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    Skam France : la rupture Maya-Lola, la fin d'un cycle en saison 10... La directrice de collection de la série nous dit tout
    Jérémie Dunand
    Jérémie Dunand
    -Chef de rubrique télé / Journaliste
    Bercé dès l’enfance au rythme de Sous le soleil, de P.J., ou des sagas de l’été, il se passionne de plus en plus pour les séries françaises au fil du temps. Et les dévore aujourd’hui (presque) toutes, de Balthazar à Scènes de ménages, en passant par Hippocrate, Candice Renoir, Ici tout commence.

    Rencontrée dans le cadre du Festival Séries Mania, Déborah Hassoun, la directrice de collection de "Skam France", dresse avec nous le bilan de la saison 9, consacrée à Maya, et évoque la saison 10 et l'avenir de la série ado de France tv slash.

    Capture d'écran/FTV

    AlloCiné : Vous êtes la directrice de collection de Skam France depuis la saison 7, diffusée l'an dernier sur France tv slash. Qu'est-ce qui vous a donné envie de rejoindre l'aventure et de succéder à Niels Rahou lorsqu'on vous l'a proposé ?

    Déborah Hassoun : Je suis une vraie fan de séries ado depuis toujours. J'aime vraiment ça. Je regardais Skam avant de travailler dessus. J'ai commencé à écrire sur des séries ado, c'est vraiment ce que j'aime. Et c'est vrai que j'étais hyper contente en recevant cette proposition.

    C'est mon agent qui avait dit à Carole Della Valle, la productrice de la série : "Si vous cherchez à un moment donné une nouvelle directrice de collection, Déborah aime vraiment la série". Et c'est là que je me suis dit "Il mérite ses 10%" (rires). Donc elle m'a appelé quand ça a été le cas. Et franchement, je n'ai pas hésité.

    C'était une super proposition et une super expérience. Je pouvais avoir mes équipes, découvrir de nouveaux auteurs, parce que ce sont souvent de jeunes auteurs qui travaillent sur Skam. Et c'est ce que j'aime aussi : partager et transmettre. En fait, je crois qu'il il faut être un peu idiot pour dire non à Skam, d'autant plus qu'il y a une visibilité qui est assez exceptionnelle. Et aussi une liberté parce que, Slash a envie qu'on essaye de nouvelles choses, même si on prend le risque de se planter. Mais comme c'est une marque, on peut se le permettre.

    Tous les éléments sont réunis pour dire oui en fait. Ce n'est juste pas très bien payé (rires). Honnêtement, c'est le seul point noir, mais ça fait partie de ces séries qui sont faites comme ça. Et on a cette liberté pour cette raison aussi. Donc l'un dans l'autre, ça s'équilibre.

    Le fait que Skam France soit passée à des saisons originales dès la saison 5, c'était aussi une motivation pour vous ?

    Complètement. Si ça avait été de l'adaptation, je ne sais pas si j'y serais allée. En tout cas, en règle générale, l'adaptation m'intéresse moins. Là, vraiment, je pouvais faire ce que je voulais. Je suis arrivée, ils m'ont dit "maternité", et j'ai répondu "Ok, mais déni de grossesse et Tiff". Et on m'a dit oui. Ce n'est pas de la création de série, évidemment, parce que c'est une autoroute et qu'il y a des codes et tout ça. Mais moi, j'ai quand même l'impression que mes saisons, j'y ai vraiment mis beaucoup de moi et j'ai encouragé mes auteurs à y mettre beaucoup d'eux aussi.

    En tant qu'auteure, ça ne m'intéressait pas forcément de raconter une jeune fille de 16 ans qui voulait un enfant. Ce n'était pas mon objectif. Mais par contre, le déni de grossesse, j'y ai tout de suite pensé. Pour moi, il y avait quelque chose qu'on n'avait jamais raconté de cette façon là. C'est toujours traité en fait divers. Je ne sais pas si, sur une autre série, on m'aurait laissé traiter cette thématique de la même manière.

    Et franchement, à partir du moment où j'ai dit "Le teaser c'est Tiff qui accouche", j'ai eu l'adhésion de tout le monde. Il y avait quelque chose qui amenait à la fois de l'empathie, et qui à la fois était surprenant. Et c'était une vraie scène de cinéma, il y avait un vrai aspect cinématographique fort. Je n'ai eu à me battre sur aucun des sujets que je voulais traiter dans la série.

    Est-ce que c'était compliqué en arrivant d'écrire pour des personnages qui, pour la plupart, avaient été imaginés et introduits en saison 6 ?

    Non, ça fait partie de mon travail de scénariste. Je travaille sur d'autres séries où parfois je n'écris que du dialogue, où les personnages existent déjà. Donc ça, ce n'était pas trop difficile. Par contre j'étais contente car peu de choses avaient été dites sur eux, ça avait seulement été esquissé. À part pour Lola et Maya, sur qui avait on avait quand même pas mal d'informations en saison 6.

