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    Journée internationale du ninja : c’est quoi la ninjasploitation ?
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Héros du cinéma d'exploitation, le ninja a inspiré quelques grands films et beaucoup de productions dites "bis" des années 80. A l'occasion de la Journée internationale du ninja, coup de projecteur sur la défunte "ninjasploitation" et son héritage.

    COMMODORE FILMS

    L'une des premières apparitions marquantes du ninja au cinéma sera Le secret du ninja et ses suites (la série des Shinobi no mono) qui durèrent de 1962 à 1966 et comptèrent huit films, tous incarnés par Raizô Ichikawa. L'acteur, qui était également la star du Pavillon d'or et du Silencieux, mourut prématurément d'un cancer en 1969, à 38 ans. Les ninjas seront également mis à l'honneur dans le James Bond On ne vit que deux fois (1967) où on les voit notamment attaquer la base du SPECTRE. Mais ce n'étaient que les prémices de l'explosion d'un genre à part entière.

    Avant les ninjas, le kung-fu

    Mais avant que n'arrive "l'âge d'or" du film de ninja proprement dit, il faut faire un détour nécessaire par les films d'arts martiaux wu xia pian, qui seront bientôt rebaptisés "films de kung-fu". Ils connaissent un véritable essor au début des années 70, portés par le studio Shaw Brothers et l'acteur Lieh Lo ou par Golden Harvest et les films d'un certain Bruce Lee.

    En 1972-1973, La Main de fer est distribué internationalement et connaît un véritable succès, entrainant une vague de films de kung-fu et une mode aussi intense qu'éphémère. Le foisonnement de titres fait que ce sous-genre est rapidement couplé à d'autres en vue de toucher des publics différents, parmi lesquels le western italien (La Brute, le colt et le karaté), l'érotisme (Karatéka au pays de l'érotisme) ou la blaxploitation (Black Kung Fu contre Hong Kong connection, dont voici la bande-annonce d'époque) :

    L'archétype du ninja

    C'est à la fin de cette vague de films de kung-fu venus de Hong Kong qu'arrive une nouvelle manne pour les producteurs, une nouvelle figure du cinéma asiatique encore peu exploitée : le ninja. Issu d'une tradition ancienne, le ninja véhicule tous les fantasmes de l'espion-mercenaire au visage caché dont la souplesse est légendaire. On les appelle des shinobi, soit des gens qui se "faufilent". Le cinéma va créer un un mythe du ninja se battant donc avec des sabres, des étoiles de ninja et des nunchakus. Il sera souvent fourbe, meurtrier, redoutable au combat, tout habillé de noir (ou de rouge) et agissant rarement seul.

    On est loin de la version historique du ninja présentée dans l'ouvrage Ninja Attack! signé Matt Alt et Hiroko Yoda, qui les décrit comme utilisant aussi des armes modernes (à poudre) et s'intégrant dans un endroit comme un caméléon (et ne portant donc pas de tenues très identifiées et reconnaissables).

    Le méchant idéal

    Le cinéma va d'abord les exploiter comme méchants, notamment dans L'Implacable ninja de Menahem Golan. Le film est un échec au Japon mais cartonne aux Etats-Unis et fait de Shô Kosugi une figure du genre. Le cinéma américain s'empare alors du ninja pour proposer des productions dans lesquelles le héros est blanc mais est élevé comme un ninja, comme ce sera le cas par exemple dans la série des American Warrior avec Michael Dudikoff.

    Le pire côtoie le meilleur

    Les années 80 voient déferler une vague de productions bis puis complètement nanardes (mauvaises mais sympathiques) consacrées au ninja. Parmi les bons titres à retenir, citons Duel to the Death, Shaolin contre Ninja (aussi connu comme Les Démons du karaté) avec Gordon LiuFive Element Ninjas et Ninja in the Dragon's Den. Parmi les pires, citons Ninja Terminator ou Ninja Avengers (qui contient à peine une scène de ninjas).

    La ninjasploitation va aussi conduire à des dérives du cinéma conçu de façon rapide et peu coûteuse : le recours au "2 en 1" voire au 3 en 1", recyclant des extraits d'un film dans un ou plusieurs autres et construisant une histoire à partir de cela. On retrouvera ce montage trafiqué dans Flic ou ninja, où le réalisateur Godfrey Ho ne se soucie même plus de raconter une histoire qui se tienne.

    "Ninja Terminator" et la technique du "2 en 1" en images :

    Le temps de l'héritage

    Néanmoins, les périodes ninja, chambara et kung-fu du cinéma vont coïncider avec les derniers temps de la blaxploitation et ainsi, au-delà de cross-overs la plupart du temps opportunistes, ils habitueront les spectateurs de cinéma à plus de diversité. Les héros à l'écran ne sont plus forcément que Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger et ces cinémas d'exploitation vont marquer durablement les esprits. Les cultures hip-hop et break dance feront d'ailleurs de multiples références à ces films, notamment Wu-Tang Clan ou Shuriken.

    Dès 1974, l'héritage du film de kung-fu attire d'autres supports. Marvel lance le super-héros Iron Fist très influencé par les arts martiaux et dont un des adversaires s'appelle simplement "Le Ninja". Dix ans plus tard apparaitront aussi en comics les célèbres Tortues Ninja. Le non moins célèbre jeu vidéo Street Fighter puisera pleinement dans les longs métrages de ninjasploitation pour le design de ses héros et l'imagerie de ce cinéma servira de base à tout l'environnement de Ninja Gaiden.

    Aujourd'hui, le ninja a chaque 5 décembre sa Journée internationale (dont vous pouvez retrouver tous les détails ici), façon décalée de saluer comme il se doit cette figure incontournable. Que de chemin parcouru et de reconnaissance pour ce groupe d'espions pourtant historiquement encore assez méconnu.

     

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