Récompensé par la Mention Spéciale Caméra d'or au Festival de Cannes 2022, où il était présenté dans la section Un Certain Regard, Plan 75 nous emmène au Japon, dans un futur proche.
Le vieillissement de la population s’accélère drastiquement. Le gouvernement estime qu'à partir d’un certain âge, les seniors deviennent une charge inutile pour la société et met en place le programme « Plan 75 », qui propose un accompagnement logistique et financier pour mettre fin à leurs jours.
Une candidate au plan 75, Michi, un recruteur du gouvernement, Hiromu, et une jeune aide-soignante philippine, Maria, se retrouvent confrontés à un pacte mortifère.
Cette pépite dystopique est signée Chie Hayakawa, qui réalise son premier long-métrage. Elle avait déjà en tête ce projet en 2017 et en a réalisé une version courte dans le film Anticipation Japon, qui regroupe cinq courts-métrages où cinq cinéastes imaginent ce que sera le Japon dans 10 ans.
C’est sous l’impulsion de la productrice Eiko Mizuno-Gray que ce film à segments a vu le jour. "J'ai pensé que Plan 75 correspondait parfaitement à ce projet et j'ai proposé ma candidature pour une version courte de Plan 75", explique la réalisatrice.
Cette expérience lui a donné l’occasion de travailler avec Hirokazu Kore-eda, qui était producteur exécutif d’Anticipation Japon. Dans son segment, elle se concentrait sur un personnage, là où Plan 75 est un film choral qui suit cinq protagonistes.
UN CLIMAT D'INTOLÉRANCE
Si Plan 75 est un film d’anticipation et qu’il n’existe pas de système d’euthanasie au Japon, Chie Hayakawa s’est toutefois appuyée sur un climat d'intolérance dans son pays envers les personnes socialement faibles, y compris les personnes âgées.
L’idée de ne déranger personne est une notion forte au Japon, qui pèse encore plus sur les personnes âgées qui ont le sentiment d’être inutiles et d’être un fardeau pour la société.
"Plan 75 n’existe pas dans la réalité, mais tout ce qui est décrit dans le film existe, comme le fait qu'un grand nombre de personnes âgées doivent travailler en raison de l'insuffisance du système de retraite.
Elles ont du mal à trouver un logement, elles se sentent mises à l'écart de la société et elles hésitent à recourir à l'assistance sociale en raison d'un sentiment de honte", dénonce la réalisatrice.
TIRÉE D'UNE HISTOIRE VRAIE ?
Chie Hayakawa s'est inspirée d'une véritable histoire pour construire son récit : le massacre de Sagamihara. Ce fait divers, survenu en 2016, a particulièrement marqué la réalisatrice.
Dans un établissement pour personnes handicapées, un ancien employé du centre, Satoshi Uematsu, âgé alors de 26 ans, a assassiné à coups de couteau 19 résidents et en a blessé 25.
Inspiré par les idées du capacitisme et de l'eugénisme, le tueur revendiquait l’euthanasie pour les personnes handicapées, inutiles selon lui à la société.
"Dans un monde où la priorité est à l’économie, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a en fait de nombreuses personnes qui partagent cette idée.
Dans notre société, nous blâmons et excluons les personnes socialement vulnérables. Pas seulement les personnes handicapées mais aussi les personnes âgées et les pauvres", déplore Chie Hayakawa.
Plan 75 est sorti en salles le 7 septembre.