Les succès français de l'année, la diminution du nombre de productions hexagonales à budget moyen, la crise à la Cinémathèque française, le cas Canal Plus, la surprise Etre et avoir, le rapport Kriegel et le système français de classification des oeuvres... AlloCiné revient mois par mois sur l'année cinéma 2002, en compagnie du directeur du Centre National de la Cinématographie (CNC) David Kessler.
JANVIER
EuroPalaces ouvre le multiplexe Pathé Quai d'Ivry tandis qu'UGC ferme celui des Champs-Elysées...
David Kessler : Aujourd'hui, les groupes ont très clairement axé leur politique de développement sur les multiplexes, en région parisienne comme en Province. Ceci les conduit sans doute à faire des choix lorsqu'ils ont affaire à des salles comme le Kinopanorama, qui était une salle unique, ou l'UGC des Champs-Elysées, où le foncier est extrêmement cher. Evidemment cela suscite des inquiétudes locales parce que c'est un peu de vie de quartier qui disparaît, surtout dans le cas du Kinopanorama.
FEVRIER
Deux gros succès pour le cinéma français : Astérix et Obélix : mission Cléopâtre qui dépasse aujourd'hui les 14 millions d'entrées, et 8 femmes qui approche maintenant les 3 700 000 spectateurs. Des films qui font hélas rétrospectivement figures d'exception...
Oui mais ce ne seront pas les seuls succès... Je pense à la réussite de L'Auberge espagnole (2,9 millions de spectateurs), du Boulet (3,1 millions d'entrées) et de Etre et avoir (1,5 millions de fauteuils). Toutefois, il est vrai que quatre films avaient dépassé les cinq millions d'entrées en 2001, ce qui n'était pas arrivé depuis 1947 ! Il était assez logique qu'une telle situation ne se reproduise pas cette année.
MARS
Le CNC expose son bilan sur la production française en 2001 : 204 films agréés et 905,16 millions d'euros d'investissement. De très bons chiffres, marqués toutefois par la diminution du nombre de films à budget moyen... (
C'est vrai qu'il y a une polarisation sur des films à gros budget (qui paradoxalement trouvent assez bien à se financer) et des films à petit budget qui se financent plus difficilement mais qui, compte tenu de leur faible coût, arrivent à boucler leur financement. Restent les oeuvres à budget moyen (environ 7 millions d'euros), situées entre ces deux extrêmes, qui rencontrent plus de difficultés à se faire, bien que de telles productions soient absolument nécessaires à l'industrie cinématographique. Cette tendance risque d'être confirmée en 2002.
AVRIL
Ecran noir pour les 7 Parnassiens : l'exploitant proteste contre le distributeur Pathé qui ne lui a pas délivré de copie du film Parle avec elle de Pedro Almodovar...
Je crois qu'il y a deux choses qui sont importantes. D'un côté, un principe fondamental qui est le libre choix du distributeur de choisir son exploitant. Et de l'autre, il faut défendre le droit des salles, et notamment des salles exigeantes, d'avoir accès à des films d'Art & Essai porteurs. Elles ne peuvent pas survivre économiquement si elles n'obtiennent jamais de films porteurs.
MAI
Le CNC fait son Festival de Cannes...
C'est une occasion pour nous d'avoir énormément de contacts avec nos homologues étrangers, de rencontrer toute la profession cinématographique française, mais également d'assurer notre fonction de représentation des pouvoirs publics. Une vingtaine de personnes du CNC sont à Cannes en permanence, présentes aux projections, aux rencontres, aux réunions.
JUIN
Crise à la Cinémathèque française dont les résultats financiers sont catastrophiques. Le déménagement rue de Bercy est à nouveau remis en question...
Quand le nouveau Ministre de la Culure Jean-Jacques Aillagon est arrivé, il s'est interrogé sur la pertinence du projet rue de Bercy et sur la situation de la Cinémathèque française. Trois éléments ont été actés : la Cinémathèque ira bien au 51 rue de Bercy (la question reste ouverte pour la BIFI), la Cinémathèque ne peut y aller que si elle fonctionne de façon saine -d'où le rapport d'audit que le CNC a commandé-, et enfin la nécessité de définir la politique de l'Etat en matière de patrimoine : c'est l'objet de la mission confiée à Serge Toubiana.
JUILLET
Canal dans la tourmente : après le départ de Pierre Lescure en avril, c'est au tour de Jean-Marie Messier d'être débarqué de Vivendi-Universal (propriétaire d'AlloCiné). Le milieu du cinéma s'inquiète quant aux engagements de Canal Plus en matière de financement des films...
Depuis longtemps, les dirigeants de Canal Plus martelaient qu'ils ne pourraient pas indéfiniment financer le cinéma au même niveau que par le passé. Et puis il y a eu une crise née des changements de dirigeants, et de l'interrogation sur la pérennité de l'entreprise Canal. De toute façon, Canal ne financera plus au même niveau le septième art. Il faut donc trouver des solutions. C'est pourquoi un rapport a été confié à Jean-Pierre Leclerc qui doit rendre des conclusions à la fin du mois de janvier 2003 avec des propositions opératoires pour les 2/3 ans à venir.
