DE QUOI ÇA PARLE ?
Nikuko est une mère célibataire bien en chair et fière de l'être, tout en désir et joie de vivre - un véritable outrage à la culture patriarcale japonaise ! Elle aime bien manger, plaisanter, et a un faible pour des hommes qui n’en valent pas toujours la peine. Après avoir ballotté sa fille Kikurin la moitié de sa vie, elle s’installe dans un petit village de pêcheurs et trouve un travail dans un restaurant traditionnel. Kikurin ne veut pas ressembler à sa mère et ses relations avec Nikuko ne sont pas toujours simples. Jusqu’au jour où ressurgit un secret du passé.
Trois ans après avoir brillamment adapté Les Enfants de la mer, le réalisateur japonais Ayumu Watanabe revient avec La chance sourit à Madame Nikuko, adaptation du roman de Kanako Nishi, à qui l'on doit également le roman Saraba pour lequel elle a remporté le 152e prix Naoki, qui récompense les meilleures oeuvres de la littérature populaire japonaise.
La Chance sourit à Madame Nikuko dresse le portrait d'une mère pas comme les autres et de sa fille adolescente. L'âge où l'on n'est pas toujours tendre avec ses parents.
La jeune Kikurin, narratrice de l'histoire, ne semble voir que les défauts de cette mère extravagante et naïve, qui aime trop la nourriture et les mauvais garçons. Elle imagine d'ailleurs sa mère en femme viande qui explose à chaque fois qu'elle pense à la nourriture.
Le film dévoile peu à peu la relation de ce tendre duo mère-fille et traite du passage à l'âge adulte : les rivalités à l'école, les premiers émois, les rapports au corps, les premières règles, le sentiment de gêne et de honte que peuvent parfois nous faire ressentir les parents...
Avec beaucoup de bienveillance, le film présente peu à peu l'histoire de Nikuko et rend le personnage de plus en plus touchant et attachant. Le point d'orgue étant la révélation du secret qui lie ces deux êtres.
Une équipe technique de renom
Ayumu Watanabe a commencé sa carrière au Studio Mates en 1986, avant de passer chez Shin-Ei Animation où il travaille pour la télévision sur la série animée Doraemon. Il réalise aussi certains épisodes de la série à succès Ace Attorney.
La reconnaissance arrive avec la mini-série de 12 épisodes Après la pluie, diffusée par Prime Video. Ce dernier poursuit avec la série Komi cherche ses mots, diffusée sur Netflix. Sorti en juillet 2019, Les Enfants de la mer est son premier long-métrage de cinéma.
La chance sourit à Madame Nikuko est produit par l'humoriste et présentateur nippon Sanma Akashiya, qui est tombé sous le charme de cette histoire et a eu envie de l’adapter en long-métrage.
Le film sort sous la bannière du studio 4°C à qui l'on doit doit notamment Princesse Arete de Sunao Katabuchi, The Animatrix (une coproduction Warner Bros), Mind Game de Masaaki Yuasa (6 fois primé lors du Fantasia International Film Festival) ou encore Amer Béton de Michael Arias.
Kenichi Konishi est pour sa part directeur de l'animation. Il fait ses armes chez Ghibli, en dirigeant l’animation des films Mes voisins les Yamada, Le Conte de la Princesse Kaguya ou encore Tokyo Godfathers de Satoshi Kon. Ce dernier a déjà collaboré avec Ayumu Watanabe sur Doraemon et Les enfants de la mer. Son style singulier et sa technique (il utilise les pinceaux et les brosses) ont un grand impact sur l’industrie de l’animation japonaise.
"Un film qui invite à l’espoir d’exister"
La Chance sourit à Madame Nikuko mêle animation classique et moments plus cartoonesques, notamment lorsque Ninomiya, l'ami de Kikurin, fait ses grimaces.
Le réalisateur explique : "Je voulais utiliser au maximum la liberté que procure l’animation et m’affranchir du cadre classique imposé aux dessins. Car je pense que ce sentiment de liberté permet de surmonter le tragique du contenu grâce au charme des personnages.
