Sorti dans nos salles obscures en janvier 2018, Downsizing d'Alexander Payne met en scène un Matt Damon rétréci à 7% de sa véritable taille, soit 12cm. Un défi technique que le réalisateur - peu habitué aux effets spéciaux - n'avait encore jamais expérimenté. D'un budget estimé à 68 millions de dollars, Downsizing est le film le plus cher d'Alexander Payne.
Dans le long-métrage, des scientifiques mettent au point un processus permettant de réduire les humains à une taille d’environ 12 cm afin de lutter contre la surpopulation. Cette technique est baptisée le "downsizing". Chacun réalise que réduire sa taille est surtout une bonne occasion d’augmenter de façon considérable son niveau de vie. Cette promesse d’un avenir meilleur décide Paul Safranek (Damon) et sa femme (Kristen Wiig) à abandonner le stress de leur quotidien pour se lancer dans une aventure qui changera leur vie à jamais.
Co-écrit par Alexander Payne et son ami de longue date, le scénariste Jim Taylor, le long-métrage est une aventure de science-fiction aux résonances contemporaines. Le pitch de départ a été imaginé par Jim Taylor et son frère Douglas, lors d'une discussion sur la surpopulation. Le scénariste explique : "Doug a imaginé un dispositif permettant de rétrécir les gens et a ensuite fait de savants calculs pour savoir combien de personnes de taille réduite on pouvait nourrir avec un hamburger"*. En jouant avec l’idée que de grandes opportunités peuvent se présenter à des êtres humains miniatures, les frères ont rapidement compris qu'ils disposaient d'un "point de départ intéressant pour un film".
Taylor a ensuite discuté de cette idée avec Alexander Payne et les deux hommes se sont ainsi attelés à l'écriture dès 2008. Au départ le film devait être produit dès 2009 et faire suite à Sideways, mais Payne préféra se pencher sur The Descendants (2011) et Nebraska (2013) avant de s'attaquer à Downsizing.
Un projet de grande envergure
Le réalisateur souhaitait donner de l’envergure au postulat de départ, et faire de ce "downsizing" un bouleversement planétaire. "On s’est dit que le downsizing deviendrait une tendance mondiale, si bien qu’avec Jim, on eu envie d’étendre le dispositif à tous les pays, et pas de se cantonner aux États-Unis. Tout le reste a découlé de ce point de départ", explique le metteur en scène.
Ce n'est donc pas un comédien qu'il a fallu rétrécir mais plusieurs. Il a également fallu apporter une attention particulière aux décors (qu'il s'agisse des scènes tournées en studio ou en décors naturels, notamment le Midwest américain et la Norvège), aux vêtements, aux accessoires mais surtout aux plans dans lesquels figurent à la fois des humains de tailles normales et des humains rétrécis.
Phedon Papamichael, le directeur de la photographie de Downsizing et fidèle collaborateur du réalisateur, précise : "Alexander ne voulait pas changer de méthode de travail ; autrement dit, il tenait à rester focalisé sur les personnages. On a essayé de faire en sorte que le spectateur ne décroche pas et qu’il reste concentré sur les rapports entre les personnages, l’humour et l’émotion. De ce point de vue, c’est très proche de nos précédentes collaborations".
Mais Downsizing est bien le film qui a demandé le plus de travail technique à Payne et son équipe technique. Notamment James Price, le superviseur des effets visuels qui a joué un rôle déterminant dans la fabrication du film. Payne l’a d’ailleurs consulté en permanence. "Grâce à lui et à Phedon, j’ai même pu oublier qu’il y avait des effets et j’ai eu le sentiment de réaliser un film traditionnel".
James Price explique : "On a utilisé de vraies photos et d’authentiques techniques de photographie quand c’était possible afin que les images soient ancrées dans la réalité, même si on les transformait ensuite en infographie. Ce parti pris est visible dès le début du film dans la scène où le docteur Asbjørnsen et ses confrères se présentent devant leurs pairs sous forme réduite, prouvant ainsi que le dispositif du downsizing fonctionne."
Des poupées comme doublure
L'expert ajoute : "On a d’abord tourné tous nos arrière-plans en plateau, puis les éléments de décors et les accessoires des personnages rétrécis sur un fond vert. En intégrant les images tournées sur fond vert à celles filmées en plateau, on a le sentiment que les personnages rétrécis sont dans un plan à échelle normale. Outre les techniques traditionnelles, nous avons eu recours au numérique, et notamment à des imprimantes 3D pour confectionner des poupées de 12 cm, qui nous ont servi de doublures, et à un logiciel nous permettant de mesurer précisément les angles de prises de vue adaptées à ces poupées et aux acteurs de taille normale présents dans le plan. C’est ainsi qu’on est à même de connaître leur champ de vision et que les acteurs filmés sur fond vert peuvent s’y intégrer parfaitement par la suite".
La chef-décoratrice Stefania Cella a beaucoup travaillé sur l'esthétisme du film mais s'est également beaucoup creusé les méninges concernant les plateaux de tournage. Pour Leisureland - la ville miniature - il a fallu tourner sur l’un des immenses plateaux des studios Pinewood de Toronto. Stefania Cella raconte : "Ce décor est censé être à l’échelle d’êtres humains de 12 cm. Autant dire qu’il nous fallait l’un des plus grands plateaux disponibles en Amérique du Nord".
Alexander Payne ajoute que le bâtiment Alondra Apartments, situé de l’autre côté du gigantesque mur, était un décor important du film, et a donc été construit en grande partie : "Ce sont d’anciennes baraques de chantier reconverties en appartements pour personnes rétrécies. On a vraiment construit en dur les trois premiers étages. Les niveaux supérieurs ont été créés grâce aux effets numériques".
Présenté en avant-première lors de la 74e Mostra de Venise et du 42e Festival de Toronto, Downsizing n'a malheureusement pas convaincu le public puisque le long-métrage n'a totalisé que 55 millions de dollars au box-office international soit 13 millions de moins que son budget...
*Propos tirés du dossier de presse du film