C'est l'un des invités surprise des jurys du 47ème Festival du Cinéma Américain de Deauville : le rappeur Antoine Valentinelli, dit Lomepal. S'il n'a jamais travaillé sur aucun film, il a quand même évoqué ses goûts de spectateurs à notre micro. Et notamment en matière de longs métrages sur la musique.
AlloCiné : Comment avez-vous réagi quand on vous a proposé de faire partie de ce jury, alors que vous n'avez jamais fait de cinéma ?
Lomepal : Oui tu peux clairement dire que je suis illégitime de ouf (rires) Ma première réaction a été de dire non, pas du tout. En plus j'étais en pause, je ne voulais rien faire et j'avais refusé tout jusque là. Mais je me suis quand même dit que c'était une expérience trop bien à vivre une fois. Donc j'ai changé d'avis. Et en plus c'était à Deauville.
Si ça avait été un autre festival, je pense que je n'aurais peut-être pas voulu. Mais le fait que Deauville soit un peu niché, car ça reste du cinéma indépendant même si c'est très connu, m'a fait me dire que ce serait cool, et con de passer à côté de cette proposition. Donc j'ai dit ok, pour m'enrichir, rencontrer des gens hyper intéressants, regarder des films et apporter mon petit truc amateur.
Je trouve ça cool qu'on propose à un mec comme moi. S'il n'y avait que moi dans le jury, ça aurait été ridicule. Mais le fait qu'il y ait juste une pièce rapportée dont on dit "Bon bah lui il aime juste regarder des films, mais c'est pas son métier", je trouve ça pas mal.
Vous avez déjà été approché pour participer à un film ?
Ouais mais des petites approches qui n'ont pas abouti. J'ai fait un casting mais ça n'a pas marché. Le casting s'était bien passé mais je savais que ça n'irait pas plus loin. Je ne pense pas être un très bon acteur. Ou alors il faudrait que je passe un cap pour être à l'aise. Parce que là je suis tellement mal à l'aise que ça me fait très mal jouer.
Il faudrait que je passe un cap pour être à l'aise en tant qu'acteur.
Vous souvenez-vous des premiers films américains que vous avez vus et qui vous ont marqué ?
Ma mère m'emmenait voir Buster Keaton, Charlie Chaplin et les Marx Brothers quand j'étais petit. Et probablement d'autres trucs dans le genre. Ça je pense que ce sont les plus vieux trucs que j'ai vus. Ma mère m'a aussi emmené voir beaucoup de Hitchcock. Et de Kubrick, même s'ils sont anglais.
Est-ce que vous avez un film Américain culte, que vous placez au-dessus des autres ?
Je pense qu'il est américain, même si le réalisateur c'est Kusturica, mais c'est Arizona Dream. C'est un de mes films préférés. Avec des dialogues de fou furieux. C'est délicieux. L'ambiance est super aussi alors que c'est parfois cynique. Et ça reste drôle. Ce ne sont pas toujours les films dans lesquels il y a de l'action que je préfère, mais il faut que quelque chose m'attrape.
Et du côté des acteurs et actrices ?
Oh y en a beaucoup ! Avec les autres membres du jury, on parlait tout à l'heure de Kirsten Dunst et Emma Stone, qui sont les deux héroïnes de Spider-Man, vu qu'on avait commencé par parler de Zendaya, qui est celle des récents. On se disait que c'était marrant que les deux soient devenues des grandes actrices, et Zendaya a l'air de commencer une super carrière aussi.
Mais c'est vrai qu'une fille comme Emma Stone, j'adore ! Elle me file la chair de poule. Je ne sais pas comment l'expliquer. Elle a trop de style, elle est trop cool, et en même temps elle a trop d'émotions. J'aime beaucoup et on voit qu'elle peut faire plein de bonnes choses, et qu'à chaque fois c'est poignant.
Qui est votre réalisateur préféré ?
