"L'Europe reste un défi". C'est ainsi que Michael Schmid-Ospach, gérant de la Filmstiftung NRW a commencé son discours inaugurant le colloque "Des images pour l'Europe - pour quel public". Car l'organisation de cette manifestation était motivée par le douloureux constat qu'"une opinion publique européenne est encore loin d'exister, qu'un public européen reste à créer", rappelé en préambule le président d'Arte Jobst Plog.
Organisé par Arte, le CNC et la Filmstiftung, le colloque se tenait au Théâtre de l'Odéon également Théâtre de l'Europe qui accueille fréquemment des pièces en langues étrangères. Ce lieu symbolique garni de fauteuils de velours rouge ne manquait pas de prestige pour accueillir des personnalités telles que Ken Loach, Costa-Gavras, Mika Kaurismaki, Daniel Toscan du Plantier, les Ministres de la Culture allemand et français Julian Nida-Rümelin et Catherine Tasca, ainsi que le commissaire européen Viviane Reding.
L'avenir de l'exception culturelle
Entre autres questions fut débattue celle de l'avenir de l'exception culturelle, relancée récemment en France par la polémique qui suivit les déclarations de Jean-Marie Messier sur la mort de l' "exception culturelle franco-française". De David Kessler, président du CNC, à Jérôme Clément, président d'Arte France, en passant par Denis Olivennes, directeur général du Groupe Canal Plus, le consensus se fit pour préférer les termes de "diversité culturelle" à ceux d'"exception". Jérôme Clément et David Kessler se montrèrent partisans d'un volontarisme politique armé de mesures législatives garantes de cette diversité culturelle. Et de citer l'exemple de la chanson française imposée sur les ondes avec succès par des quotas.
Plus intéressantes furent les interventions de Maria Köpf, productrice des films de Tom Tykwer et de Michael Schmid-Ospach qui expliquèrent pourquoi un système de quotas était inimaginable outre-Rhin après le traumatisme d'une Allemagne nazie centralisatrice. Houspillé par un syndicaliste inquiet du possible désengagement de Canal Plus dans le financement du cinéma français, Denis Olivennes tentait de rassurer : "Il y a un consensus en France auquel Canal Plus et Vivendi adhèrent. Les mécanismes mis en place pour pallier aux dérégulations du marché sont efficaces et doivent être maintenus sans être étatisés. (..) Canal Plus ne diminuera sa part de financement dans le cinéma français que si l'on trouve de manière concertée d'autre moyens de financement".
Pour que le cinéma européen existe
"Nous n'avons pas de cinéma européen" a déclaré l'actrice Senta Berger lors du débat "Le Cinéma européen : ancrage local, visées mondiales". Restaient à évoquer les moyens à mettre en oeuvre pour qu'un cinéma européen existe. Et à ce sujet Ken Loach a distingué deux attitudes contradictoires en Europe : celle d'un axe franco-allemand décidé à soutenir le cinéma national, et celle d'un axe anglo-italien où les Etats se désengagent progressivement de la culture comme des services publics. La productrice Regina Ziegler comme le réalisateur Mika Kaurismaki soulignèrent les difficultés rencontrées par les cinéastes pour trouver les budgets nécessaires au financement de leurs films, alors que les Anglais et les Allemands investissent massivement à Hollywood. Autre problème celui de la distribution des films en Europe et dans le monde, qui fit s'écrier aussitôt à une exploitante française ayant fait faillite aux Etats-Unis : "Il faut trouver des écrans en dehors de l'Europe<_22_>.
Les publics des pays européens sont attirés par deux types d'oeuvres : celle relevant de la production nationale et celle provenant des Etats-Unis. Le grand défi européen à venir est de réussir à intéresser les publics européens au cinéma des voisins...
Amélie Charnay