Un drame sur fond de musique country. Une histoire de vengeance. Un western. Et maintenant un film d'horreur. Trois ans après la sortie d'Hostiles, Scott Cooper poursuit sa carrière de réalisateur et son exploration des genres avec Affamés.
Soit l'histoire d'événements surnaturels qui frappent les habitants d'une petite ville minière de l'Oregon en pleine décrépitude. Un long métrage visuellement très beau et parfois terrifiant, où l'on reconnaît la patte du producteur Guillermo del Toro et qui n'oublie pas l'aspect humain du récit, comme l'expliquent le metteur en scène et son actrice Keri Russell.
AlloCiné : "Affamés" marque votre première incursion dans le genre horrifique Scott. En quoi était-ce le bon projet pour vous y essayer ?
Scott Cooper : J'aime faire des films qui appartiennent à des genres différents. Je n'aime pas me répéter. Et j'aime l'horreur en général, car certains de mes films préférés sont des films d'horreur : Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg, L'Exorciste de William Friedkin, Alien de Ridley Scott… Des films auxquels je pense souvent.
Et Guillermo del Toro m'a approché en me disant : "Tes trois derniers films sont des films d'horreur, et personne ne le sait ! Et si tu en réalisais un vrai ?" Ce que j'ai accepté, vu mon amour du genre. Au fil de nos discussions est ressortie mon envie d'évoquer les peurs et angoisses dont souffrent les Américains aujourd'hui. Il y avait déjà un scénario très convaincant, et la nouvelle dont il s'inspirait, mais comme j'écris chacun de mes films, je suis repassé dessus pour parvenir à l'histoire qui m'intéresse le plus.
Aviez-vous le sentiment de faire des films d'horreur avec ces trois précédents ? Ou est-ce lui qui vous l'a fait réaliser ?
Scott Cooper : Non, je ne les ai jamais vus comme des films d'horreur. Mais il est vrai que Christian Bale et moi avions évoqué l'aspect horrifique d'Hostiles en ce qui concerne le traitement des Indiens ou le traumatisme vécu par la famille du personnage de Rosamund Pike. Ou même le stress post-traumatique dont souffre le personnage de Christian.
En termes de genre, je ne les avais pas vu ainsi. J'essaye toujours de raconter une histoire de la manière la plus sincère possible. Et je me dis que si je parviens à me reconnaître dans mon travail, d'autres parviendront aussi à s'identifier.
La créature est une métaphore sur cette ville en ruines frappée par la pauvreté, la toxicomanie, le chômage
Il est rare de vous voir dans ce registre Keri. Quelle a été votre motivation pour participer à ce film ?
Keri Russell : Je suis une grande fan de Crazy Heart, réalisé par Scott Cooper. J'adore ce film et la manière dont il a traité l'histoire. Et quand il m'a parlé d'Affamés, il m'a expliqué que Guillermo l'avait approché pour le réaliser et qu'il voulait faire un film d'horreur façon Scott Cooper. Et cette combinaison valait le coup de se lancer.
Il y a effectivement quelque chose d'intéressant lorsque le film va au-delà des aspects purement horrifiques pour montrer que ce qu'il y a de plus horrible, ce sont les traumatismes qui se transmettent d'une génération à l'autre.
Keri Russell : Oui, il faut toujours pouvoir se raccrocher à quelque chose, d'une manière ou d'une autre, dans un film purement fantastique. Qu'il s'agisse d'un film d'horreur ou d'une histoire qui se déroule dans l'espace ou dans le futur. Pour vous permettre d'entrer dans l'histoire. Et, pour moi, la créature est une métaphore sur cette ville en ruines frappée par la pauvreté, la toxicomanie, le chômage…
Des choses qui se produisent dans le monde. Je vois la bête comme une métaphore de tout cela et de ce que cela implique. C'est ce que Scott fait si bien. Il est bon lorsqu'il s'agit de se pencher sur les nuances et la fragilité des relations brisées.
Le fait d'avoir joué dans un film comme "Affamés" a-t-il changé votre point de vue les films d'horreur ?
Keri Russell : Il faut savoir que j'ai facilement peur devant un film (rires) C'est pourquoi je regarde peu de films d'horreur (rires) Car je m'en rappelle toujours et j'en fais des cauchemars. Mais celui-ci est très beau. Il contient beaucoup de talent artistique, et il est éblouissant visuellement. Il a des aspects de beau film romantique ensorcelant, et notre chef opérateur [Florian Hoffmeister] a fait un travail incroyable.
Le fait qu'Affamés soit un film d'horreur permet d'y ajouter beaucoup d'autres choses. Et je le trouve poétique. C'est un film d'horreur élégant.
Comment Guillermo del Toro vous a-t-il aidé à concevoir l'aspect horrifique du film ? Vous a-t-il donné des conseils ?
Scott Cooper : Oui, il est très généreux avec son temps et de ses idées. Aussi bien lorsque j'écrivais le scénario qu'au moment de la création du Wendigo, notre créature. Mais aussi pendant le tournage et la post-production. Et je trouve super d'avoir un producteur qui est aussi réalisateur. Comme Robert Duvall ou encore Ridley et Tony Scott, qui ont produits certains de mes films [Crazy Heart et Les Brasiers de la colère, ndlr]. Et Guillermo aujourd'hui. Les producteurs/réalisateurs comprennent tout le processus et les défis auxquels vous êtes confronté.
A quel genre voulez-vous vous attaquer ensuite ?
Scott Cooper : J'adorerais tourner un film noir à Los Angeles. Cela fait un bout de temps que j'y pense. Mais, actuellement, je prépare et m'apprête à tourner mon troisième film avec Christian Bale [The Pale Blue Eye, sur l'enquête mené par un détective et une jeune recrue nommée Edgar Allan Poe, ndlr].
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 25 octobre 2021