A l'occasion du Festival de Berlin, dont il était président du jury, M. Night Shyamalan a accordé un entretien au journal Le Monde, dans lequel il se confie sur l'évolution du cinéma alors que la pandémie sévit depuis 2 ans. Le cinéastes s'interroge sur notre rapport aux écrans et l'expérience de la salle de cinéma.
"Je pense, à vrai dire, que rien n’a changé. Quand nous reviendrons à la normale, les gens apprécieront davantage d’aller au cinéma, comme aux Etats-Unis. Là-bas, quand les restaurants, les concerts, les événements sportifs ont rouvert, tout était complet. A nous de raconter des histoires formidables, et le public reviendra, peut-être même plus nombreux", lance-t-il plutôt optimiste sur le fait que le public reviendra.
"40 films par an dans les salles" : Ben Affleck très sombre sur l'avenir du cinéma"Cette crise du cinéma est la conjonction de deux événements, poursuit-il : d’un côté une pandémie, de l’autre la montée en puissance des plates-formes de streaming. Pendant ces deux ans, les fournisseurs en ligne ont dépensé des milliards de dollars en contenus et en publicité, et crié au monde entier : « Hey, maintenant vous pouvez voir ce que vous voulez sans engagement ni acheter de billet ! » J’ai d’abord trouvé cela infiniment dommageable.
Combien de films en streaming t’ont marqué ou ont changé ta vie ? De combien d’entre eux te rappelleras-tu dans dix ans ?
Mais, en y réfléchissant, la fermeture des cinémas nous a aussi démontré à quel point c’était une expérience inestimable. Il n’y a pas d’équivalent. D’un côté, on a ce monde sans cinéma, où tout se regarde sur un téléphone. Mais combien de films en streaming t’ont marqué ou ont changé ta vie ? De combien d’entre eux te rappelleras-tu dans dix ans ? Et de l’autre, celui où l’on chérit la perspective de sortir, d’emmener ses amis, de donner toute son attention et son amour aux images et aux personnages qu’on regarde."
Ces derniers temps, de nombreux cinéastes se sont exprimés sur la place des plateformes dans notre quotidien, qui a explosé avec la pandémie. Si d'aucuns s'inquiètent du fait que le nombre de films qui sortira au cinéma pourrait être réduit drastiquement, à l'image de Ben Affleck ("Je pense que les films de cinéma vont devenir très chers, et ne seront plus que des événements"), d'autres nuancent davantage comme le fait M. Night Shyamalan, qui a travaillé pour des plateformes (la série Servant pour Apple TV+) et le cinéma principalement, avec Old, son dernier long métrage en date.
"C’est un moment étonnant, pas aussi négatif qu’on veut bien le croire. Ces deux dernières années, Hollywood s’est tiré une balle dans le pied en doutant du pouvoir de ses infrastructures. Mais je ne cesse de répéter que nous faisons quelque chose d’irremplaçable. Il faut faire des efforts pour ne pas tout laisser partir à vau-l’eau. Le vacarme actuel va s’atténuer.
Tout le monde doit être courageux, y compris les studios
C’est un moment propice aux storytellers [ceux qui racontent des histoires], qui peuvent améliorer la situation et reprendre les choses en main. Je souhaite un retour des voix originales. Objectivement, les films Marvel vont continuer d’inonder le marché, mais il y a aussi de la place pour nous, pour des surprises comme Split ou Get Out de Jordan Peele. Tout le monde doit être courageux, y compris les studios."
Dernièrement, Roland Emmerich, réalisateur de Moonfall, avait tenu des propos durs à l'encontre de Marvel et la franchise Star Wars. "Plus personne ne fait plus rien d'original" avait-il récemment lancé dans une interview. Et d'ajouter : "Il faudrait faire des films originaux, vous savez. Et je pense, en fait, que Christopher Nolan est le meilleur pour ça. C'est quelqu'un pouvant faire des films sur ce qu'il veut. Pour moi, c'est un peu plus compliqué, mais j'ai toujours un nom suffisamment gros - spécialement pour les films catastrophes ou tout ce qui touche au thème du désastre." Moonfall est actuellement en salles en France.