AOUT
Le documentaire Etre et avoir crée la surprise : une sélection officielle à Cannes, le Prix Louis Delluc 2002, le Prix du Meilleur documentaire aux European Films Awards et surtout 1,5 millions d'entrées en France...
J'y vois la confirmation d'une politique de diversification des genres que le CNC mène depuis plusieurs années. Frédéric Mitterand, à l'avance-sur-recettes, a soutenu plus de documentaires que par le passé. Les résultats de Etre et avoir sont les plus beaux chiffres jamais obtenus pour un documentaire non-animalier.
SEPTEMBRE
Une mission sur les intermittents du spectacle est diligentée par le gouvernement. Elle aboutira au rapport Roigt-Klein .
Les pouvoirs publics et le CNC, en tant que garant de la profession cinématographique, ne peuvent qu'être attachés au maintien du régime des intermittents. Maisle rapport Roigt-Klein montre que ce régime connaît un certain nombre de dérives : pour le sauver, il faut un certain nombre de restrictions avec des conditions d'accès un peu plus sévères.
OCTOBRE
Le CNC rencontre les représentants des Länder allemands . Faut-il s'inspirer du modèle allemand ?
Le système des Länders a aidé à la localisation des tournages donc au développement des industries techniques, alors qu'en France nous souffrons justement d'une crise des industries techniques. Mais ce modèle coûte finalement plus cher et il n'a pas permis le maintien du cinéma allemand au niveau national, la part de marché nationale du cinéma allemand étant deux fois inférieur à la nôtre... Il faut conserver une politique nationale tout en encourageant les régions françaises à développer des fonds d'aide comme c'est le cas pour la Région Ile-de-France qui a débloqué 10 millions d'euros.
NOVEMBRE
Le rapport Kriegel lance la polémique : faut-il renforcer le système français de classification des oeuvres cinématographiques ?
Il ne faut pas perdre de vue que la commission des oeuvres cinématographiques a d'abord pour objet les salles. Il me semble que le système consensuel qui fonctionne actuellemnt ne marche pas si mal que ça... Il faut sauvegarder son esprit.
Un accord cinématographique est conclu entre la France et la Corée, puis un autre avec Cuba en décembre...
Nous avons deux combats internationaux importants : le combat européen pour maintenir nos aides nationales, et le combat contre l'OMC pour qu'elle n'intervienne pas dans notre système. Il est important que d'autres pays hors de l'Union Européenne partagent notre combat : la meilleure manière de le faire, c'est de leur montrer que nous avons envie de travailler avec eux et de les aider à développer leur cinéma.
DECEMBRE
Alors que les productions américaines battent des records de fréquentation au mois de décembre avec Harry Potter et la chambre des secrets, Le Seigneur des anneaux : les deux tours, Meurs un autre jour et La Planète au trésor, un nouvel univers, la part de marché des films français est à la baisse : elle s'élève à 34,2 % contre 41,5 % en 2001 (alors que celle des films américains passe de 46,4 % à 52,4 %)...
Encore une fois, aucune année n'est identique à la précédente. Ce qui me dérange, ce n'est pas que ces oeuvres aient du succès, c'est que les autres soient écrasées durant ce mois de décembre. Il est vrai aussi qu'il y avait moins de films français porteurs que l'année dernière à la même époque. Mais tourner autour de 34 % de part de marché sur toute l'année reste très satisfaisant : cela permet de maintenir la cinématographie nationale. La situation était plus inquiétante en 2000, lorsque nous étions au-dessous des 30 % de part de marché !
2003
Les priorités du CNC
Assurer le maintien d'une forte production indépendante, et ajuster pour cela le système de financement cinématographique français.
TOP 20 du box-office français (films sortis en 2002 - Classement arrêté au 7 janvier - 185,1 millions d'entrées au total, soit une baisse de 0,4 % par rapport à 2001)
1 - Astérix et Obélix : mission Cléopâtre : 14 488 577 entrées
2 - Harry Potter et la chambre des secrets : 8 469 126 entrées *
3 - Spider-Man : 6 334 297 entrées
4 - Star wars : épisode 2 - L'Attaque des clones : 5 707 513 entrées
5 - Le Seigneur des anneaux : les deux tours : 5 616 898 entrées *
6 - Ocean's eleven : 4 659 591 entrées
7 - MIIB - Men in black 2 : 4 642 218 entrées
8 - Meurs un autre jour : 3 885 422 entrées *
9 - 8 femmes : 3 699 317 entrées
10 - Minority report : 3 646 035 entrées *
11 - Monstres & Cie : 3 503 673 entrées
12 - Le Boulet : 3 141 724 entrées
13 - L'Age de glace : 2 938 047 entrées*
14 - L'Auberge espagnole : 2 921 616 entrées*
15 - La Planète au trésor, un nouvel univers : 2 787 831 entrées*
16 - Scooby-Doo : 2 243 026 entrées
17 - Parle avec elle : 2 119 038 entrées *
18 - Signes : 2 027 911 entrées
19 - Stuart Little 2 : 1 992 446 entrées *
20 - Monsieur Batignole : 1 716 655 entrées
Propos recueillis par Amélie Charnay
* films encore en exploitation