Onze ans après la sortie au cinéma de Sex and the City 2, Sarah Jessica Parker, Cynthia Nixon, et Kristin Davis retrouvent leurs personnages iconiques de Carrie, Miranda, et Charlotte à l'occasion de And Just Like That, un revival événement de Sex and the City composé de 10 épisodes, qui a débuté hier aux États-Unis sur HBO Max et qui est disponible dès ce vendredi 10 décembre en France sur la plateforme Salto, en US+24.
Une suite forcément très attendue par les fans, mais qui ne devrait pas manquer de diviser le public. Et ce dès le tout premier épisode, marqué par l'absence de Kim Cattrall, qui n'a pas repris son rôle de Samantha Jones en raison, entre autres, de sa relation compliquée avec Sarah Jessica Parker. Mais aussi par la mort d'un personnage important de la franchise, qui promet de bouleverser - en partie - l'ordre établi. Pour le meilleur ou pour le pire.
Alors, ces retrouvailles avec nos New-yorkaises préférées étaient-elles vraiment nécessaires ? Et que reste-t-il de l'ADN qui faisait de Sex and the City une série si avant-gardiste et importante ? Voilà ce qu'on a pensé des premiers épisodes de And Just Like That, dévoilés en avant-première à la presse quelques heures avant leur mise en ligne sur Salto.
Trois héroïnes à l'épreuve du temps qui passe ?
À l'annonce il y a quelques mois de la commande par HBO Max d'une nouvelle saison événement de Sex and the City, impossible de ne pas être perplexe et de ne pas se poser de questions sur l'utilité d'un tel projet. Après tout, avec une saison 6 en partie plombée par la présence d'Aleksandr Petrovsky, un premier long métrage assez moyen, et un second tout bonnement atroce, les aventures de Carrie Bradshaw et de ses meilleures amies n'avaient plus été au top depuis près de vingt ans.
Et si And Just Like That est loin d'être parfaite (nous y reviendrons), cette suite a au moins le mérite de nous replonger quasi instantanément dans le quotidien de Carrie, Miranda, et Charlotte avec une facilité un peu déconcertante et un plaisir certain. Revoir ce quatuor devenu trio durant la décennie qui sépare ces nouveaux épisodes du deuxième film redonnera en effet sans mal le sourire aux fidèles pur et dur de la série. Et tant pis si ce sentiment de satisfaction n'a rien de très rationnel, vu la qualité assez moyenne des premiers épisodes.
Pourtant, que ce soit les déjeuners entre copines, les cocktails, les visions féériques des innombrables paires de chaussures de Bradshaw dans son dressing, ou les balades dans les rues magiques de New York, tout est là ou presque. Y compris certains dialogues qui parviennent à recréer l'illusion des premières saisons - comme lorsque Charlotte rassure une Miranda exaspérée par la vie sexuelle très active de son fils de dix-sept ans avec un "Au moins il se protège" et que Carrie lance alors un savoureux "C'est ce qui s'appelle voir le préservatif à moitié plein".
Mais à l'image du titre original de la série, remplacé par And Just Like That, le sexe semble avoir disparu de la vie de ses héroïnes et a laissé place à des problèmes plus matures et des conversations relatant leur quotidien d'épouses pas toujours très épanouies, enfermées pour certaines dans un mariage plan-plan, sans être complètement malheureux pour autant.
Et alors qu'elles font face au temps qui passe et aux évolutions d'une société qui ne les a pas attendues pour aller de l'avant, Carrie, Miranda, et Charlotte, quelque peu restées coincées au début des années 2000 - comme les scénaristes et producteurs de ce revival - peinent à trouver leur place dans le New York de 2021. Que ce soit en tant que mère modèle pour Charlotte, en tant qu'avocate récemment sensibilisée à l'activisme pour Miranda, ou en tant que chroniqueuse star d'autrefois qui s'essaye désormais avec plus ou moins de facilité aux podcasts sur fond de sexualité pour Carrie.
Souvent critiquée ces dernières années pour avoir été trop blanche et hétérosexuelle - alors qu'elle était le reflet d'une époque et qu'il ne faut pas oublier à quel point elle a été pionnière en termes de représentation de la sexualité et de l'amitié féminine à l'écran - Sex and the City essaye ici de reparer ses manques. Mais essaye malheureusement beaucoup trop, sans vraie finesse ni pertinence.
En se voulant plus politique et plus "woke", And Just Like That fait graviter de nouveaux personnages féminins de couleur dans le cercle amical ou professionnel de chaque héroïne, mais ces femmes, incarnées par Nicole Ari Parker, Sarita Choudhury, Karen Pittman, et Sara Ramirez (Grey's Anatomy), ne parviennent jamais réellement - pour le moment en tout cas - à s'intégrer au groupe et semblent surtout servir de prétexte pour rassurer Carrie, Charlotte, et Miranda. Et les producteurs de la série par la même occasion.
