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    La Faute à Rousseau : "Une adaptation très libre de la série espagnole Merli" selon les créateurs
    Jérémie Dunand
    Jérémie Dunand
    -Chef de rubrique télé / Journaliste
    Passionné de séries en tous genres, mais aussi d'horreur et de teen movies, Jérémie Dunand a été biberonné aux séries ados et aux slashers des années 90, de Buffy à Scream, en passant par Dawson. Chef de rubrique télé, il écrit aujourd'hui principalement sur les séries et unitaires français.

    À l'occasion de la diffusion sur France 2 de "La Faute à Rousseau", rencontre avec les créateurs Agathe Robilliard et Thomas Boullé, qui reviennent pour nous sur le processus d'adaptation de ce remake "très libre" de "Merli" et sur ses thématiques.

    Diffusée chaque mercredi à 21h05 sur France 2 depuis le 17 février, La Faute à Rousseau, emmenée notamment par Charlie Dupont, Anny DupereySamira Lachhab (Demain nous appartient), Louis Duneton (Plus belle la vie), et Esther Valding (Les Bracelets rouges), raconte les tribulations de Benjamin Rousseau, un prof de philosophie pas comme les autres, brillant mais aussi anticonformiste et irrévérencieux, qui tente, à travers les notions qu'il enseigne, de donner à ses élèves les armes nécessaires pour affronter la vie et l'avenir qui les attend. Tout en conjuguant, de manière plutôt ironique, avec une vie personnelle et amoureuse compliquée, dans laquelle il fait du surplace et ne sait pas forcément faire les bons choix.

    Les scénaristes Agathe Robilliard (Coeur océan, Candice Renoir, Chante) et Thomas Boullé (Pour Sarah, Alice Nevers), qui ont développé la série à partir de la fiction espagnole Merli (rebaptisée #Philo en France), ont accepté de nous en dire plus sur les différents axes d'adaptation, sur la place donnée aux ados dans les intrigues, et sur ce qui différence La Faute à Rousseau des autres séries du genre. Et notamment de Sam, diffusée depuis cinq saisons sur TF1.

    La Faute à Rousseau
    La Faute à Rousseau
    Sortie : 2021-02-17 | 52 min
    Série : La Faute à Rousseau
    Avec Charlie Dupont, Anny Duperey, Louis Duneton
    Presse
    3,1
    Spectateurs
    3,5
    Voir sur france.tv

    AlloCiné : La Faute à Rousseau est l'adaptation de la série espagnole Merli. Etes-vous à l'initiative de ce remake ou êtes-vous arrivés sur la série une fois les droits achetés par la production ?

    Agathe Robilliard : C’est la production qui a décidé d’adapter Merli et qui nous a contacté l’un après l’autre.

    Thomas Boullé : Agathe a écrit la bible d’adaptation. Et au moment d’écrire le pilote, j’ai rejoint le projet et on a écrit le premier épisode et les arches de la saison ensemble.

    Qu'est-ce qui vous plaisait dans Merli et dans l'idée de la transposer pour le public français ?

    Agathe Robilliard : En fait je n’ai jamais vu d’épisodes de Merli. Mais ça me plaisait vraiment d’écrire l’histoire d’un prof de philosophie car j’ai moi-même fait des études de philo. Je ne me suis pas vraiment posée de questions, c’était une perspective qui m’emballait beaucoup. Et au-delà de ça, j’avais l’impression qu’il y avait un terrain de jeu où je pouvais m’amuser en tant que scénariste.

    Thomas Boullé : Pour ma part, j’aime beaucoup la tendance actuelle qui donne de plus en plus la parole aux adolescents et aux jeunes adultes. Et je trouvais que Merli permettait de faire exister les ados et les adultes dans un même espace. Habituellement, dans les séries se déroulant dans des écoles, j’étais souvent gêné de voir que les profs trouvaient les solutions à la place des ados, ou qu’ils n’avaient pas vraiment de légitimité à intervenir et qu’ils débordaient de leur cadre et de leur mission professionnelle. Alors que dans Merli, à travers la philo, le prof était légitime pour intervenir. Il avait une expertise qui lui permettait de parler aux jeunes directement, de leur parler de leur intimité sans que cela soit incongru. Et c’est une méthode qui laisse la place aux jeunes de trouver leurs propres solutions.

    Pierre-Olivier - DEMD PROD - FTV

    C'était un vrai défi, en tant que scénaristes, de ne pas tomber dans le cliché et d’arriver à faire sonner juste le parler et les différentes intrigues des élèves de Rousseau ?

    Agathe Robilliard : C’est vrai qu’on peut rapidement être rattrapé par les clichés et par notre propre jeunesse, qui n’est plus du tout celle d’aujourd’hui (rires). Donc on a pris le parti d’un registre de dialogue assez neutre. Pour ne pas faire "faux jeune". Je trouve que les jeunes comédiens sont géniaux. Ils se sont emparés du texte et des dialogues avec leur verve, leur diction, parfois certaines expressions à eux. C’est très heureux.

