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    Rencontre avec Alfonso Cuaron

    Le cinéaste Alfonso Cuaron signe "Et..ta mère aussi !", un road-movie à contre-courant des comédies classiques pour adolescents. AlloCiné l'a rencontré.

    Allociné : Quelle est l'origine du projet ?

    Alfonso Cuaron : Il y a plusieurs années, avant même de faire mon premier film (Uniquement avec ton partenaire), je cherchais un sujet original. Le directeur de la photographie Emmanuel Lubezki, avec qui je travaille depuis le début, m'a dit : ce serait intéressant de filmer deux adolescents qui vont à la plage. Mon frère, Carlos Cuaron (son scénariste), et moi avons essayé d'écrire un scénario à partir de son idée. Or, à chaque fois, nous aboutissions à une comédie pour adolescents. Nous ne voulions pas de cela.

    Nous avons décidé de partir du principe suivant : le contexte doit être tout aussi important que les personnages. Nous avons utilisé une voix off qui ne parle pas à la première personne, ce qui permet d'établir une distance.

    Pourquoi avez eu envie de tourner à nouveau au Mexique, après avoir fait deux films hollywoodiens ("Une Petite princesse" et "De grandes espérances") ?

    Je n'ai pas tourné au Mexique depuis dix ans, or je voulais retourner dans mon pays. Pour cette histoire, j'avais trèsenvie de tourner en chilango, l'argot de la ville de Mexico. Je voulais retrouver le style des films que j'adorais à l'école de cinéma (l'Universitad Autonoma de Mexico) : Adieu Philippine de Jacques Rozier ou Masculin-Feminin de Jean-Luc Godard. Je souhaitais avoir la même approche narrative.

    Mais il y a également une autre raison. Lorsque j'écrivais le scénario, mon fils avait 16 ans et j'avais vu beaucoupde comédies américaines stupides pour adolescents aveclui. Je voulais faire un film sur les adolescents,mais un film honnête ; pas ce genre de comédies que je trouve hypocrites et moralisatrices, qui ne traitent pas les personnages avec respect mais qui se moquent d'eux. Je voulais faire ce film avant que mon fils ne soit plus un adolescent.

    Comment avez-vous choisi les trois acteurs principaux ?

    J'ai vu des centaines d'acteurs pour les rôles des deux adolescents mais je ne trouvais pas. Je suis ami avec Alejandro González Inárritu, le réalisateur d'Amours chiennes. Il m'avait montré le premier montage du film. Dès les premières secondes, j'ai repéré Gael Garcia Bernal : je le voulais pour le rôle de Julio. Cela a été très facile de trouver l'acteur qui incarnerait Tenoch. J'ai choisi Diego Luna qui connaît Gael Garcia Bernal depuis 20 ans. Ils ont apporté une vraie complicité à la relation entre Julio et Tenoch. Quant à Maribel Verdu, elle m'a été présentée par le réalisateur espagnol Fernando Trueba à qui j'avais envoyé mon script.

    Le film contient plusieurs scènes de sexe. Etait-ce difficile de diriger les acteurs pour ces passages ?

    Le fait de tourner dans le même ordre que les scènes du film m'a beaucoup aidé. Au départ, Diego et Gael se connaissaient mais ils ne connaissaient pas Maribel : ils rencontrent donc Maribel comme Tenoch et Julio rencontrent Luisa. C'était progressif. Dans la première scène de sexe, ils étaient encore un peu timides : c'était parfait pour le film.

    Avez vous tourné toutes les scènes de manière chronologique ?

    C'est un road movie, donc il suffit de suivre suivre la carte routière et de tourner au fur et à mesure. Nous avons fait une exception : nous avons tourné la scène finale en premier tout simplement parce que les acteurs avaient besoin d'une coupe de cheveux différente. Il fallait également que les acteurs soient libérés de cette scène finale et puisse jouer le reste du film sereinement.

    Tourner en continuité a permis beaucoup de liberté. Si les acteurs improvisaient une scène, le lendemain, on pouvait adapter la séquence suivante à ce qu'ils avaient tourné la veille.

    Pour vous, que représente "Boca del Cielo", l'endroit qu'ont inventé Julio et Tenoch ?

    "Boca del cielo" est un endroit mythique, un eden, unparadis qui n'existe pas, mais si vous le cherchez vousle trouverez. Je pense que ce paradis est le silence. A "Boca del cielo", les personnages se taisent. Ils réfléchissent sur eux-mêmes.

    Quelles ont été les réactions du public mexicain ?

    Amours chiennes et Et ta mère aussi sont les deux premiers films qui parlent du Mexique contemporain. Il y a eu des débats autour du film dans les medias. L'extrême-droite et l'extrême-gauche l'ont condamné : le plus drôle est qu'il ont usé des mêmes arguments : "ils n'ont que le sexe dans leur tête".

    Je pense que le film était très important pour la jeunesse mexicaine, car il est proche des expériences qu'ils vivent tous les jours. Et... ta mère aussi ! a donné la force à beaucoup de jeunes de s'exprimer. Le film était interdit au moins de 18 ans au Mexique. Certains jeunes ont manifesté devant les cinémas. C'est un film qui permet d'ouvrir la discussion sur l'éducation sexuelle.

    Quels sont vos projets ?

    Mon prochain film sera tourné à Hollywood. Ce sera de la science-fiction. J'aime faire des films de studio.

    Quelles sont les principales différences entre la façon de tourner au Mexique et aux Etats-Unis ?

    Mes collaborateurs principaux sont les mêmes pour tous mes films. Mais il y a une différence fondamentale : Hollywood est une grande industrie. Vous avez donc les meilleurs desmeilleurs : vous avez des gens spécialistes pour chaque petite tâche. Certains vont sur le plateau comme ils vont au bureau. Au Mexique, l'équipe entière devient unefamille, c'est une expérience plus organique. L'inconvénient, c'est justement qu'il sagit d'une famille : imaginez que vous emmmenez toute votre famille pour un voyage de deux mois. La famille c'est bien, mais cela peut parfois aussi être un cauchemar !

    Propos recueillis par Marie-Claude Harrer

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