Vous vous souvenez certainement de la comédie Tanguy, réalisée par Étienne Chatiliez et sortie en 2001, gros succès en salle, dans laquelle le fils d'un couple, âgé de 28 ans, n'était pas spécialement pressé de quitter le foyer familial et les avantages qui vont avec.
Le film est d'ailleurs devenu tellement culte que son titre -et par extension le prénom- sont même entrés dans le langage courant, pour caractériser justement un jeune adulte qui met plus de temps que la moyenne à quitter le cocon familial.
Plus d'une décennie plus tard après cette "génération Tanguy", on a parlé de la "génération boomerang", le sujet même du film Retour chez ma mère, la comédie signée par Eric Lavaine, portée par Alexandra Lamy et Josiane Balasko, diffusée ce soir sur TF1.
Le réalisateur a eu l'idée de son film, sorti en 2016, en visionnant un reportage TV sur ce sujet. De quoi parle-t-on ? Le terme renvoie en fait à ces adultes contraints de retourner chez leurs parents à cause, généralement, d'une perte d'emploi.
La génération "Boomerang"
Ce concept est en fait né en 2005, inventé par une sociologue canadienne du nom de Barbara Mitchell, qui parlait alors d' "enfants boomerang", après avoir constaté que 40% des jeunes américains revenaient chez leurs parents. En 2009, la BBC consacra un article sur le sujet, évoquant le chiffre de 111.000 personnes, âgées de 16 à 29 ans, contraintes de retourner vivre chez leurs parents, dans le sillage de la crise de 2008.
Si Retour chez ma mère préfère creuser une veine comique, la réalité est nettement moins enjouée... Selon une étude publiée en 2015 par la Fondation Abbé Pierre, intitulée "La face cachée des Tanguy", sur 4,5 millions de majeurs vivant chez leurs parents en 2013, 925.000 avaient vécu seuls avant de revenir au domicile familial.
La moitié de ces personnes concernées avait vécu plus de trois mois dans un logement indépendant avant de revenir au domicile familial, plus d’un an pour deux tiers d’entre eux. Le nombre de jeunes de plus de 25 ans dans ce cas faisait un bond de 20% entre 2002 et 2013, passant de 282.000 à 339.000.
Un phénomène loin d'être uniquement français, mais international. "Au cours de ces dernières années, ce phénomène s’est encore amplifié en Grande-Bretagne, en France, en Espagne mais aussi aux États-Unis ou au Japon” expliquait la sociologue Sandra Gaviria, de l’université du Havre, dans un article publié en 2016 dans la revue SociologieS, intitulé "La génération boomerang: devenir adulte autrement". "C’est ainsi qu’entre 1950 et 2003, le taux des retours en Grande-Bretagne est passé de 25 % à 46 %" écrivait-elle.
Un phénomène qui a pris de l'ampleur avec la pandémie
La précarité, la difficulté à trouver un emploi, l'explosion du coût des loyers... Et désormais l'impact dévastateur de la pandémie liée au Covid-19 : ce ne sont pas les arguments qui manquent pour expliquer ce phénomène qui n'a depuis cessé de prendre de l'ampleur.
Selon les chiffres fournis en juin 2020 par la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), qui dépend du Ministère de la Santé, ce retour intervient souvent à la fin des études ou pour rechercher un emploi (26%), au cours des études (24%) ou à la suite d’une rupture ou d’un deuil (20%).
Bien que les étudiants soient les plus nombreux (42% des adultes vivant chez leurs parents), ils sont 58% à ne plus l’être. Près d’un tiers occupent un emploi, et 19% sont au chômage. Ajoutons à cela que 60% d’entre eux sont diplômés du bac ou plus. S’ajoutent à cette catégorie de population 3,8 millions d’autres adultes qui, eux, n’ont jamais quitté le cocon familial, souvent pour des raisons financières.