    J'étais heureuse car je pouvais apporter la vision que j'avais d'eux. Entre la saison 6 et la saison 7, le personnage qui change le plus, c'est Lola, parce que justement, elle est sortie un peu de son deuil, de sa dépression, et aussi de l'addiction. C'est un personnage plus solaire à partir de la saison 7.

    Et pour les autres, c'était une suite logique. Ça leur ressemble, mais on est allé plus loin. On a approfondi, on a cherché qui ils étaient vraiment. Et puis on a aussi les personnages qu'on a créés, comme Bilal et Redouane. Et ensuite il y a tous les personnages secondaires, comme June en saison 9. C'est génial car on peut les faire vivre sur une seule saison, et ce n'est pas grave.

    Thibault Grabherr - FTV - Banijay

    Un peu comme Anaïs qui était très secondaire au départ et qui va prendre toute son ampleur en saison 10 puisqu'elle sera l'héroïne des prochains épisodes ?

    C'est ce que j'adore. Pour moi, c'est la magie de Skam. Elle avait cinq jours de tournage pour la première saison. C'était la copine de la peste. A part ça on ne savait rien sur elle. Et aujourd'hui, elle a sa saison, on va découvrir son intimité chez elle, sa famille.

    C'est vraiment la magie de Skam : on met le focus tout d'un coup sur un personnage qui était secondaire auparavant. On a fait grossir Anaïs un petit peu en saison 7, en saison 8 elle n'était pas trop présente, mais en saison 9 on lui a choisi ses scènes pour que ça ait du sens avec la suite. Et c'est aussi pour ça que j'étais contente de m'intéresser à Anaïs.

    L'un des thèmes principaux de la saison 9, qui s'est terminée vendredi, est le deuil. Comment s'est imposé ce choix ?

    C'est parti du chagrin d'amour. Une thématique que Carole avait vraiment envie d'explorer depuis longtemps. Et moi j'étais contente de ne pas faire une thématique sociétale. Je voulais explorer autre chose, qui est plus risqué, parce qu'on a moins d'accroche en fait. Par exemple, dans le déni de grossesse, il y a la thématique de l'abandon, il y a l'assistante sociale, ... Des étapes qui nous permettent de structurer le récit. Là, quelque part, on est un peu moins sur des étapes types et c'est super intéressant.

    Et on avait très envie de faire une saison avec Ayumi Roux, d'autant plus qu'il y avait une attente forte autour du personnage de Maya. Donc cette thématique là, avec ce personnage là, qui avait des trucs enfouis depuis tellement longtemps, je trouvais ça assez logique. Il y avait du sens. On s'est dit "On va réparer le deuil de ses parents à travers cette rupture". Que ce ne soit pas qu'une simple rupture. Mais une renaissance aussi.

    Maya se rend compte qu'elle a des fondations solides auxquelles elle ne croyait plus. Et j'adore cette scène avec Lola dans l'épisode 9. Quand Lola lui dit "On est ta famille". Parce qu'en fait, en vérité, elle a besoin de l'entendre, car elle n'a plus de famille. C'est comme quand elle dit à Max à la fin "Quand ma grand-mère ne sera plus là, il ne restera plus rien de mon monde d'avant", et qu'il lui répond "Il y aura toi". Il y a quelque chose de l'ordre de la réparation, et c'est ça que j'avais envie de raconter avec elle.

    SKAM France
    SKAM France
    Sortie : 2018-02-05 | 26 min
    Série : SKAM France
    Avec Miguel Vander Linden, Amalia Blasco, Victor Kervern
    Spectateurs
    3,6
    Voir sur france.tv

    C'était important que la saison se termine sur un apaisement entre Lola et Maya ?

    Bien sûr. Et pas seulement parce que c'est Skam. C'est tout simplement ce qu'on avait envie de raconter entre elles : c'est-à-dire qu'il y a de l'amour, mais ce n'est plus le même amour. Parce qu'elles sont jeunes, l'amour se transforme avec le temps. Et dans cette forme d'apaisement, il y a aussi l'idée de retrouvailles avec le clan, avec la Mif.

    Est ce que dans l'idée de cette rupture, il y avait aussi l'envie de casser un peu cette impression que toutes les histoires d'amour dans Skam sont parfaites et durables, ce qui n'est pas très réaliste quand on parle de jeunes de 17 ou 18 ans ?

    Oui, il y avait aussi un peu de ça. C'est marrant parce qu'on nous a pas mal reproché qu'il y ait beaucoup de couples dans Skam. Là, on en a cassé un et on nous le reproche aussi (rires). Il y a eu toute une polémique sur le fait que c'est un couple de lesbiennes. Mais je me dis qu'aujourd'hui, justement, les couples de filles peuvent vivre des choses, des histoires à cet âge-là, ce qui n'était pas forcément le cas avant, parce qu'il fallait se cacher, parce qu'on était davantage dans l'amour interdit.