Ça n'est pas du tout original, mais je peux te parler de Tarantino. Je trouve que c'est un génie pour réussir à s'influencer autant de vieux classiques et qu'on ressente à la fois l'hommage qu'il leur rend, et en même temps qu'il y apporte quelque chose de personnel qui fait que c'est Tarantino et pas une copie. J'aime à peu près tout ce qu'il a fait. Le seul que j'aime moins, mais que j'aime bien quand même, c'est Inglourious Basterds.
Mais contrairement à beaucoup de gens, j'ai adoré le dernier, Once Upon a Time… in Hollywood. J'ai pris une claque tout du long. Et ce que j'aime c'est que les gens ne l'associent peut-être à tort qu'à des scènes d'action, ou entre le gore et le gag. Moi je l'adore surtout pour les dialogues. Mon truc préféré c'est ça : la punchline, mais au sens noble du terme. L'un de mes préférés de lui, et peut-être mon préféré, c'est Les 8 Salopards. Alors que ça n'est que du dialogue. Mais comment ça se répond, la répartie. C'est jouissif.
Êtes-vous particulièrement attentif à la musique quand vous regardez un film ?
Pas trop non. Avec toutes les questions qu'on me pose aujourd'hui, je me rends compte que je ne suis pas super à l'écoute d'une musique. Je ne me concentre pas particulièrement dessus, je me prends une scène dans son ensemble. Donc la musique y joue, bien sûr, mais je ne l'écoute pas spécialement.
Y a-t-il des films sur la musique qui vous ont marqués ?
Oui, le film sur Johnny Cash par exemple, Walk the Line. C'est un super biopic. Récemment j'ai adoré le film sur les Beach Boys, Love & Mercy. Avec Paul Dano, John Cusack et Elizabeth Banks. Et il y aussi Whiplash mais je n'aime pas tout dedans. C'est un super film quand même, mais je trouve qu'il démarre vraiment, pour moi, à partir du moment où le prof fou les fait jouer à plusieurs, en les faisant tourner, et ils se mettent tous à saigner des doigts.
À partir de cette scène, je trouve que le film commence à changer et qu'on commence à rentrer dans un truc où chaque scène est hyper intéressante et puissante. Avant ça, je trouve qu'il y a beaucoup de clichés, genre le prof qui rentre en claquant la porte, il est horrible avec tout le monde.
Je trouve que c'est un peu trop direct. Et ça m'a un peu dérangé au début. J'aurais préféré, au contraire, un prof qui a l'air trop sympa mais qui est en fait le diable. Mais tu ne t'en rends pas compte tout de suite. Et à partir du moment où il y a cette scène, d'un coup, ça devient hyper intense. Et puis il y a cette fin. Quand, malgré le fait que le prof soit un horrible monstre, la musique se révèle plus importante que la vengeance.
Je sais que vous êtes fan de skate. Parmi les quelques films qui en parlent, y en a-t-il que vous aimez particulièrement ?
Y a Wassup Rockers de Larry Clark, qui kiffe le skate. Mais en général ce ne sont pas… Ah si y a Paranoid Park que j'aime bien, et 90's qui est génial. Et en plus il est hyper juste sur la manière dont les choses se passent entre skateurs. Et il parle d'une époque qui a un peu disparu en montrant ce qu'était le skate avant qu'il y ait les réseaux sociaux, les marques.
Il y en avait un qui perçait sur un million. Et puis c'était les sponsors qui se connectaient. Ça ressemble un peu à ce que l'on voit dans le cinéma ou des choses comme ça, mais avec une grosse fracture entre ceux qui réussissaient et ceux qui galéraient et qui n'avaient aucun avenir. Donc qui avaient voué leur vie à une passion qui n'allait pas les faire vivre. Et ce truc sur une bande de potes, très sincère, il a vraiment réussi à le faire Jonah Hill.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Deauville le 4 septembre 2021