Comme souvent avec Disney, la magie de Noël arrive avec un peu d'avance. Un mois dans le cas d'Encanto, comédie musicale sur fond de famille et de pouvoirs, à voir dans les salles depuis ce mercredi 24 novembre. Réalisé par Byron Howard et Jared Bush, déjà aux commandes de Zootopie, avec Charise Castro Smith (scénariste sur les séries L'Exorciste et The Haunting of Hill House), le 60ème classique animé du studio nous transporte en Colombie.
Et plus précisément aux côtés des membres de la famille Madrigal, réunis dans leur maison enchantée, où chacun reçoit un pouvoir magique à l'issue d'une cérémonie en forme de rite de passage. Sauf Mirabel, l'héroïne. Voilà pour le point de départ d'une aventure à la fois spectaculaire et intimiste dans laquelle il est question de trouver et d'affirmer qui l'on est face aux attentes que les autres ont de nous.
Un film ensoleillé et endiablé dont les chansons ont été écrites par Lin-Manuel Miranda, également co-auteur de l'histoire (et coqueluche de Disney depuis Vaiana), et que les trois metteurs en scène évoquent avec nous.
AlloCiné : Comment "Encanto" est-il né ? Le projet a-t-il débuté avec le lieu, la musique, la magie, la notion de famille… ?
Byron Howard : Cela fait cinq ans, jour pour jour, que nous avons commencé à travailler sur Encanto. Jared et Lin-Manuel Miranda venaient de finir de travailler ensemble sur Vaiana, et ils avaient aimé leur relation et leur expérience sur ce merveilleux film. Jared et moi avons également adoré travailler ensemble sur Zootopie, et nous avions parlé de notre envie de faire une comédie musicale.
Or, Lin-Manuel Miranda était là ! Donc nous nous sommes dit qu'il serait génial de faire équipe avec lui et de commencer à former une équipe autour de ce projet. Et comme nous pouvions tous nous identifier à ces grandes familles nombreuses et multigénérationnelles, c'est ainsi que nous avons pensé à une comédie musicale de Disney qui parlerait vraiment des complexités de la famille. Pas seulement du fait que la famille est bonne - ce qui est souvent le cas - mais de la façon dont elle peut être difficile, comment les gens peuvent souvent ne pas voir ce que les autres sont vraiment.
C'est ce qui nous a guidés pendant des années. Lin-Manuel adorait cela, parce qu'il s'épanouit lorsqu'on le confronte à des problèmes musicaux vraiment complexes à résoudre. Et qu'il les résout magnifiquement. Sur Encanto, il nous a brodé une vraie tapisserie musicale au sein de ce super récit.
C'est la première fois que vous travaillez comme scénariste et co-réalisatrice dans le milieu de l'animation Charise. En quoi votre expérience en matière de prises de vues réelles vous a-t-elle été utile ? Qu'avez-vous pu apporter, en ayant notamment œuvré sur de l'horreur avant ?
Charise Castro Smith : C'était effectivement ma grande première. Et une expérience extraordinaire. J'apprécie encore plus profondément cette incroyable forme d'art maintenant. Comme vous l'avez dit, j'ai travaillé sur l'horreur, et même plusieurs genres différents.
Et ce que j'ai toujours cherché à apporter sur tous ces projets, c'est un ancrage solide des personnages, de la psychologie et des relations qui peuvent ensuite être développés avec des éléments fantastiques. Que ce soit dans l'horreur ou ici, avec le réalisme magique et la musique. J'aime travailler sur des bases qui vont ensuite devenir massives, belles, colorées, effrayantes.
Lin-Manuel Miranda s'épanouit lorsqu'on le confronte à des problèmes musicaux vraiment complexes à résoudre. Et il les résout magnifiquement.
Parmi les différents messages de "Encanto", il est notamment question de garder la magie intacte. Comment parvenez-vous à le faire, de votre côté, sur des projets aussi longs ?
Jared Bush : J'adore cette question ! Comme Byron l'a dit, nous avons travaillé sur Encanto pendant cinq ans. Et on me demande beaucoup comment je parviens m'investir sur une aussi longue période. Il faut déjà savoir que le film n'est pas exactement le même tout au long de ces cinq années.
Et c'est là l'un des luxes lorsque l'on travaille pour Disney Animation : vous avez tout ce temps pour itérer. Pas seulement pour affiner quelque chose et le polir, mais pour expérimenter et tenter de nouvelles choses. Sur ce film, Charise et moi avons exploré une centaine de versions. Nous l'avons projeté huit fois, car nous essayions de découvrir des nouvelles choses. Même des choses auxquelles nous ne nous attendions pas.
Nous sommes constamment entourés par des artistes formidables. Et l'arrivée des acteurs [pour doubler les personnages] change également beaucoup de choses. Je pense que le truc, c'est d'être toujours à la recherche d'une grande idée. Car la meilleure l'emportera toujours. Et, la plupart du temps, nous n'en sommes même pas les auteurs.
Notre géniale équipe d'artistes nous inspire, et faire un film comme celui-ci, c'est comme faire un tour dans des montagnes russes. Il faut s'accrocher mais on ne s'ennuie jamais. Il y a toujours quelque chose à découvrir, au-delà de la magie et des chansons.
Le film parle aussi du fait de trouver qui l'on est et de l'opposition entre ce que l'on est et ce que les autres attendent de nous. On imagine que, sur le tournage d'un film Disney, cet aspect vous était très personnel.
Charise Castro Smith : C'était étonnamment personnel oui. Comme le film parle de famille, vous voulions vraiment nous poser beaucoup de questions sur ce qui était important à ce sujet. Et notre héroïne, Mirabel, est une jeune femme qui essaye de comprendre qui elle est, quelle est sa place dans le monde, quel est son but.
Son parcours nous a beaucoup fait réfléchir sur la manière dont quelqu'un peut prendre conscicence de sa valeur et l'embrasser pleinement pendant cette période de sa vie. C'était vraiment l'une des facettes les plus importantes du film pour moi et beaucoup d'autres membres de l'équipe. Qu'elle parvienne à traverser cela et embrasser qui elle est et ce qu'elle vaut, pour ensuite aller de l'avant. C'est l'un des thèmes les plus importants du film.
Dans l'univers de "Encanto", si chacun de vous ouvrait sa porte magique, quel pouvoir recevriez-vous ?
Charise Castro Smith : (rires) Le pouvoir d'Antonio est incroyable ! Je l'adore. Être capable de parler aux animaux serait vraiment cool.
Byron Howard : Je me suis posé la question et j'en reviens toujours au fait de voler. Car ça a beaucoup d'avantages. Je vis à Los Angeles et la circulation est terrible, donc voler me permettrait d'aller plus vite.
Jared Bush : Mon Dieu ! J'adorerais avoir le pouvoir de Julietta pour plusieurs raisons. Déjà, être capable de guérir les gens serait génial. Mais il est aussi clair qu'elle est une cuisinière fantastique, et je pense que ces choses vont de pair. J'aimerais pouvoir faire un soufflé sans qu'il ne retombe. Ce serait incroyable. Donc ce pouvoir, sans hésiter.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 10 novembre 2021