    Thomas Boullé : On a décidé que tous nos jeunes auraient de fortes personnalités, pour tenir tête à ce prof de philo. Sinon les épisodes n’auraient pas été intéressants. Mais c’est vrai que les comédiens ont eu la liberté d’apporter leur propre énergie. Et ce qui nous a aidé aussi c’est qu’il y avait des séquences dédiées aux ados. Ils sont "point de vue". Ils sont, chacun, les héros de leurs épisodes, et non pas juste des personnages secondaires. Ce qui fait que les comédiens peuvent s’emparer de leurs personnages et que le public peut s’identifier à eux, et non pas juste aux adultes. Cette double entrée participe vraiment à cet effet de réalisme.

    Aviez-vous un cahier des charges très précis à respecter ? Comment s'est passé le travail d'adaptation ?

    Agathe Robilliard : C'est une adaptation très libre de Merli. Comme je le disais, je n’ai pas vu d’épisodes de la série espagnole avant, et je n’en ai toujours pas vu aujourd’hui. J’ai quand même lu un document de bible assez conséquent, dans lequel il y avait énormément de pistes. Mais c’était surtout un merveilleux matériau de départ pour lancer mon imaginaire.

    Thomas Boullé : On avait deux contraintes principales. Il fallait que ce soit des épisodes relativement bouclés, ce qui nous éloignait déjà énormément de la série originale qui est beaucoup plus feuilletonnante. Et ensuite, entre les jeunes et les adultes, il fallait que les jeunes ne prennent pas le dessus. Puisqu’on s’asdresse à un public familial, il fallait que le récit soit divisé relativement à égalité entre les jeunes et les adultes.

    Agathe Robilliard : Mais ce sont des contraintes qui sont de l’ordre de la production française, plutôt que de l’adaptation de cette série à proprement parler.

    Thomas Boullé : Et c’est pour ça qu’on a mis en place cette mécanique qui n’existe pas dans le format original : un épisode, un élève. Et l’autre grosse différence c’est que chaque épisode est écrit selon une thématique de philosophie. La liberté, l’amour, le devoir, l’identité, … Alors que dans la série originale, chaque épisode est relié à un philosophe. Ce qui n’est pas du tout la manière d’enseigner la philosophie en France. Cela ne faisait pas beaucoup de sens de conserver cela. On préférait travailler sur le modèle de dissertation français. Une problématique autour d’une notion. Ces petites choses ont eu une incidence gigantesque qui a fait qu’on était obligé de garder le concept mais de repartir à zéro sur les histoires. Car avec ces contraintes-là, les histoires originales ne marchaient plus pareil.

    C’était une demande de France 2 de s’éloigner du feuilletonnant, parce qu’on sait que le bouclé fonctionne très bien en prime ?

    Agathe Robilliard : Non, du tout. La chaîne a été assez exemplaire, elle ne nous a rien demandé. C’est juste une manière d’organiser le récit qui nous paraissait plus appropriée. Elle permet d’aller plus au fond de chaque personnage. Et puis l’enseignement de la philo en Espagne dure trois ans, alors qu’en France c’est seulement en terminale. On ne pouvait pas imaginer une récurrence des personnages sur plusieurs saisons. Donc forcément on devait les traiter différemment.

    Rémy GRANDROQUES - DEMD PROD - FTV

    N'aviez-vous pas peur de la comparaison avec Sam, qui met elle aussi en scène une prof anticonformiste et centre chacun de ses épisodes sur un élève ?

    Thomas Boullé : En fait, comme notre héros est prof de philo, on s’est dit qu’il aurait ses propres armes et sa propre méthode d’intervention. Et que mécaniquement il serait différent de Sam. Évidemment, Sam et La Faute à Rousseau sont des séries cousines, c’est indéniable. Mais je pense que dans la manière d’interagir avec les élèves, ce n’est pas du tout la même chose. Et l’autre différence énorme c’est que nos élèves à nous ont 18 ans, alors que dans Sam ils sont au collège. Ce n’est pas la même problématique, pas la même manière de régler les problèmes des uns et des autres. Comme le dit Rousseau dans le premier épisode, "Ces élèves ont le droit de vote cette année". Ils sont encore ados, mais ils sont déjà adultes aussi. Donc je pense que la comparaison entre Sam et La Faute à Rousseau s’arrête assez vite.

    La série suit, en fil rouge, l'intrigue de Théo, le fils de Rousseau, incarné par Louis Duneton. Théo est gay, mais sa sexualité ne fait pas l'objet de questions, de débats, ou d'un quelconque rejet de sa part ou de sa famille. Cette représentation-là de l'homosexualité, qui n'est pas forcément vécue dans le douleur, reste assez rare à la télévision, même si les choses bougent évidemment avec le temps. Etes-vous particulièrement fiers de cette intrigue et de ce personnage ?

    Agathe Robilliard : Bien sûr. Je pense que cette génération a un regard hyper moderne, hyper juste sur l’homosexualité. Et c’est hyper chouette à raconter.

