Dans Une Affaire française, dont les épisodes 3 et 4 sont diffusés ce soir sur TF1, Guillaume Gouix (La Guerre des mondes) et Blandine Bellavoir (Les Petits meurtres d'Agatha Christie) incarnent Jean-Marie et Christine Villemin, couple dont la vie a été brisée suite à l'assassinat de leur enfant, des errances judiciaires et de la frénésie médiatique qui s'en est suivi, faisant de l'affaire Grégory l'un des faits divers ayant fait couler le plus d'encre dans l'Hexagone.
Un tournage éprouvant pour les deux acteurs, qui dormaient peu sur le tournage. "Il y avait des fantômes", sourit Guillaume Gouix. "C'était tellement puissant sur ce que ça racontait du rapport de la justice aux médias, de l'intime aux médias... C'était un rôle passionnant de complexité, de colère, d'amour et de haine, avec beaucoup de pudeur."
Avec la comédienne, tous deux ont veillé à ne pas être dans le mimétisme, et d'essayer de comprendre les sentiments qui animent les personnages et le sentiment d'injustice qui les habitent. Un jeu de vases communiquants, selon l'acteur, "où quand l'un lâche, l'autre le porte. Chacun prend la force et l'autorité quand il faut. Il y a toujours l'un des deux qui retient l'autre pour ne pas sombrer; ils se réfugient l'un dans l'autre et font fi du reste."
"Quand il y en a un qui craque, l'autre, il est là tout le temps. C'est ça, une histoire d'amour" poursuit Blandine Bellavoir. Tous deux soulignent leur volonté d'être respectueux d'une douleur, celle de gens à qui on a enlevé le deuil, dont la leur tristesse ne leur appartient plus.
"On essaie d'avoir un peu de distance, de garder une forme d'objectivité. Évidemment, on se pose la question de ne pas redéposséder une nouvelle fois les personnes concernées, et d'essayer de pas salir une douleur. Il y a une forme de responsabilité morale vis-à-vis de la douleur des protagonistes. On n'a pas envie d'être voyeurs ou indécents", appuie Guillaume Gouix.
Idem pour sa partenaire de jeu. "On s'est tous dit que si jamais les protagonistes de l'affaire zappaient à la télé et tombaient sur la série, on avait un devoir de responsabilité très fort." Alors même que le genre du true crime est très prolifique Outre-manche, il demeure en France une certaine précaution dans l'adaptation en fiction des faits divers, par peur de tomber dans le sensationnalisme et le pathos.
"Pourtant, c'est un reflet passionnant de notre société. J'imagine que c'est un peu l'intention de la chaîne de faire une sorte d'American Crime Story, mais ici je trouve que c'est un tel reflet de la société, de notre justice, de nos médias, et du rapport de tout ça à l'intime, que c'est passionnant de puiser là-dedans", renchérit Guillaume Gouix. "L'idée c'est d'éclairer une affaire qui a percuté toute la France."
"C'est un des plus beaux projets auxquels j'ai participé, et je trouve qu'il est de l'ordre de l'essentiel pour que ça raconte. Il y a un vrai problème d'empathie dans le monde", pour Blandine Bellavoir. "C'est une matière qui devrait être enseignée à l'école, parce que la force de l'homme, c'est le collectif."
Pour la comédienne, interpréter Christine Villemin a marqué "un avant et un après" dans sa manière de jouer, dans la manière dont la série tente de mettre de l'humanité dans des éléments factuels connus de tous. "J'ai l'impression qu'on est au bon endroit", confie-t-elle. Ce qui transparaît du couple Villemin à ses yeux, c'est un sentiment de pudeur, mais aussi d'élégance. "Ce n'est pas du tout volontaire l'élégance, c'est quelque chose que l'on a ou que l'on n'a pas. Ils ont ce quelque chose, qui a créé leur perte je pense."
Selon elle, la série dresse en creux un portrait de femme déchirant et celui d'une société plutôt laide. "En tant que femme, ça chamboule de se dire que la chasse aux sorcières, c'est tout le temps, ça ne s'arrêtera jamais."
"On ne peut pas imaginer ce que Christine Villemin a vécu. Pour moi, c'est une illustration de ce qu'est la résilience. Et du féminin en général, puisque les femmes sont résilientes, quel que soit le pays, quelles que soient les cultures, avec ce qu'elles encaissent."
Lorsqu'on lui demande si elle eu envie de la rencontrer pour la préparation de son rôle, Blandine Bellavoir répond par la négative. "Il faut la laisser tranquille, cette femme. Ce à quoi on me répond : mais dans ce cas pourquoi avoir fait cette série ? C'est comme une envie de réhabilitation, parce que quelque part, on fait partie de la société française, de ce groupe en tant que Français, et il y a un travail de devoir aussi pour la mémoire de cet enfant. Tous les articles qui sont sortis sur l'affaire étaient d'une violence terrible, et où on oubliait le cœur du problème. C'est déshumanisant au possible : on ne parle jamais de ce petit enfant, de cette vie innocente. "
