AlloCiné : Qu’est-ce qui vous a plu dans le personnage de Karadec lorsque TF1 vous a proposé HPI ?
Mehdi Nebbou : J’aimais bien le fait que ce personnage soit psychorigide, maniaque, un peu coincé. Qu’il ne soit pas très à l'aise avec les femmes aussi. Car dès le départ, bien sûr, on se demande forcément pourquoi, à cet âge-là, il n’a pas de relation amoureuse, ou des enfants qu’il aurait eus d’une précédente compagne. Il n’est pas moine après tout.
Donc ça, ça m'a rendu curieux. On s’est demandé quelles pouvaient être les raisons, et en l'occurrence c’est la peur de l'engagement. Il a peur des femmes en fait. J’aimais l'idée d'un flic qui a peur des femmes et qui se retrouve avec une femme qui, elle, n'a peur de rien (rires).
Et puis, au-delà de mon personnage, j’ai trouvé le pitch séduisant, d’autant plus que j’ai tout de suite pu le visualiser en sachant que cette héroïne allait être incarnée par Audrey Fleurot. Ça m’a aidé de savoir qu’Audrey serait ma partenaire. Et ça m’a convaincu de dire oui car on s’était rencontré sur la saison 2 d’Engrenages en 2008.
J'ai toujours trouvé que c’était une actrice incroyable, et humainement un rayon de soleil. Donc tout ça faisait que j’avais très envie de me lancer dans cette aventure. La promesse d'un duo avec Audrey me plaisait beaucoup.
Il paraît qu’Audrey Fleurot a soufflé votre nom à la production. C’est plutôt un joli cadeau qu’elle vous a fait…
Il paraît, oui. Est-ce qu’elle me l’a déjà confirmé ? Je ne suis pas sûr. Mais c’est la rumeur qui court. Qu’Audrey a soufflé mon nom aux producteurs et qu’ils ont eu envie de me rencontrer. Alors si c’est vrai, merci Audrey (rires).
Le fait que Karadec soit un héros récurrent, et qu’il y ait déjà beaucoup de séries policières à la télévision, est-ce que ça vous a fait hésiter un peu au départ ?
Bien sûr, ça m’a clairement fait hésiter au début. Le côté réchauffé des séries policières, qui est quand même le genre le plus fait au monde, me laissait dubitatif. Mais le pitch était original, la présence d’Audrey me rassurait et nous avions une grande liberté.
J’ai apprécié que les producteurs, les scénaristes et notre directrice de collection Alice Chegaray-Breugnot soient ouverts à nos propositions. J’ai par exemple pu leur soumettre l’idée que Karadec soit accro aux applis de rencontre, et c’est resté.
Et puis nous avions envie de travailler avec de vrais flics, pour qu’ils nous apportent leur regard. L’implication de Franck Martins, le chef de la brigade criminelle de la PJ de Lille, m’a rassuré. Il a bien voulu nous faire des retours sur les scénarios, sur la crédibilité ou non du jargon policier présent dans les scripts, et nous partager un peu de son expérience. Ses conseils m’ont beaucoup aidé. En fait, on a tous participé à la création de la série, et je pense que ça a encore amélioré le projet de base.
La combinaison de tous ces éléments a fait que, rapidement, je me suis senti en confiance et j’ai senti qu'avec Audrey on pouvait former un chouette duo. En plus de faire une comédie policière atypique, alors que l'aspect comédie n'était pas totalement assumé au départ.
Nous n'étions pas sûrs que la série allait vraiment aller dans cette direction-là. Le piège aurait été d'aller juste vers l’exceptionnalité du personnage d'Audrey, qui est HPI, brillante. Et d'en faire une série policière avec une héroïne à la Marvel. C’était important qu’on apporte de l’autodérision, du décalage, de l’ironie, des personnages contrastés qui se détestent ouvertement. Je pense que c’est ça qui a donné son ADN à la série.
Les dialogues de HPI sont très drôles, ce qui est un peu une exception dans le panorama des séries policières françaises. En tout cas à ce point-là. Est-ce que la bonne humeur qui se dégage de la série se ressentait également sur le tournage ?
