De quoi ça parle ?
En 1987, après la fin de la loi martiale à Taïwan, Jia-han et Birdy tombent amoureux malgré la pression familiale, l'homophobie et la stigmatisation sociale ambiantes.
Ça vaut le coup d’œil ?
Drame simple et épuré, Ton nom en plein cœur raconte une histoire qui se déroule dans un lycée catholique pour garçons. Nous sommes en 1987 ; presque quatre décennies de loi martiale viennent de prendre fin. Mais les Taïwanais restent encore, psychologiquement au moins, sous le joug d’une société cadenassée par des années traumatisantes d’une domination militaire.
Jia-han (Edward Chen), un jeune homme à la voix douce et très apprécié de ses camarades de classe, fait la connaissance d’un nouvel élève en quête de sensations fortes. Il le surnomme Birdy (Chin-Hua Tseng) en référence au film d’Alan Parker. Les autres élèves ne savent pas trop quoi penser du nouveau, mais Jia-han et lui se lient immédiatement d’amitié.
Sous la franche camaraderie, naît une intimité grandissante faite de gestes candides et tendres. C’est une sieste dans le train où l’un pose sa tête sur l’épaule de l’autre. C’est ce corps qui s'agrippe à celui de son complice lors d’une balade à scooter. Des instants anodins tandis que dans ces interstices, naît une histoire d’amour.
Mais il est encore impossible de s’aimer au grand jour à Taïwan, à cette époque où les étudiants gays sont battus et harcelés par leurs camarades de classe et rejetés par la société. Alors lorsque l’école s’ouvre aux jeunes filles, Birdy se rapproche d’une fille au franc-parler. Ce qui brise le cœur de Jia-han.
Entre Call Me by Your Name et In the Mood for Love
On ne peut alors s’empêcher de penser au trio amoureux de Call Me by Your Name. Lorsque la jeune Marzia (Esther Garrel) vient ralentir le rapprochement entre Oliver (Armie Hammer) et Elio (Timothée Chalamet). Mais ici, les réactions sont plus vives. La douleur de Jia-han lui est presque insupportable.
Toute en délicatesse, la réalisation s’attarde alors sur les émotions et retient toujours l’action d’advenir trop brusquement. Le réalisateur Patrick Kuang-Hui Liu s’applique, comme un observateur privilégié, à filmer les manifestations presque invisibles du désir physique. Il prend le temps de faire naître la romance entre ses personnages et laisse le temps à ses acteurs de construire une alchimie qui devient de plus en plus crédible.
En même temps qu’on s’ébahit devant la beauté de Birdy et Jia-han, Liu leur donne de la texture et de l’ampleur. De la même manière que Wong Kar-wai étire le temps pour mieux exprimer le désir dans In the Mood for Love, la langueur déployée dans Ton nom en plein cœur ne sert qu’à étoffer la narration sous-jacente. L’expression est dans la position des corps, l’inclinaison des visages, la force du regard plus que dans les dialogues. Même s’ils finissent par exulter à force d’étouffement.
Une histoire personnelle
L’arc particulier de Jia-han est basé environ à "80%" sur l’expérience de Patrick Kuang-Hui Liu, d'après le réalisateur. "À l’origine, mon intention n’était pas de faire un film gay, mais de faire un film personnel", dit-il. "Il s'agit de mon premier amour, et mon premier amour s'est avéré être l'histoire d'un garçon aimant un autre garçon", a déclaré le réalisateur au magazine Time.
Nous espérons vraiment que, grâce à Netflix, les communautés LGBT d'autres régions d'Asie pourront voir le film. Les communautés LGBT ont besoin d’un film comme celui-ci pour leur dire : "Vous êtes autorisé à aimer, vous n’êtes pas coupable."
La production du film a démarré en 2018, avant que la législation sur le mariage homosexuel soit promulguée à Taïwan qui est le premier pays d’Asie – et le seul à ce jour – à avoir légalisé ces unions en mai 2019. Sorti fin septembre 2020 en salles à Taïwan, Ton nom en plein cœur est devenu le plus gros succès taïwanais de 2020 et le film LGBT+ le plus vu de l’histoire de Taïwan.