Même si l'intrigue de Miranda, qui accumule les bourdes et les micro-agressions avec sa professeure d'université noire, est plutôt intéressante sur le papier, et que Che, l'animatrice de podcast queer et non-binaire jouée par Ramirez, affiche davantage de potentiel que les autres personnages.
Moins "sexe" qu'avant, et beaucoup moins osée et décomplexée, Sex and the City s'est assagie et ressemble finalement assez bien à ses héroïnes, qui se débattent comme elles peuvent avec la cinquantaine et les désillusions qui vont parfois avec. Mais la tentative de diversité de ce revival - qui devrait pourtant s'applaudir - ne prend jamais vraiment et se révèle même parfois gênante tant elle est mal amenée, avec ses gros sabots.
And Just Like That... un seul être vous manque et tout est dépeuplé
Attention, les paragraphes qui suivent contiennent d'importants spoilers sur les premiers épisodes !!
En parallèle de son discours sur le temps qui passe, And Just Like That est aussi et surtout une série qui traite de la perte et de la mort de manière frontale et assez inattendue. Il y a tout d'abord la "perte" de Samantha, qui s'est éloignée du groupe après une "rupture" professionnelle avec Carrie et a quitté les États-Unis. Laissant ses anciennes amies sans nouvelles d'elle. "C'est comme si elle était morte, on ne parle plus d'elle", avoue Miranda au détour d'une très belle séquence. Tout est dit. Même si le fantôme de Samantha Jones continue et continuera toujours de planer au-dessus de la série. Quoi qu'il arrive.
Présentée avant tout comme une comédie, ou une dramédie, à ses débuts en 1998, Sex and the City est aujourd'hui privée de son personnage le plus drôle, qui osait tout, et se permettait tous les excès. Sans Samantha, And Just Like That, avec ses épisodes de 42 minutes, ressemble donc davantage à un drama dans lequel les auteurs auraient inséré quelques blagues de temps en temps (des punch lines qu'on doit bien souvent à Anthony ou Stanford d'ailleurs).
Et le choc sur lequel se referme le premier épisode ne fait qu'augmenter cette impression de "reboot" plus dramatique de la série que nous avons tant aimée. En effet, alors qu'elle a repoussé leur week-end dans les Hamptons d'un jour pour pouvoir assiter au récital de piano de Lily, la fille de Charlotte, Carrie rentre chez elle et trouve Mr Big (Chris Noth) allongé par terre, terrassé par une crise cardiaque. Et comme ça, tout d'un coup, le grand amour de sa vie est mort.
Là où trop de reboots et de suites de séries culte tombent dans le fan service facile qui offre aux téléspectateurs exactement ce qu'ils étaient en droit d'attendre, And Just Like That prend des risques et tue dès son premier épisode l'une des figures les plus emblématiques de la franchise. Et si Big a toujours été un personnage un brin problématique - il traitait souvent mal Carrie mais était tout de même présenté comme le grand amour de sa vie, seul capable de la sortir de sa solitude et de sa malchance amoureuse - sa mort ne manquera pas de bouleverser à tout jamais la trajectoire de vie de Carrie.
Et c'est peut-être en cela que cette suite de Sex and the City se justifie. Alors qu'on pouvait avoir l'impression que les six saisons de la série originale et les deux longs métrages avaient déjà tout raconté, en multipliant notamment les ruptures puis les réconciliations entre Carrie et John James Preston (le vrai nom de Big), le revival écrit en fin de compte un nouveau chapitre inattendu de la vie de l'héroïne incarnée avec toujours autant de classe par Sarah Jessica Parker.
Passé un deuxième épisode oscillant entre le bouleversant et le déprimant, consacré aux funérailles de Big, And Just Like That va devoir dépeindre le deuil difficile de Carrie, avant de s'attacher à raconter la manière dont elle va (on l'espère) parvenir à se relever et à aller de l'avant. Avec ses amies, toujours. Avec de nouvelles rencontres, telles que Che et Seema, qui pourrait bien être la nouvelle Samantha de cette saison événement. Et, qui sait, avec une nouvelle histoire amour ? Ou le retour d'un ancien amant ? Tout semble possible au royaume des Manolo Blahnik, des Cosmo entre copines, et des éternelles optimistes.
Alors, si Sex and the City n'est plus vraiment Sex and the City, et si les auteurs ne parviennent pas toujours à rendre pertinents leurs choix scénaristiques, ces premiers épisodes donnent tout de même envie de voir où Carrie, Miranda, et Charlotte vont nous emmener. Et si ces 10 épisodes, qui semblent raconter "l'après-happy end" de Bradshaw, prendront la forme d'une vraie ultime conclusion. Car, quoi qu'il arrive, l'attachement profond qui relie ces trois femmes à leur public reste intact. Et puis, soyons honnêtes, malgré ses défauts, And Just Like That est mille fois plus réussie que l'ignoble deuxième long métrage de la franchise.
Les deux premiers épisodes de And Just Like That sont disponibles sur Salto. Les épisodes suivants seront mis en ligne chaque vendredi au rythme d'un par semaine.