Comment le cinéma est-il entré dans ta vie ?
Laetitia Dosch, comédienne : Je tournais un tout petit peu dans des courts métrages après l'école. Et puis d'un coup, je suis choriste dans un groupe, et Justine Triet [réalisatrice de La Bataille de Solférino, Ndlr.] est dans le public. Je la vois. Je me dis : c'est quoi cette fille avec un chapeau et du rouge à lèvre ! Et puis on a commencé à parler comme ça. Après c'était plutôt une affaire de rencontre en fait.
Au départ, je voulais faire traductrice d'anglais. J'ai rencontré un acteur, je suis tombée amoureuse de lui, je l'ai suivi quand il travaillait. Je suis venue au cinéma comme ça. Tout ce qui s'est passé pour moi, c'est par des rencontres. C'était assez sain ; ce n'était pas forcément des rendez-vous de boulot ou de casting. Ça ne s'est jamais passé comme ça.
Donc tu ne destinais pas à être comédienne…
Quand j'avais 18 ans, non. Quand j'ai rencontré cet homme, j'ai voulu faire comme lui. J'ai vu que c'était un beau métier ; j'aimais bien comme il le faisait. J'aimais bien l'énergie qu'il y mettait. Il aimait vraiment beaucoup son travail ; c'était beau à voir.
Est-ce que tu regardais beaucoup de films avant ?
Je me suis beaucoup éduquée avec le cinéma. Beaucoup, beaucoup de films. Les films des années 90 français. Tout Laurence Ferreira Barbosa, Noémie Lvovsky, Pierre Salvadori, les premiers Desplechin… Toute cette génération française… Et les films américains aussi. Jim Jarmusch, John Waters... Il y a également Emir Kusturica… Tous les films indépendants en fait. Ça a forgé quelque chose. Si je n'étais pas devenue actrice, ça m'aurait aidé quand même, à vivre, je crois.
Qu'est ce qui t'a donné goût à ce genre de cinéma ? Ce n'est pas forcément ce que l'on va voir en premier lieu quand on est jeune. C'est peut être une idée reçue mais l'on va peut être plus facilement voir des blockbusters…
Je crois que c'est venu parce que j'étais fan de Johnny Depp dans 21 Jump Street et après il a commencé à faire des films indépendants. Il y a toute une génération qui l'a suivi à ce moment en fait. Maintenant, on l'a un peu perdu avec Pirates des Caraïbes mais c'est quand même bien ! Et pour les films français, je ne sais pas. Je crois que par hasard, j'étais tombée sur La Vie ne me fait pas peur de Noémie Lvovsky à la télé. Ça passait sur Arte. Je crois que c'était Tous les garçons et les filles de leur âge [un cycle de téléfilms diffusés sur Arte au début des années 90, Ndlr.]. Petit à petit, j'ai découvert ce cinéma.
Ça fait quoi de se voir à l'écran la première fois ?
C'est toujours différent. Dans un film, parfois je me trouve belle, parfois je me trouve moche. C'est la première chose que je regarde. Après, je regarde le jeu. Si c'est bien ou si ce n'est pas bien ; mais généralement, je n'aime pas. Quand j'aime les films, que ce soit Alice Douard [réalisatrice du court métrage Extrasystole] ou les films de Justine Triet ou de Léonor Serraille, j'oublie et je me fais emporter par l'histoire comme si c'était un personnage. Quand on arrive à ça, je me dis : 'c'est trop bien' ! C'est dans ces moments que je me dis qu'on a réussi notre travail.
As-tu des amis comédiens de ta génération ?
J'ai très peu d'amis. Ce sont des gens de ma génération mais qui ne sont pas acteurs. Après, j'ai des gens de ma génération que j'aime beaucoup, oui. Vincent Macaigne, je l'aime beaucoup, mais on ne se fréquente pas beaucoup. Mais il y a beaucoup de gens que j'admire.
Dans les autres générations, y a-t-il des comédiens qui t'inspirent ?
Mathieu Amalric, Julianne Moore, Meryl Streep, Harvey Keitel… Beaucoup d'acteurs américains en fait. Patrick Dewaere, Gérard Depardieu…
Est-ce que tu écoutes de la musique dans ton travail ? Est-ce que ça peut t'inspirer, que ça soit sur le plateau ou en préparant un rôle?
Oui, surtout pour Jeune femme. Par exemple, le rap, ça m'aide quand il y a des scènes d'engueulade. Sur La Bataille de Solférino par exemple, j'ai énormément écouté Eminem. Dans Jeune femme, c'était des musiques que Léonor Serraille choisissait, Las Vegas Tango, la musique du film qui pourrait représenter Paula.
Comment choisis-tu entre le cinéma, le théâtre, tes spectacles ?
Je me suis dit que faire beaucoup de théâtre, ça va me permettre de ne pas faire d’erreur dans le choix des films. Je vais bien choisir et ne pas dire pour tout : 'ah ben ouais, cool, cool, cool !' Ce que j’ai plutôt tendance à faire naturellement, dire oui à tout ! Mais comme le temps se restreint, j’essaye de me dire : qu’est ce qui est vraiment important pour moi ? Le théâtre, ça me permet la même chose, dans le sens où quand je fais mes pièces, comme c’est moi qui écrit, comprendre ce que je désire vraiment. C’est très difficile à trouver je pense, et c’est très important.
Alors justement, comment choisis-tu ? Quels sont tes désirs ?
Coup de cœur, soit avec le réalisateur-réalisatrice, soit avec le personnage. Tu as de l’amour pour quelqu’un qui écrit ou une personne qui veut filmer. Tu sais que c’est ta place. C’est un truc sentimental. Ca peut être des trucs très divers, c’est juste un coup de cœur. C’est assez mystérieux. Et c’est ce qu’il s’est passé pour Jeune femme (de Léonor Serraille, lauréat de la Caméra d'or cette année à Cannes)… J’ai l’impression que tu apprends à te découvrir avec un rôle en fait. Tu as besoin de faire ce rôle, qui va t’amener là. Et là, je ne sais pas du tout ce qu’il va se passer.
Tu as tourné dans beaucoup de premiers longs métrages…
Parce que j’aime bien les rencontres. Je suis très intimidée quand je connais déjà les gens par ailleurs. C’est plus facile de sentir si j’ai le feeling avec quelqu’un que je ne connais pas du tout. Et puis, c’est aussi que les films plus gros ont besoin d’acteurs un peu plus connus pour être produits. Pour des réalisateurs plus connus qui voulaient tourner avec moi, ce n’était pas facile parce que le distributeur ou la production leur demandaient des acteurs qui représentent plus d’argent.Peut être que Jeune femme va m’apporter ça.
Est-ce que tu as déjà senti un changement depuis la Caméra d’or ?
Oui. J’ai senti et pour l’instant, je ne sais pas quoi en faire. Je lis, je lis. J’attends. Je suis troublée.
Ca te fait peur ?
Non, ça ne me fait pas peur. Je ne sais pas, j’attends un déclic. Ca se passe toujours comme ça dans ma vie. Tout à coup, j’ai un déclic de ce qu’il faut que je fasse. J’attends.
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