Sorti le 14 mars dans trois salles à Paris, le documentaire de Nils Tavernier Tout près des étoiles sur les danseurs de l'Opéra de Paris, a connu un succès tel qu'il est maintenant distribué dans six salles de la capitale et est à l'affiche en banlieue et en province. Canal + qui a produit le documentaire devrait le diffuser prochainement. AlloCiné a rencontré son réalisateur, Nils Tavernier.
Le réalisateur-comédien signe là son 23e documentaire, mais c'est son premier film pour le cinéma et il a tenu à le distinguer d'un simple reportage : "j'ai fait un film qui sort de l'idée didactique qu'on a d'un documentaire." Quasi-vierge de commentaire, d'une durée d'1 h 40 et tourné en 16 mm, Tout près des étoiles a coûté cher, d'autant plus qu'il a fallu payer des droits pour filmer les ballets. Nils Tavernier ajoute à ce sujet : c'est un film cher avec un temps de tournage important, et beaucoup de droits d'auteur. J'ai pris le temps de le monter, mais pour un petit long métrage ce n'est pas très cher."
Fasciné depuis l'enfance par le Palais Garnier et les danseurs en général, Nils Tavernier avait déjà réalisé des documentaires sur le Moulin Rouge, le hip-hop et l'étoile Kader Belarbi. Cette fois, il a voulu pénétrer le mystère qui entourait la vénérable institution qui abrite l'une des meilleures compagnies de danse du monde : "j'avais envie de découvrir l'intérieur du Palais Garnier qui était comme un palais mystérieux avec plein de couloirs. J'avais envie de filmer des corps en mouvement, j'avais envie de comprendre comment 150 individus peuvent vivre ensemble pendant une période de trente ans".
Mais son but n'était pas de filmer uniquement des passages de spectacles et surtout pas de reproduire l'image stéréotypée de l'étoile en pointes et tutu. Il s'est attaché à rendre hommage au travail quotidien acharné des danseurs : "j'avais pas d'idées préconçues en venant à Garnier, je savais que les danseurs pouvaient faire aussi bien du contemporain que du classique, avec un poids culturel derrière énorme, mais je n'ai pas eu envie de faire une captation de ballet, j'ai voulu faire un film sur le travail."
Jamais un film n'avait été réalisé sur les danseurs de l'Opéra de Paris et il a fallu surmonter la résistance de la direction qui craignait qu'un tournage ne soit un frein au bon fonctionnement de la maison et qui se montrait peu soucieuse de populariser une troupe qui n'a pas besoin des médias pour remplir les salles. Au bout de deux ans de tractations, Nils Tavernier a convaincu la direction et a présenté son projet aux danseurs qui ont accepté avec bonne volonté la présence de l'équipe technique du film durant trois mois et demi. Le réalisateur savait toutefois que le premier incident qui surviendrait (percuter un danseur avec une caméra, par exemple) aurait fait suspendre immédiatement le tournage.
Une fois dans l'antre de l'Opéra, Nils Tavernier a pu capter les moments forts de la vie des danseurs du corps de ballet et les interroger individuellement. Tous parlent de leur passion pour un métier qui leur coûte beaucoup de souffrances physique et morale. Ils l'acceptent avec résignation pour avoir le bonheur de danser et porter avec fierté les couleurs de l'Opéra :
"je crois que le danseur du corps de ballet a une volonté d'acier, c'est un petit soldat. La compagnie n'aurait pas ce niveau si ce n'était pas le cas."
Malgré son statut de privilégié s'approchant tout près des étoiles, Nils Tavernier n'a pas mis complètement à nu la grande maison :"au bout de quatre ans de travail, plus de trois mois de tournage et quatre mois et demi de post-production, il reste toujours une part de mystère qui se dégage de Garnier."
A.C.