    Thomas Boullé : On a essayé de naviguer entre deux excès. On ne voulait pas être en retard sur la réalité, avec une homosexualité qui serait trop rejetée ou qui aurait trop de mal à être acceptée par Théo et son entourage. On n’aurait pas été en phase avec ce qui se passe dans les lycées aujourd’hui. Et de l’autre côté, on ne voulait pas tomber dans un autre excès qui aurait été de considérer que ça ne pose aucun problème, à la fois pour Théo et pour ses proches. On a essayé de travailler entre ces deux excès, car on a l’impression qu’aujourd’hui dans la conversation nationale autour de ce sujet en France, on est dans cette zone tampon.

    Agathe Robilliard : Exactement. Avec, à la fois, des choses extrêmement dures que peuvent vivre les jeunes gays. Extrêmement violentes. Et, en même temps, leur génération les accompagne avec un sentiment de bienveillance, ou simplement d’acceptation, qui ne pose aucune question. C’est un espèce d’écart très étrange.

    Et vous avez eu la chance d’avoir un super comédien pour incarner Théo…

    Thomas Boullé : Louis Duneton a épaté tout le monde. Quand on regardait les rushes, on était fasciné parce que c’est un comédien qui apporte énormément. C’est un comédien extraordinaire car, à la fois, il respecte le texte, il n’utilise pas de béquilles en changeant le texte ou en rajoutant des choses pour se sentir plus à l’aise. Et en même temps il apporte beaucoup de sous-texte. Il est très inventif, très créatif, et c’est un plaisir de voir son travail à l’écran.

    Agathe Robilliard : Mais de toute façon je trouve que tous nos comédiens sont assez extra. Parfois, ça peut être la loterie quand on travaille avec des jeunes. Mais là, franchement, j’étais impressionnée.

    Thomas Boullé : La chance qu’on a eu c’est qu’on est arrivé au bon moment de leur carrière. Ils avaient tous eu beaucoup d’expériences de plateau, notamment sur les quotidiennes. Mais, pour la plupart, ils n’avaient encore jamais été les héros de leur propre histoire. Et là, tout d’un coup, c’est eux qui portaient les enjeux principaux. Et je pense que ça a fait qu’ils se sont donnés à 200 % dans leur rôle, car ils avaient quelque chose à défendre qu’ils n’avaient jamais défendu de cette manière auparavant. C’était un bonheur de travailler avec eux. Les lectures étaient des moments formidables.

    Rémy GRANDROQUES - DEMD PROD - FTV

    Le Covid et le confinement sont évoqués au détour d'une réplique. Avez-vous hésité à intégrer davantage l'épidémie à la série, ou au contraire à l'occulter totalement ?

    Agathe Robilliard : Franchement, j’avoue que pour le moment je ne sais pas quoi raconter sur cette épidémie, tant cette expérience est étrange, déstabilisante. Et on est encore dedans en fait. Bien sûr, ça nous paraissait absurde de ne pas en parler du tout, ne serait-ce que parce que le tournage devait au départ débuter le 23 mars et a été repoussé à cause du confinement. Mais en parler vraiment, c’était compliqué, en tout cas pour moi.

    Thomas Boullé : On ne savait pas si le tournage pourrait avoir lieu jusqu’au bout, quand on serait diffusé, et où en serait la situation sanitaire à ce moment-là. Donc c’était très difficile de donner une vraie place au Covid. Je vois ce qu’ils font en ce moment dans Shameless, c’est impressionnant de réactivité. Mais ils pouvaient se le permettre car entre le tournage et la diffusion ils savaient exactement où ils en étaient. Nous n’étions pas dans cette situation-là. Et puis Shameless c’est une série familiale, la plupart des scènes sont situées à l’intérieur, sans masques. Alors que La Faute à Rousseau se déroule dans un lycée, donc un lieu public. Et si nous avions voulu respecter la réalité actuelle, tous les élèves auraient eu des masques tout le temps. C’était impossible, on n’aurait pas reconnu qui est qui. On s’est donc situé dans la France d’après Covid en quelque sorte.

    Comme c'est quasiment tout le temps le cas pour les séries françaises, la saison 2 est-elle déjà en écriture ?

    Thomas Boullé : Oui, la saison 2 est en cours d’écriture, pour pouvoir revenir à l’antenne dans un an si la chaîne décide de commander une saison 2 en fonction des audiences.

    Et en parallèle de la série, avez-vous d'autres projets à venir dont vous pouvez parler ?

    Agathe Robilliard : En ce moment je me concentre vraiment sur La Faute à Rousseau et sur l’écriture de la saison 2.

    Thomas Boullé : Et moi j’ai co-écrit Il est Elle, qui sera diffusé bientôt sur TF1. C’est un unitaire sur la transition, et j’en suis très fier. Quand on m’a proposé de rejoindre l’écriture, j’étais hyper touché, hyper responsabilisé, car c’est un sujet très fort. Et j’étais reconnaissant à TF1 de prendre ce risque-là. J’ai dit oui avec un sens énorme de la responsabilité que j’avais. Tout le monde a été à la hauteur du sujet et a eu le courage de faire les bons choix à toutes les étapes du développement.

    Propos recueillis par téléphone le 23 février 2021.

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