Après l'incroyable succès des Aventures de Rabbi Jacob en 1973, le réalisateur Gérard Oury se sent pousser des ailes. Il vient de tenter de tourner Le Crocodile avec Louis de Funès, mais l'acteur est victime de deux crises cardiaques à quelques mois du tournage, qui est donc annulé.
Avec sa fille Danièle Thompson, Oury part donc sur un autre projet, et écrit le scénario d'un film se déroulant entre la France (un peu) et New York (beaucoup), intitulé Sugar Daddy. Il s'agit de l'histoire d'un chef d'orchestre français opposé à un policier américain.
Le projet se concrétise avec Lino Ventura au casting, et pour cette occasion, le long métrage subit son premier changement de titre et devient L'Entourloupe. Oury le décrit ainsi* :
Comme toutes mes histoires, le point de départ est dramatique mais la suite est traitée en comédie. Lino a le rôle d'un homme accablé par la fatalité à qui tout un tas de catastrophes tombent sur la tête. Tout se passe en une journée, c'est-à-dire que tout cela explose, se noue et se dénoue en 24h.
Pour un film se déroulant à 95%* aux Etats-Unis, Oury et son producteur André Génovès contactent le studio américain Paramount, déjà coproductrice du Cerveau avec Bourvil et Belmondo.
Oury poursuit :
Je pense qu'avec Lino Ventura, on fera un excellent travail. C'est un personnage brillant. Extraordinairement brillant sur le plan de la logique du script, de l'intelligence du scénario, du sens de son personnage.
"Il est venu travailler pendant des mois à la maison", confie toujours le réalisateur. "J'ai pu l'observer, écrire ce rôle d'après lui. Quand nous commencerons à tourner, je crois qu'il y aura une foule de choses que je n'aurais plus à lui dire. J'ai trouvé avec lui un peu de ce qu'il y avait chez Bourvil, c'est-à-dire un être humain en même temps que l'acteur, ce qui est tout à fait extraordinaire."
Un accord est financier est trouvé et Gérard Oury comme Lino Ventura partent aux Etats-Unis trouver qui jouera ce policier américain. La valse des noms commencent, et ceux d'Al Pacino (qui s'apprête à tourner Bobby Deerfield) ou de Woody Allen (qui sort de Guerre et amour et prépare Annie Hall) circulent. Entretemps, le projet est rebaptisé Le Chef d'orchestre et Oury pense à Jack Nicholson, qui vient de tourner dans Chinatown.
Une rencontre est organisée entre Lino Ventura et Jack Nicholson chez lui, à Los Angeles. La star américaine se fait attendre et Lino observe une théière, posée dans un coin. Il en soulève le couvercle, constatant qu'elle est remplie de sucre en poudre. Du moins, le pense-t-il.
Lorsque Nicholson arrive finalement, avant toute chose, il se fait une ligne avec le "sucre en poudre", en réalité de la cocaïne. Lino quitte immédiatement la maison du comédien sans dire un mot. Ce fut la fin de la rencontre.
Malgré ce revers, Gérard Oury continue sa recherche d'un acteur seul et envisage Sylvester Stallone, en passe de sortir Rocky. Avant de savoir si la collaboration est vraiment possible, le producteur André Génovès fait faillite, et les droits du Chef d'orchestre alias L'Entourloupe restent perdus dans les archives de Génovès et bloqués pour des questions légales.
Gérard Oury continue sa recherche d'un acteur seul et envisage Sylvester Stallone, alors tout juste auréolé du succès de Rocky. Avant de savoir si la collaboration est vraiment possible, le producteur André Génovès fait faillite, et les droits du Chef d'orchestre alias L'Entourloupe restent perdus dans les archives de Génovès et bloqués pour des questions légales.
Il se résigne donc à abandonner son projet si patiemment développé et se tourne vers un film mêlant le contexte de mai 68 et la comédie, là encore un "buddy movie" : La Carapate avec Victor Lanoux et Pierre Richard. Quant à L'Entourloupe, le titre sera réutilisé en 1980 par Gérard Pirès pour un film avec Jean-Pierre Marielle, Jacques Dutronc et Gérard Lanvin.
* Chiffres et citations issus de "Lino Ventura" de Philippe Durant, First Document, 2014.