La filmographie d’Alfred Hitchcock regorge incontestablement de chefs-d’œuvres. Psychose, Les Oiseaux, Fenêtre sur cour... De grands titres de l’histoire du cinéma ont été signés par le cinéaste légendaire. Cependant, il n’en est aucun avec la sublimité presque mystique qui caractérise Sueurs froides.
Personne ne doute que ce film se démarque par sa valeur cinématographique. Si vous demandez aux critiques, ils s’accorderont pour dire que c’est l’un des meilleurs jamais réalisés. Depuis 1995, Sueurs froides est d’ailleurs considéré par la Bibliothèque du Congrès des États-Unis comme “important sur le plan culturel, historique et esthétique”, en plus d’apparaître dans des dizaines de classifications. C’est l’une des meilleures œuvres du 7ème art, mais ce n’est pourtant pas le premier titre qui vient à l’esprit lorsqu’on évoque les meilleurs films de l’histoire.
Le Parrain de Francis Ford Coppola est celui qui arrive habituellement en tête de liste, suivi du mythique film de Stanley Kubrick, 2001 : l'Odyssée de l’espace, ou encore Citizen Kane d’Orson Welles. Tous sont plus populaires que les créations d’Hitchcock, mais ici pourrait commencer un débat houleux sur le meilleur film jamais réalisé, qui, très probablement, ne finirait jamais. Et la vérité est que le résultat n’a pas d’importance non plus. Au cas où vous ne l’auriez pas encore vu, nous vous recommandons vivement de passer quelques heures de votre vie à découvrir Sueurs froides : vous ne devriez pas le regretter…
UNE ROMANCE EFFRAYANTE LENTEMENT CUISINÉE
“Il y a une certaine lenteur dans Sueurs froides, un rythme contemplatif qu’on ne retrouve pas dans ses autres films, souvent construits sur la vitesse”, disait François Truffaut à propos du film dans l’ouvrage Le cinéma selon Hitchcock. C’est l’un des points qui le distingue de autres titres du cinéaste qui se permet ici le luxe de donner du temps aux regards entre les protagonistes, de montrer l’espace et de laisser les personnages évoluer devant le spectateur.
Le Maître du suspense continue comme à son habitude mais, dans ce film, il déplace la tension vers d’autres niveaux. Ce n’est plus quelque chose qui vient de l’extérieur mais qui existe à l’intérieur, dans la peur de la mort et la luxure indestructible. L’une des nombreuses façons de décrire Sueurs froides est comme une histoire d’amour tragique bloquée par des obsessions, et une grande partie de sa fascination vient de là. Le réalisateur raconte une romance déprimante et, d’une certaine manière, terrifiante. La poursuite inatteignable du protagoniste pour obtenir la femme qu’il pense aimer offre de multiples lectures et aujourd’hui, nous pourrions sûrement trouver encore plus à dire à ce sujet que lors de sa sortie.
LA DISPARITION DE JAMES STEWART DEVENU SCOTTIE
Alfred Hitchcock n’était pas la personne la plus extravertie sur le plateau mais il savait très bien comment travailler avec ses comédiens pour obtenir ce qu’il voulait. Il a ainsi demandé à James Stewart, l’un des plus grands acteurs américains de tous les temps, de disparaître complètement derrière son personnage jusqu’à ce que la personnalité de la vedette se soit complètement évaporée. Le résultat est impressionnant.
Stewart a parfaitement fait le portrait de Scottie, un homme condamné – traumatisé, incapable de poursuivre sa carrière de policier et d’avoir une relation – qui se laisse emporter par ses souvenirs jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement dans le corps de la personne qu’il était.
“VERTIGO”, LA PEUR DE TOMBER
Mais de quoi parle Sueurs froides (ou “Vertigo” dans sa version originale) ? L’épicentre de l’histoire est le policier John ‘Scottie’ Ferguson (James Stewart) lui-même, qui souffre d’acrophobie, la peur du vide. Après une poursuite sur les toits de San Francisco qui se termine par la mort d’un partenaire, c’est un Scottie traumatisé et culpabilisé qui décide de démissionner de la police. Lorsqu’un ancien camarade de classe (Tom Helmore) lui demande de suivre sa femme Madeleine (Kim Novak), il accepte toutefois le poste à contrecœur. Il n’a aucune idée à quels abîmes ébouriffants cela le mènera.
Sueurs froides a reçu des réactions assez modérées du public et des critiques lors de sa sortie en salles en 1958. Aujourd’hui, cela a bien changé. Il n’y a peut-être aucun autre film d’Alfred Hitchcock qui a fait l’objet d’autant de débats académiques ou qui a été aussi souvent salué que ce chef-d’œuvre, à voir absolument.