On avait craint pour lui. On lui avait prédit une fin d'année catastrophique. On avait supposé que rien ne serait plus jamais comme avant. Au lendemain des terribles attaques terroristes du 11 septembre, nombreux étaient ceux qui avaient dressé un voile sombre au dessus du box-office américain. Une préoccupation certes secondaires au regard des évènements dramatiques, mais cependant réelle pour Hollywood, toujours gourmande de statistiques et prompte à transformer de violentes tragédies en spectacle glamour. Or cette fois, c'était certain. Le public américain, traumatisé par l'effondrement des deux tours jumelles du World Trade Center, ne se déplacerait plus en masse et surtout pas pour les films d'actions qui ont si souvent fait les beaux jours de la production outre-Atlantique. De là à imaginer une année noire pour le box-office local, il n'y avait qu'un pas.
Une fin d'année record
Après une courte période de flottement, c'est cependant exactement l'inverse qui s'est produit. Forte d'une offre plutôt axée sur les films grand public, la production américaine n'a cessé de battre des records d'audience en une très courte période, grâce principalement à deux gigantesques locomotives aux succès sans précédent : Monstres & Cie et bien sûr Harry Potter à l'école des sorciers. Deux films qui multiplient les records : meilleur démarrage de tous les temps pour un film d'animation, pour un mois de novembre, et pour un film n'étant pas une suite pour Monstres & Cie. Meilleur démarrage de tous les temps, meilleurs vendredi, samedi et dimanche de tous les temps, distribution record, film le plus rapide de l'histoire à dépasser la barre des 100 millions de dollars de recettes puis celle des 150 millions pour Harry Potter...
Avec plus de 8,35 milliards de dollars de recettes globales, 2001 marque un nouveau record annuel, avec des gains supérieurs de 8,4% à ceux enregistrés en 2000. Cinq films ont dépassé la barre des 200 millions de dollars contre un seulement en 2000. Les records attendus ont donc été atteints, aidés en fin d'année par Harry Potter (film le plus rentable de l'année avec 286 millions de dollars), et Le Seigneur des anneaux, la communauté de l'anneau qui a déjà amassé 154 millions de dollars depuis sa sortie le 19 décembre.
2002 sur les traces de 2001 ?
Faut-il pour autant dégager des tendances lourdes de ces chiffres étonnement élevés ? La réponse est de toute façon aléatoire et à nuancer. Une chose semble d'ores et déjà certaine : s'il reste marqué par les évènements du 11 septembre, et sans doute à cause d'eux, le public américain a besoin se divertir. De sortir de sa réalité quotidienne pour plonger dans l'univers fantasmagorique des salles obscures. Monstres & Cie, Harry Potter à l'école des sorciers et Le Seigneur des anneaux, la communauté de l'anneau répondent parfaitement à cette attente avec leurs univers bigarrés, magiques ou mythiques. Si Le Seigneur des anneaux s'avère à la hauteur de sa réputation et de l'attente qu'il a engendré sur le long terme, 2002 pourrait immédiatement s'ouvrir en beauté, profitant encore à plein de l'engouement pour le film de Peter Jackson.
Période pré-Oscar durant laquelle la majorité des films pressentis pour la cérémonie sortent sur tout le territoire (après une sortie technique nécessaire aux éventuelles nominations), le début de l'année devrait apporter son lot de spectacle à fort potentiel : Un homme d'exception et La Chute du faucon noir en janvier, Collateral damage et Rollerball en février, We were soldiers, The Panic room et Ice age en mars.
Chaque studio ayant fourbi ses armes et minutieusement préparé ses stratégies marketing, l'été sera une fois encore le véritable temps fort de l'année, dominé par quelques monstres. A commencer par Star wars : épisode 2 - Attack of the clones (sortie américaine le 16 mai) qui, malgré la déception suscitée par le premier volet de la saga intergalactique, est certainement le film le plus attendu de l'année 2002. Spiderman, Windtalkers, Minority report, Men In Black 2, Austin Powers in Goldmember, Signes et Spy kids 2 : the island of lost dreams sont également prêts à amasser les dollars. La fin de l'année devrait, elle, plutôt jouer sur les continuités avec en point d'orgue les sorties de Harry Potter et la chambre des secrets et du Seigneur des anneaux : les deux tours. S'ajoutent à cette liste non exhaustive une quantité d'outsiders au succès aléatoire mais probable...
Des blockbusters et des interrogations
Tout semble donc réuni pour attirer un maximum de spectateurs et surtout des recettes records, pour le plus grand plaisir des Majors. A y regarder de plus près, de nombreuses interrogations persistent cependant. Concernant les coûts de production en premier lieu. Peu de chiffres sont disponibles, mais ceux qui le sont confirment une tendance lourde observée depuis plusieurs années : les films coûtent de plus en plus cher. 139 millions de dollars de budget pour Spiderman, 100 millions pour Windtalkers, 80 millions pour Minority Report. Pour populaire qu'il soit, un long métrage n'est jamais certain de rapporter un minimum à ses producteurs.
Lesquels se préoccupent certainement aussi d'une nouvelle habitude constatée très clairement l'été dernier sur la plupart des grosses productions : la volatilité du public. De Jurassic Park 3 à La Planète des singes en passant par Lara Croft : Tomb Raider, tous ont réalisé des démarrages records avant de retomber presque aussi vite dans "l'anonymat". Dans de nombreux cas, les désaffections dépassaient les 50% en deuxième semaine. Une réalité nouvelle, qui oblige les favoris du box-office à aligner des premiers jours records pour s'avérer rentable en fin de course. Sacrée pression.
Dernière interrogation de fond : après une deuxième moitié de l'année 2001 très lourde au niveau de l'actualité, le public américain sera-t-il prêt à retrouver l'action, les explosions et les effets spéciaux qui l'ont tant fasciné dans le passé ? Tournés bien avant les attaques terroristes, les blockbusters 2002 n'ont pu, au mieux, que se ré-adapter en dernière minute. Bon nombre miseront encore sur la violence, voire sur la guerre avec La Chute du faucon noir, Windtalkers et We were soldier. Le visage d'Hollywood a peut-être changé. Mais on ne le constatera pas encore en 2002.
Thomas Colpaert