Oui, vraiment. Enfin, à 80% je dirais. Car moi j’étais peut-être celui qui était le plus sérieux. Mais mon personnage est plutôt psychorigide, donc je pense que ceci explique cela. Mais Bruno Sanches, c'est comme Obélix, il est tombé dans la marmite de la comédie. Un froncement de sourcils et il vous fait marrer. C’était génial de l'avoir comme collègue.
Marie Denarnaud, c’est un ange, une actrice tellement merveilleuse que je connais depuis une vingtaine d'années, et avec qui je suis ami. Pareil, de l'avoir comme boss c’était un régal. Bérangère McNeese, ce n'est pas encore suffisamment exploité, mais elle vient vraiment de la comédie, elle est très drôle, autant dans la vie que lorsqu’elle joue.
Quant à Audrey, elle met le feu aux poudres. C’est un antidote à la mauvaise humeur, un vrai rayon de soleil sur le plateau. Qui détend et fait rire tout le monde.
Finalement, c’était vraiment moi le trop sérieux par moments. Sûrement parce que j’étais un peu nerveux au début, puisqu’il s’agissait d’une création, et donc d’un pari. J’étais un peu introverti. Mais d’avoir ces super partenaires autour de moi, ça a été un cadeau. Un vrai bonheur, une vraie bouffée d’oxygène. Et tant mieux si ça se ressent à l’écran.
Comment décririez-vous le duo mal assorti que forment Morgane et Karadec ?
Karadec est un peu un boulet (rires). C’est un clown blanc, il a un balai dans le cul ce garçon. Alors que Morgane, c’est tout le contraire. Elle est vive, imprévisible et chaotique. Mais c’est ce contraste qui rend le duo chouette et attachant. Plus ils sont à l’extrême l’un de l’autre, plus ils se jugent et se rentrent dedans, et plus ils sont drôles à leur insu. Ce sont tous ces points de friction qui font la force du duo.
Ce que je trouve chouette c’est que ces personnages sont comme tout le monde finalement. Ils ont leurs armures, leurs systèmes de défense. Elle, son armure, c’est son côté rentre-dedans, sa provocation et son intelligence.
Lui, la sienne, c’est son statut professionnel : commandant de police, chef de la brigade criminelle de la PJ. Mais derrière tout ça, ils sont touchants tous les deux. Ils sont plus sensibles qu’on le croit, plus solitaires aussi.
Elle, elle a ses enfants, mais ses mecs elle a un peu de mal à les garder (rires). Lui, il s’occupe de son frère, mais il n’a pas de femme dans sa vie. Et on sent qu’il y a une différence entre ce qu’ils vendent au monde et ce qu’il y a derrière. Je trouve que ça les rend touchants.
Petit à petit, ils sont de moins en moins dupes de ce que l’un ou l’autre prétend en termes de gestion de vie (rires). Les armures se fissurent petit à petit. Et ça, ça me plaît. Je voulais évidemment que ces personnages soient drôles, mais je voulais qu’ils soient également tout aussi touchants.
La vie personnelle de Karadec est assez peu abordée dans ces huit premiers épisodes. On sait juste qu’il vit avec son frère. Aimeriez-vous que cet aspect de votre personnage soit davantage exploré par la suite ?
Je ne dis pas non. En première saison, on se cherche un peu, c’est normal, on teste des choses. Au début on ne savait pas trop quelle forme allait prendre la série. Est-ce que ça allait être une enquête qui se développe sur toute une saison ou des enquêtes bouclées à chaque épisode ? Finalement c'est cette deuxième option qui a été choisie. Donc ça change la donne. Il y a un temps donné dans l’heure d’épisode qu’il faut évidemment consacrer à l’enquête.
Peut-être qu’à l’avenir ils vont ouvrir la porte à des enquêtes racontées sur deux épisodes, par exemple, je ne sais pas. L’avantage de cela, c’est que ça laisse plus de place aux personnages. On peut passer un peu plus de temps avec eux en dehors de l’enquête.
Mais, bien sûr, j’adorerais qu’on apprenne à connaître un peu plus Karadec. Ce sont les personnages et la spécificité de leur quotidien qui vont donner un ADN particulier à une série. Si on vous demande si vous vous souvenez d’une seule enquête de Starsky et Hutch, la réponse est évidemment non (rires). On se souvient seulement de Starsky et Hutch.
