Qui mieux que Baz Luhrmann pour ambiancer la Croisette ? Après l'avoir fait danser en 1992, année de la présentation de Ballroom Dancing, son premier long métrage, le réalisateur australien s'est chargé du feu d'artifice d'ouverture à deux reprises : en 2001 avec Moulin Rouge !, puis en 2013 grâce à Gatsby le magnifique. Neuf ans plus tard, il est de retour dans le Sud de la France avec Elvis, l'un des opus les plus attendus de cette édition.
Après avoir revisité Roméo et Juliette puis Gatsby à sa sauce, Baz Luhrmann s'attaque à un monument : Elvis Presley. Soit l'incarnation du cool et du rock. Une vraie icône qui méritait un biopic à l'image de la folie qu'il a générée lorsqu'il se déhanchait sur scène et faisait voler en éclats les carcans de l'Amérique puritaine et ségrégationniste.
Dans un tourbillon d'images, de sons et de musiques, la star nous est présentée comme un super-héros. Et le récit, raconté par son Tom Parker (Tom Hanks), son manager trouble et peu fiable, met en parallèle sa carrière et l'Histoire des États-Unis, dont il a été l'un des catalyseurs pendant les années 50 à 70.
Après Kurt Russell, Jonathan Rhys-Meyers ou Michael Shannon, Elvis est incarné par Austin Butler, découvert notamment dans les séries The Carrie Diaries, prequel de Sex & the City, ou Les Chroniques de Shannara. Aujourd'hui âgé de 30 ans, l'acteur américain a triomphé d'Harry Styles, Ansel Elgort, Aaron Taylor-Johnson et Miles Teller pour s'offrir ce qui pourrait être le rôle de sa vie. Et un troisième film à Cannes, après The Dead Don't Die et Once Upon a Time… in Hollywood.
A l'époque, le stars étaient Bill Murray, Tilda Swinton et Adam Driver (chez Jim Jarmusch), ou Brad Pitt et Leonardo DiCaprio (devant la caméra de Quentin Tarantino). Cette fois-ci, il est au centre de l'attention. Malgré la présence de Tom Hanks et la cote d'amour de Baz Luhrmann. Car on ne voit que lui à l'écran. Et il ne faut pas longtemps pour réaliser que l'on assiste à quelque chose de spectaculaire. Autant que le film.
Si le maquillage, la coiffure et les costumes (signés Catherine Martin, habituelle cheffe décoratrice et costumière du cinéaste) aident évidemment pour la ressemblance. Mais l'acteur a su saisir le timbre de voix du King et - surtout - sa physicalité et son énergie. Dans les scènes de concert comme en-dehors. Le résultat est tout simplement bluffant, à tel point que l'on se demande parfois si nous sommes face à des images d'archive du vrai Elvis, ou des plans retravaillés pour donner cette impression.
"Nous avons tous eu de la chance de l’avoir comme capitaine sur le film : il est passionné et travailleur, ce qui fait de lui un partenaire de scène génial", nous disait Olivia DeJonge, interprète de Priscilla Presley, au mois d'avril. "L’un de mes premiers grands souvenirs de tournage a été la possibilité d’assister à l’une de ses représentations, et le voir disparaître derrière le personnage quand il chante et danse. C’était incroyable à voir, et ça a excité tout le plateau à chaque fois que nous avions droit à l’une de ces performances. Il a travaillé dur et pendant très longtemps, pour un résultat incroyable. Le regarder faire était magique."
Mon corps avait commencé à s'éteindre le lendemain du jour où j'ai terminé Elvis.
Fruit d'un travail de longue haleine et d'un investissement total de sa part, cette magie aura eu des conséquences brutales et inattendues pour l'acteur, qui a dû être hospitalisé après la fin du tournage, lorsque son corps s'est rebellé : "Le lendemain, je me suis réveillé avec une douleur insoutenable et j'ai été conduit à l'hopital", explique-t-il à GQ. "Mon corps avait commencé à s'éteindre le lendemain du jour où j'ai terminé Elvis." Plus de peur que de mal à l'arrivée, car il ne s'agissait "que" d'un virus qui donne les mêmes sensations qu'une appendicite.
Casté en juillet 2019, Austin Butler a commencé à tourner en janvier 2020. Mais les prises de vues, Covid oblige, se sont étendues jusqu'en mars 2021. L'acteur a donc passé plus d'un an et demi dans la peau d'Elvis, ce qui peut expliquer cette décompression violente. Laquelle n'est visiblement plus qu'un lointain souvenir pour le comédien, qui a subjugué le Festival de Cannes en attendant que le monde entier ne succombe devant sa prestation.
Il est évidemment trop tôt pour parler d'Oscar, mais il serait bien étonnant de ne pas voir celui qui sera Feyd-Rautha dans la deuxième partie de Dune au moins nommé l'an prochain. Et plus si affinités. On prend les paris ?