Les hangars se succèdent dans une obscurité humide de brouillard. Soudain, des voix et un attroupement à la sortie d'un club ; un videur vient de refuser l'entrée à un jeune et se défoule sur lui. "Coupez!" crie le chef opérateur. La scène 66 de Charmant Garçon est dans la boîte.
Nous sommes devant le Rock'n Roll Café. Il fait partie des studios de la Chapelle à la Plaine St-Denis (93), eux-mêmes perdus au milieu d'une vaste zone industrielle. Depuis trois jours, c'est dans ce labyrinthe moderne qu'ont lieu les extérieurs de la première réalisation de Patrick Chesnais (L'homme de ma vie, Post coïtum animal triste) dont il est aussi l'auteur et l'interprète principal.
Cet endroit récurrent dans le scénario en dit long sur le personnage d'Octave (Patrick Chesnais). Avec ses amis Achille (Bernard Crombey) et Hector (Jean-François Balmer), ils trainent souvent la nuit dans les bars, les épiceries-buvettes... Seul, loin de son ex-femme et de ses enfants, Octave est mal dans sa peau. Il rencontre alors Esther (Alexandra Vandernoot), une femme belle et créative qui vit avec Hyppolite, un financier amateur d'art (Samuel Labarthe)...
La scène s'est prolongée par un délire improvisé et cocasse : Patrick Chesnais est assis sur le jeune à terre et le chevauche comme une monture ! L'ingénieur du son pouffe de rire derrière son DAT et la victime qui fait partie de la régie rejoint le réalisateur pour visionner la prise sur le combo (une petite télé) avec la scripte.
Garée non loin de l'entrée de la boîte de nuit, un break gris métallisé fait office de coulisses. D'ailleurs, Jean-François Balmer est bien parti pour un petit somme. L'ambiance est détendue même si à cause de la pluie, l'équipe a une scène en retard par rapport à la feuille de service. Et il suffit qu'un livreur de pizza passe par là pour que le chariot à boissons devienne le centre d'intérêt. Chesnais réalisateur est consciencieux mais pas stressé.
"On fait le contre-champs de la 80 !" prévient le premier assistant qui ce soir fait aussi office de figurant. On déplace les projecteurs et un couple de blacks très lookés se poste dans la file d'attente du club. "Est-ce qu'on aura assez de pellicule ?" s'inquiète l'assistante chargée du métrage des bobines.
Deux scooters "sécurité" traversent le décor. "On dirait Chips" remarque quelqu'un. Un "Ca tourne !" énergique calme l'assistance. Alors que la 66 correspond au milieu du film avec Patrick Chesnais videur, celle-ci annonce la fin, il est client.
Il sort de la fameuse voiture, mince et grand dans son costume aux épaulettes trop larges. Il échange un signe de reconnaissance avec les cerbères du Rock n' Roll Café avant de pénétrer à l'intérieur. Ses deux compagnons de bringue le suivent, la mine sombre.
Que va-t-il se passer à l'intérieur ? Ce soir ne le dit pas. Dans les jours qui suivent, l'équipe se rendra à Montreuil. Le tournage doit être bouclé mi-novembre pour une sortie en salles l'été prochain. Entre deux prises, l'attente. C.R.