Sa silhouette et son visage, inoubliables, traversait le film comme un fantôme. Dans La liste de Schindler, le chef-d'oeuvre de Steven Spielberg, la petite fille en rouge, seul élément en couleur d'un film tourné en noir et blanc, représentait l'élément qui déclenchait la prise de conscience de Schindler face à la barbarie nazie.
Il la voyait pour la première fois lors de la liquidation du ghetto de Cracovie, et revoyait son cadavre plus tard lorsque son corps était brûlé.
Pour mémoire...
La vraie petite fille, Roma Ligocka, était connue dans le ghetto de Varsovie pour son manteau rouge, mais contrairement à son homologue dans le film, elle a survécu à l'holocauste et a publié ses mémoires en 2002 sous le titre La petite fille au manteau rouge. Elle était par ailleurs la cousine du cinéaste Roman Polanski.
Son interprète dans le film, Oliwia Dabrowska, était une toute jeune actrice polonaise de trois ans à l'époque. Désormais âgée de 32 ans, et vivant toujours en Pologne, elle se consacre à l'accueil des réfugiés ukrainiens qui traversent la frontière avec son pays.
Le 9 mars dernier, elle a partagé son son compte Instagram une photo iconique de son personnage dans le film, retouchée aux couleurs de l'Ukraine, jaune et bleu. "Elle sera toujours le symbole de l'espoir" écrivait-elle, "Faisons-la revivre".
Dans les jours qui ont suivi ce post, elle se rendait à la frontière pour aider les réfugiés, et demandait de l'aide pour les accueillir. "Nous avons besoin de votre aide ici à la frontière polono-ukrainienne. Chaque petit geste compte : nous avons besoin de dons matériels et financiers, vous pouvez aussi vous porter volontaire pour aider en personne. La situation est dramatique ; Je suis aussi bénévole ici, à la frontière, et je l'ai vu de mes propres yeux…"
"Aujourd'hui, la Russie a bombardé Yavoriv" écrit-t-elle. "À seulement 20 kilomètres de la Pologne. Si proche ! J'ai peur, mais cela ne fait que me motiver davantage à aider les réfugiés."
Evoquant sa rencontre avec une mère ukrainienne et ses deux enfants fuyant la guerre qui avaient besoin d'être transportés dans une ville près de la frontière allemande, elle raconte : "Habituellement, nous transportons des réfugiés dans notre région, mais cette fois, nous ne pouvions pas simplement dire "non".
Ils voulaient désespérement rejoindre leur sœur. Ces enfants… mon Dieu, je peux à peine retenir mes larmes. Je ne peux pas vous dire tout ce que j'ai vu là-bas, parce que je n'ai pas les bons mots dans mon esprit... Personne, qui n'a jamais vu ça, ne peut imaginer ce cauchemar dans les yeux de ces gens."
Selon les chiffres fournis par le Haut Commissariat aux Réfugiés, un organe de l'ONU, le nombre de réfugiés ukrainiens fuyant la guerre s'élève à 4.019.287 millions (chiffre datant du 30 mars 2022). La Pologne en accueille à elle seule plus de 2,3 millions. Plus de 608.000 sont entrés en Roumanie, plus de 387.000 sont allés en Moldavie et environ 364.000 sont entrés en Hongrie depuis le début de la guerre le 24 février. La Slovaquie a accueilli plus de 281.000 réfugiés.
Au total, plus de dix millions de personnes - près d’un quart de la population - ont dû quitter leur foyer soit en traversant la frontière pour trouver refuge dans les pays limitrophes, soit en s'exilant ailleurs en Ukraine. Le nombre de déplacés à l’intérieur du pays s'élève à 6,5 millions, selon un décompte établi le 16 mars dernier par l’ONU.