Tout a commencé dans l'eau. Lorsqu'ils auront vu Origine Océan, les spectateurs en seront persuadés. En l'espace de 39 minutes, ils auront observé les premières traces de vie aquatique, les premiers êtres unicellulaires et pluricellulaires, l'apparition de la sexualité, du squelette, du poisson...
Spécialiste du documentaire animalier, le réalisateur Gérard Caldéron a notamment signé Terres d'insectes et La Traversée de l'Univers. Il se dit fasciné par la quête des origines "depuis de nombreuses années" et affirme que "la naissance de la vie, l'évolution, permettent de poser des questions fondamentales." Désireux de recréer le plus fidèlement possible les fonds marins originels, ce cinéaste cinéphile (il porte aux nues Stanley Kubrick et Jean Painlevé, le maître du documentaire consacré aux animaux marins), a filmé la faune et la flore aquatiques de la mer Rouge et de nombreux aquariums et centres d'Océanologie à travers le monde.
Origine Océan a été tourné en 70 mm - 15 perforations, un format qui donne toute son ampleur à l'image et au son. Pour l'anecdote, le réalisateur a fabriqué lui-même la caméra grand format qu'il a utilisée pour le film.
"Repousser les barrières optiques et technologiques"
Projetés sur l'écran hémisphérique de 1000 m2 de la Géode, les crustacés, mollusques et autres annélides (vers de vase) atteignent ainsi des tailles de géants. Spectaculaire, le procédé présente l'avantage de pouvoir "approcher au plus près la question de la vie avec un résultat esthétique tout à fait inédit." Mais avant d'atteindre ce résultat, il a fallu éviter de nombreux écueils. En premier lieu, le coût exorbitant du développement de la pellicule 70 mm, qui n'autorise que 3 ou 4 prises par jour. "Il faut donc répéter très longtemps pour obtenir les effets", confesse le réalisateur, avant d'ajouter que "le vrai problème de ce tournage a été la profondeur de champ, la netteté. C'est le vrai problème de la macro-microcinématographie." Difficulté connexe à la prise de vue, celle de la quantité de lumière nécessaire aux prises de vue. Autant de défis que Caldéron et son équipe ont dû surmonter : "il a fallu aller plus loin, et repousser les barrières optiques et technologiques, en matière d'objectifs pour la prise de vue, et en matière d'éclairage."
La rigueur scientifique n'était pas suffisante pour atteindre le but que Gérald Caldéron s'était fixé. Aidé de ses assistants, il a dû faire preuve d'une grande part d'imagination, notamment pour régler le problème du son. Comme le fait remarquer le réalisateur, "personne ne peut connaître certains aspects de ce qui se passait au fond des océans il y a 4 milliards d'années. Il y a donc une part d'invention pure et de création artistique dans ce film. Par exemple, personne ne sait quels sons existent sous l'eau à cette échelle." La musique, signée par Bruno Coulais (Microcosmos, Himalaya) apporte une touche poétique à l'ensemble. Il a suffi au compositeur de voir 3 minutes d'images pour se mettre à travailler sur le projet. La bande son est complétée par un apport de choix, puisque le comédien Didier Sandre lit le commentaire du film en voix off.
Origine Océan marque le retour à la production pour La Géode, qui n'avait auparavant produit que trois longs métrages (L'Eau et les hommes en 1985, J'écris dans l'espace de Pierre Etaix en 1989 et une nouvelle version de L'Eau et les hommes en 2000, ainsi que des programmes courts). Cette démarche coïncide avec la volonté affichée par les Européens de relancer la production de longs métrages en grand format. Mais l'essentiel de la production reste nord-américaine, en raison des coûts et de l'implantation des salles (40 salles en Europe sont équipées de projecteurs 70 mm, contre 145 en Amérique du Nord).
Cette nouvelle production devrait inciter les spectateurs à s'arracher les 400 places de la salle de la Villette, qui attire chaque année entre 700.000 et 800.000 spectateurs.
V.G.