De plus, comme Nikuko est la personne la plus bienveillante et accueillante qui soit, elle entraîne en permanence le spectateur avec elle. Mon objectif était que ce dernier bascule de l’étape "un personnage comme elle, ça n’existe pas" à l’étape "j’aimerais bien qu’elle existe". Il s’agit d’un film qui invite à l’espoir d’exister plutôt qu’un film qui parle de l’existence."
Une histoire féministe
Le long-métrage est adapté de l'œuvre de la romancière Kanako Nishi et met en scène des personnages féminins forts, tandis que les rares personnages masculins (Sassan, le patron du restaurant et le jeune Ninomiya) sont secondaires.
Si la jeune Kikurin est discrète, sérieuse et s'inquiète de ce que les autres peuvent penser, sa mère en revanche ne passe pas inaperçue et semble insouciante.
Il est rare de voir ce genre de personnage être la star d'un film d'animation. Le réalisateur déclare dans le dossier de presse du film : "Je pense que c’est la première fois qu’un personnage autant hors normes tient le premier rôle dans un film d’animation japonais. Si le spectateur se contente d’observer la plastique de Nikuko, cela peut en effet rendre le film moins attirant. Mais il y a un sens important à cela. Où se trouve la véritable valeur d’une personne ? Où se cache le véritable amour ? C’est ça que nous apprend Nikuko. Et si au début du film, il y a des chances que vous railliez son physique, je suis sûr qu’à la fin vous l’aimerez profondément."
Car cette femme extravagante, spontanée et gourmande a le coeur sur la main, sa naiïveté fait d'elle un personnage touchant qu'on a envie de protéger et d'aimer.
Le long-métrage traite aussi de sujet important tel que le passage à l'âge adulte et les premières règles. Un thème très peu abordé dans le cinéma d'animation (le dernier film Pixar, Alerte Rouge y fait référence).
Cette plongée dans la vie intime de ces deux femmes prend toute son ampleur dans une scène qui raconte la jeunesse de Nikiko. On comprend alors toute la générosité et la bienveillance du personnage.
Le cinéaste a choisi de placer cette scène 20 minutes avant la fin du film dans le but "d’éviter une conclusion trop classique et de créer quelque chose de nouveau qui aurait l’effet contradictoire d’offrir au spectateur le plaisir d’en apprendre plus grâce à des détails habilement dissimulés, tout en permettant l’assimilation progressive de ce choc de la révélation".
Watanabe ajoute :
À travers tout ça, je voulais dépeindre l’héritage inconscient entre parents et enfants qui se cache dans les actes du quotidien. En assemblant les unes aux autres ces petites choses auxquelles on ne prête en temps normal que peu attention, le film choisit de s’approcher au plus près de la réalité de cette relation.
Clin d'oeil à Totoro
A plusieurs reprises, Kikurin compare sa mère à Totoro, le héros du long-métrage d'Hayao Miyazaki, Mon voisin Totoro. Ayumu Watanabe explique être un grand fan de Ghibli, lors de la présentation des dessins préliminaires le lien entre Nikuko et Totoro lui a alors semblé évident.
Il souligne : "Dans la scène de l’arrêt de bus devant le sanctuaire : j’ai essayé de rendre un peu plus familiers les éléments de fantaisie propres à Nikuko en les plaçant sous le signe du déjà-vu. Dans la scène du réveil, au début : je souhaitais qu’un ou deux spectateurs dans la salle étouffent un petit rire en remarquant la référence, rien de plus."
Shinji Kimura, le directeur artistique du film, explique s'être inspiré d'une scène inspirée de Mon Voisin Totoro : "celle où Nikuko et Kikurin se tiennent l’une à côté de l’autre à l’arrêt de bus. Il s’agit de la scène de l’arrêt de bus de Totoro que j’ai moi-même dessinée il y a plus de 30 ans. C’était un petit moment de nostalgie qui m’a rendu heureux."
La Chance sourit à Madame Nikko, sorti au cinéma ce mercredi 8 juin.