'un génie. Aussi, ainsi que le fait Scottie dans Vertigo, Hitchcock décide de façonner Tippi Hedren comme il l'entend. Sur le tournage des Oiseaux, il lui mène déjà la vie dure, jusqu’en dehors du plateau. L'homme est possessif plus que de raison : il la fait suivre, la conseille sur ses fréquentations, lui dit quoi porter, à qui parler… Le comédien Rod Taylor, son partenaire et co-star dans Les Oiseaux, est même sommé par le cinéaste de « ne pas la toucher ». Tippi Hedren déclare que s’il la voyait parler à un autre homme, Hitchcock lui jetait un « regard inexpressif et inébranlable... même s'il parlait à un groupe de personnes de l’autre côté du plateau ». Elle ajoute qu’il aurait souvent demandé à son chauffeur de passer devant sa maison, et qu’il aurait par ailleurs essayé de l'embrasser à l’arrière de sa limousine : « C'était un moment terrible, horrible », écrit-elle dans Tippi.
Le tournage de la scène de l'attaque des oiseaux aurait duré une semaine entière, semaine au cours de laquelle l'actrice doit supporter d'être enfermée dans une cage assaillie par de véritables oiseaux complètement paniqués. On lui jette au visage des mouettes, des pigeons et des corbeaux. Un jour, un corbeau attaché à son épaule fait un saut brusque et manque de lui crever un oeil. Traumatisée par ce premier film, la jeune femme accepte toutefois d’honorer le contrat qui la lie au réalisateur et de jouer sous sa direction dans Pas de printemps pour Marnie l'année suivante. Dans son livre, elle raconte qu’Hitchcock fait alors installer une porte qui relie son bureau à la loge de la comédienne. Elle ajoute qu’il serait entré dans son vestiaire et qu'il aurait essayé de mettre ses mains sur elle : « C'était sexuel, c'était pervers », décrit-elle. « Plus je me défendais, plus il était agressif. »
« Isolé dans son enfance et son adolescence, pratiquement enfermé avec sa mère jusqu'à son mariage à l'âge de 27 ans (...) Hitchcock a nourri toute sa vie la terreur d'enfreindre la loi et d'être ainsi considéré comme un "mauvais garçon" », écrit Donald Spoto. « D'un côté, la Femme était une abstraction, presque une déesse distante dans sa pureté et sa froideur ; mais, "à l'arrière d'un taxi", comme il aimait à le dire, ce qu'une pareille femme pouvait faire était exactement ce qu'il désirait. »
« Il était un misogyne et il avait un sacré paquet de problèmes »
Plus de 50 ans après les faits qu'elle rapporte et plus de 35 ans après la mort de cinéaste, Tippi Hedren indique n’en avoir alors parlé à personne car, à l’époque, « le harcèlement et le harcèlement sexuel étaient des termes qui n'existaient pas ». En 2012, au moment de la sortie du téléfilm The Girl, qui retraçait le tournage difficile des Oiseaux, elle avait déclaré : « Il était un misogyne. Je pense qu’il avait vraiment un sacré paquet de problèmes. »
Après le tournage de Marnie, Hitchcock a d'autres projets pour Tippi Hedren, devenue l'objet de son obsession, mais son comportement est devenu insoutenable et après que le cinéaste s'est jeté sur elle dans une limousine pour l’embrasser, elle décide de ne plus jamais accepter de collaboration avec lui. Hitchcock est hors de lui, il menace de détruire sa carrière. Il va même jusqu'à se venger sur Melanie Griffith, la fille de Tippi Hedren : « Il m'a offert un cadeau de Noël quand j'avais cinq ans », raconte-t-elle. « C'était une boîte en forme de cercueil : elle contenait une poupée style Barbie qui ressemblait à ma mère. »
Hedren se retrouve dans l'impossibilité de rompre son contrat avec le cinéaste. Celui-ci l'empêchant de tourner avec d'autres, elle est obligée d'interrompre sa carrière. Par la suite, elle ne jouera jamais plus de rôles aussi importants que ceux des Oiseaux et de Marnie. « Il a ruiné ma carrière, commentera-t-elle, mais je ne lui ai jamais donné le pouvoir de ruiner ma vie. »