    Aujourd'hui, je crois à ce monde-là où il y a des couples de filles à 16 ans qui sont vraiment amoureuses, qui ont des vraies histoires, qui sont "outées" et le vivent bien. Et donc, ça veut aussi dire vivre des ruptures de jeunesse. Alors qu'avant, ce n'était pas forcément le cas. Il n'y avait pas ces amours de jeunesse. Et je suis contente que ça existe aujourd'hui. Et de voir l'évolution de la société. Et ça implique tout ça, forcément.

    Je comprends cette envie de représentation positive, et c'est très important. Mais, pour moi, le couple n'est pas toujours synonyme de bonheur. Et ça, c'est quelque chose qu'on voulait faire passer dans la saison 9. C'est-à-dire que je pense que l'affection est constitutive du bonheur. Mais le couple, pas forcément. Et aussi, pour être heureux en couple, il faut d'abord être heureux soi-même. C'est un peu des banalités, mais en vérité, ce sont des choses qu'on apprend lorsqu'on est jeune.

    Ecrire pour Ayumi Roux, qui est une actrice formidable, c'était un bonheur ?

    Complètement. Ayumi transperce l'écran, c'est génial. Parce qu'on sait à quel point elle transperce l'écran, on n'a pas peur des moments de silence et des moments intériorisés, qui font partie de son personnage. On se dit "Bon, ça va aller, parce qu'il y aura cette aura autour d'elle". Alors qu'il y a des personnages pour lesquels on pourrait avoir davantage peur du silence.

    Thibault Grabherr - FTV - Banijay

    Que pouvez-vous dire sur la saison 10 centrée sur Anaïs ?

    Je n'ai rien le droit de dire, mais vous n'imaginez pas à quel point j'aimerais pouvoir en parler car on adore cette saison.

    Elle sera diffusée dans les semaines à venir ?

    Elle n'arrive pas dans 8 mois, ça c'est certain. Elle arrive (rires).

    Beaucoup de fans pensaient que la saison 10 serait consacrée à Redouane. Pourquoi avez-vous décidé d'aller dans une autre direction ?

    J'avoue que j'aime bien les personnages féminins, ça joue pas mal dans cette décision. Et puis on a commencé par deux saisons de filles, sur les saisons 1 et 2, donc ça ne me dérangeait pas de finir sur deux saisons de filles, en ce qui me concerne en tout cas.

    Et de retrouver aussi le truc des copines, qu'on avait un peu moins avec Maya parce qu'elle est beaucoup sur Lola et que c'est un groupe très mixte. Donc on avait envie de revenir là-dessus, avec des conversations de filles. Mais, au-delà de ça, Zoé Garcia est vraiment une actrice formidable. On avait vraiment envie de la faire jouer. Et comme on a eu une thématique qui s'imposait à elle, ça s'est fait comme ça. Mais on adore le personnage de Redouane. On ne laisse pas Redouane dans un coin (rires).

    On suppose que la saison 10 marquera la fin du lycée pour Lola, Tiff, et les autres. Est-ce que ce sera la fin de l'aventure pour vous en tant que directrice de collection et scénariste ?

    Oui, c'est la fin de cette génération. Et c'est effectivement la fin pour moi aussi. La fin de Skam, je n'en sais rien. Je ne suis pas impliquée dans ce genre de conversations sur l'avenir de la série. Mais pour moi, oui, c'est la fin. J'ai fait plusieurs saisons, je suis contente.

    C'était une décision facile à prendre ?

    Oui, sans problème. C'est quand même un rythme assez lourd d'écrire deux saisons en huit mois avec huit auteurs. C'est le principe des directeurs de collection, on a beaucoup de travail. Mais j'avais besoin de passer à autre chose. Même si j'écris encore sur des ados. Mais je suis également réalisatrice à côté, j'avais envie de faire un deuxième court métrage. Plein de choses qui ne sont pas possibles quand on prend la direction de collection d'une série parce que ça prend vraiment tout notre temps.

    Justement, pouvez-vous nous dire un mot sur vos projets à venir ?

    Je travaille sur une série qui va bientôt sortir sur Netflix, où je suis scénariste. La créatrice c'est Charlotte Sanson. Ça s'appelle Les 7 vies de Léa. La saison 1 sort bientôt. C'est génial, j'adore cette série. Il y a Khalil Ben Gharbia (Bilal) dedans, il a un des rôles principaux. On commence à travailler sur la saison 2, même si on n'est pas sûrs qu'il y ait une suite. Ça se passe toujours comme ça en France.

    J'ai aussi des projets personnels que je développe à côté. Et tous les ans je fais du dialogue pour Je te promets sur TF1. Je travaille en ce moment sur les dialogues d'un épisode de la saison 3.

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