Après, je ne dis pas ça pour dénigrer les enquêtes. On ne voulait surtout pas les déshumaniser. C’est pour ça que les personnages secondaires sont super importants dans HPI. Et grâce à eux, et aux super comédiens qui les interprètent épisode après épisode, le niveau de la série ne fait que grandir.
Cependant, malgré tout, le duo et l’intimité de ces personnages pourraient être plus marquants sur la longueur. C’est vraiment avec eux qu’on va passer du temps. Mais j’imagine que le rapport plus intime à ces deux personnages va se créer au fil du temps, au fil des saisons, sans dénigrer les enquêtes.
Il y a un équilibre qui n’est pas simple à trouver à l’écriture à mon avis, surtout dans ce format bouclé. Le ratio privé-enquête, ça doit être un vrai casse-tête pour les scénaristes.
Vous tournez en ce moment en Italie House of Gucci, le prochain film de Ridley Scott avec Lady Gaga, Adam Driver, Al Pacino, et Jared Leto. Que pouvez-vous nous en dire ?
Le film sortira en novembre normalement. Mon personnage fait partie d’un groupe d’investissement qui va racheter la maison Gucci. Tout cela est inspiré de faits réels. C’est un groupe d’investissement qui existe vraiment. Et le film est un drame familial au sein d’un dynastie. Les rivalités, les manipulations, l’avidité, le pouvoir au sein d’un empire de la mode et financier.
C’est aussi une histoire d’amour, au milieu de tout ça, entre Patrizia Reggiani et Maurizio Gucci. Une histoire d’amour qui se termine de façon tragique car elle a fait assassiner son mari en 1995 par un tueur à gages. Il y a un côté très shakespearien dans le film. C’est adapté d’un livre, et le bouquin tout comme l’adaptation sont très bien écrits.
Ce qui m’a mis dans un état complètement dingue c’est d’avoir une scène avec Al Pacino. J’étais comme un gosse, j’en bégayais dans ma tête (rires). Et en même temps j’avais mes zygomatiques qui allaient jusqu’aux oreilles sans que je ne puisse rien contrôler. J’étais vraiment comme un enfant qui allait rencontrer un héros, une légende, un acteur que j’admire depuis que je suis tout petit. C’était très émouvant.
C’est une scène où il parle beaucoup et moi je dis juste "Of course" (rires). En terme de jeu, c'est limité, mais j'étais face à Al Pacino quoi ! J'avais beaucoup de mal à me concentrer. Quel cadeau ! Après, la scène où j’ai le plus de choses à jouer c’est avec Adam Driver, qui est juste brillant. Tu sens le bosseur, il est dans son personnage. Il a une finesse, une subtilité, une écoute, c’est incroyable.
Et Ridley Scott, c’est un ange. Il est tellement attentionné avec tout le monde. Il n’est pas du tout hiérarchique dans son rapport à l’autre. Et il est toujours aussi enthousiaste à 83 ans. Il fait deux films par an. Dès la fin du tournage, le 7 mai, il prend un avion et il part déjà en repérages pour son biopic sur Napoléon avec Joaquin Phoenix.
Tu sens que la réalisation c’est sa drogue, sa passion, son oxygène. C’est ce qui le maintient en vie. On a l’impression qu’il veut encore faire le plus de films possibles. Un tournage avec lui ça met en confiance. Et ça nous pousse à donner le meilleur de nous-même. C’est la deuxième fois que je tourne avec lui, la dernière fois c’était il y a 12 ans dans Mensonges d'Etat. Et c'est toujours aussi incroyable.
Et après House of Gucci, vous allez enchaîner sur la saison 2 de HPI ?
En juin, je vais tourner un film en Allemagne. Un road movie entre un père qui refuse de grandir, un fils de 15 ans dépressif et autodestructeur, et un âne qui se lancent dans une randonnée de 15 jours en montagne. C’est une comédie sociale, ambiance un peu Into the Wild, et il y a vrai truc qui me touche dans cette histoire et dans cette relation père-fils.
Et puis, après ça, oui, l’idée est de tourner la saison 2 de HPI cette année, pour une diffusion l’année prochaine. Mais je n’ai encore rien lu pour le moment.