Du riffifi à Hollywood : les blockbusters inciteraient les jeunes à fumer. Une étude américaine réalisée sur les 250 meilleurs films de 1988 à 1997 démontre en effet que la cigarette est présente dans 85% des longs métrages, et que les marques de cigarettes sont clairement identifiables dans 28% des films. De là à conclure que les jeunes sont influencés par leurs idoles quand ils ont la clope au bec, il n'y a qu'un pas qu'a vite franchi le lobby anti-tabac. En effet, l'industrie cinématographique hollywoodienne avait pris en 1989 la résolution de bannir le financement des films par les marques de tabac.
Longtemps, Hollywood et tabac ont fait bon ménage. En plein âge d'or, dans les années 40, le cinéma américain avait largement contribué à l'essor des tabagistes. A l'époque, il n'y avait rien de plus "classe" et raffiné que de fumer... Souvenez vous de ces femmes fatales, comme par exemple Lauren Bacall dans Le Grand sommeil, de Howard Hawks, si séduisantes, avec leur porte-cigarette. Le cinéma était un outil marketing de choix pour les publicitaires du monde entier, et le septième art fait partie du plan média de bons nombres de grandes marques de voitures, sodas, et autres... comme le tabac. Par exemple, la holding Brown and Williamson, propriétaire de la marque Lucky Strike, a déboursé 500 000 dollars pour voir Sylvester Stallone fumer ces cigarettes dans cinq de ses films, dont Rocky IV.
Depuis l'entrée en vigueur de ce "code moral" en 1989, la présence à l'écran de la cigarette n'a pas du tout diminué. Pire encore, ces publicités déguisées sont présentes dans tous les types de films, qu'ils soient à destination des adultes, des adolescents ou même du public familial. Citons ainsi Ghostbusters 2, Maman j'ai encore raté l'avion, ou encore Men in black. Le docteur James Sargent, auteur de cette étude, dresse un constat sévère : "L'accord de 1989 était un accord volontaire, et il n'a absolument pas fonctionné. Je ne crois pas qu'il fonctionnera un jour. Je pense que nous devons légiférer. Chaque utilisation de la cigarette par un acteur dans un film postérieur à 1998 devrait être interprétée comme une violation de l'accord, qui prohibe la publicité pour le tabac dans les films."
Si on en arrivait à de telles extrémités, jamais Jim Jarmusch ne nous aurait gratifié de cette scène culte de Brooklyn Boogie, de Paul Auster, dans lequel il détaille les différentes façons de fumer, et jamais il n'aurait pu réaliser sa propre série de courts métrages Coffee and Cigarettes, dont le troisième épisode obtint pourtant la Palme d'Or à Cannes en 1993. Tout ceci n'est qu'une vaste question d'influence, et de guerre entre les pro et les antis tabac et au milieu de laquelle se trouvent le cinéma, son business et ses enjeux. Un équilibre reste donc à trouver...
F.M.L