Depuis la présentation de Julie (en 12 chapitres), la Croisette ne parlait que d'elle : Renate Reinsve. Dix ans après son premier rôle, déjà chez Joachim Trier, la Norvégienne retrouve son compatriote et porte sur ses épaules ce sublime portrait de femme qui permet au réalisateur de se pencher sur le sujet des relations amoureuses.
Immédiatement en bonne place parmi les révélations majeures de ce 74ème Festival de Cannes, Renate Reinsve est même repartie du Sud de la France auréolée d'un Prix d'Interprétation Féminine plus que mérité. Il est donc temps de commencer à faire sa connaissance, en attendant la sortie du film le 13 octobre.
LA PROJECTION CANNOISE
C'était tellement fou ! J'avais vraiment hâte d'y être et d'enfin voir le film avec autant de gens. Mais quand je suis arrivée sur le tapis rouge, je me suis dit : "Wow, c'est dingue !" J'étais un peu effrayée, mais aussi très heureuse et confuse (rires) Et regarder le film était un peu difficile parce que je voulais vraiment que tout le monde passe un bon moment. Car je l'adore. Heureusement les applaudissements à la fin étaient incroyables. J'ai ressenti beaucoup d'amour, c'était vraiment bien.
UN RÔLE SUR MESURE
Joachim [Trier] et Eskil [Vogt, le co-scénariste, ndlr] l'ont écrit en pensant à moi, c'est sans doute pour ça que Julie m'a plu. Et je me suis sentie très connectée à elle en lisant le scénario. J'ai senti qu'ils m'avaient vraiment saisie, tout comme ils avaient saisi beaucoup de femmes de mon âge. Et des gens qui appartiennent à la génération précédente ont aussi dit qu'ils se sentaient connectés à elle.
Ils voulaient que j'y apporte aussi un peu de moi-même, c'était important. Joachim était nerveux quand j'ai lu le scénario, car ce sont deux hommes qui écrivaient un rôle féminin. Ils voulaient que ce soit juste, et j'ai été très surprise en le lisant la première fois. J'ai été très émue par la justesse de leur portrait de femme. J'étais vraiment soulagée (rires)
L'ENVIE DE DEVENIR ACTRICE
Je n'ai pas eu une enfance très facile, donc c'était mon échappatoire vers d'autres personnes. Pour être d'autres personnes et construire d'autres vies, construire une histoire. C'était mon espace de liberté et mon échappatoire. Mon état d'esprit envers le métier d'acteur a depuis changé, mais j'ai toujours voulu trouver quelque chose de sincère et parler de la complexité de ce que c'est que d'être un être humain au sein du chaos dans lequel nous vivons. C'est ce qui me plaît.
SON PREMIER FILM
C'était Oslo, 31 août oui. Je me souviens que c'était très amusant de travailler dessus, tellement libre. Alors que sur le film que j'ai fait après [Kompani Orheim, sorti en 2012, ndlr], c'était tellement plus rigide, avec des répliques que je devais dire de telle ou telle façon. Cela correspond à une production beaucoup plus normale, mais comme j'avais tourné mon tout premier film avec Joachim, je ne savais pas à quel point j'avais de la chance d'être dedans. C'était tout simplement incroyable. Comme un groupe d'amis jouant des situations.
J'étais parmi les filles qui vont à la fête avec Anders, avant d'aller à la piscine. Nous étions juste en train de boire un peu, de nous amuser. D'être à une fête. Et comme il fallait lumière bien spéciale, j'ai fini par me retrouver dans un tournage qui a duré neuf jours. Donc j'ai appris à très bien les connaître très bien pendant ce tournage.
Joachim et moi aurions pu retravailler sur Thelma. Mais c'était le portrait d'une fille plus jeune, donc j'étais un peu trop âgée pour le rôle. J'avais quand même passé des essais pour le film. Et je suis un peu comme Julie, car je manque d'assurance. Et maintenant que j'ai vécu ce qu'elle a vécu, je me sens plus stable et sûre, donc c'était le moment parfait pour tenir ce premier premier rôle. Je suis très heureuse que ça soit arrivé maintenant. Et j'espère vraiment travailler avec lui à nouveau.
LE MEILLEUR CONSEIL QU'ELLE AIT REÇU
D'être détendue et de laisser les choses venir. C'est la meilleure chose. Tout laisser venir, comme si vous pouviez faire une très bonne analyse et puis laisser tomber. Et j'ai été plus détendue que je ne le pensais [avec un film qui repose sur elle, ndlr], car j'étais nerveuse en venant ici. Mais il y a tant d'amour et de chaleur, et tant de bonnes conversations sur les films. C'est très intéressant d'être ici. Je sens que je peux me détendre un peu au moins.
SES MODÈLES
Je n'en ai pas un en particulier. J'aime des moments de beaucoup d'actrices. Si elles font une scène vraiment sincère, je veux savoir comment et pourquoi, et ce qui s'est passé là. Comment ont-elles fait pour arriver à ce point où cela s'est produit ? Je crois que j'ai cherché cela. Mais il y a tellement d'actrices incroyables. Comme Cate Blanchett. Et Timothée Chalamet a quelque chose aussi. Il est si présent et si vibrant en même temps. Il était un peu mon animal spirituel pour le rôle de Julie.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Cannes le 9 juillet 2021