"Je sais, j’ai la réputation d’être très directe. J’aimerais vous dire que je suis douce et gentille, mais même mes enfants exploseraient de rire s’ils m’entendaient." La célèbre expression "une main de fer dans un gant de velours" aurait pu être inventée pour Susanne Bier. Quatre ans après la série The Night Manager, adaptée du livre de John Le Carré, Le Directeur de nuit, la réalisatrice Oscarisée revient à la télévision avec The Undoing. Cette fiction en six épisodes est, elle aussi, l’adaptation d’un roman à succès, intitulé Les premières impressions de Jean Hanff Korelitz.
Les téléspectateurs y suivent la descente aux enfers de Grace Sachs, une thérapeute de renom new-yorkaise, qui apprend que son mari est accusé de meurtre. Pour donner vie à ce thriller, la cinéaste danoise fait appel à Nicole Kidman et Hugh Grant. Installée devant son écran d’ordinateur, elle est revenue sur son expérience unique le temps d’une table ronde avec plusieurs médias du monde entier, dont AlloCiné.
Même les Danois me disent que je suis difficile.
Sur un plateau de tournage, Susanne Bier n’a pas pour habitude de prendre des pincettes, au point même de défriser Hugh Grant, comme elle le rappelle avec une anecdote : "Le jour des essayages, je parlais des vêtements et Hugh Grant m’a dit : ‘Je n’ai pas l’habitude qu’un réalisateur me donne son opinion sur les costumes.’ et je lui ai répondu : ‘Moi je n’ai pas l’habitude qu’un acteur me donne son avis sur les costumes non plus.’" D’un air amusé, la cinéaste assume son tempérament : "Même les Danois me disent que je suis difficile."
C’est de cette manière qu’elle parvient à s’entourer des plus grands, à commencer par Nicole Kidman, qui, en plus d’incarner le rôle principale, produit également la série avec sa société de production Blossom Films, créée en 2010. "Elle est arrivée à Hollywood très jeune, elle connaît le système par cœur et elle sait parfaitement quelles sont les difficultés qui s’imposent sur une production, explique Susanne Bier. Elle est a une forte intuition pour l’écriture et utilise sa notoriété pour mener à bien les projets des autres."
Immersion dans la bourgeoisie
Lorsqu’elle s’attarde sur les raisons qui l’ont poussé à faire cette série, le réalisatrice répond qu'elle souhaitait s’attaquer à la question suivante : Peut-on réellement faire confiance à la personne que l’on connaît le mieux ? Qui est-elle vraiment ? Pour Susanne Bier, The Undoing est "une série sur les apparences trompeuses". Cette fiction, elle s’en est emparée comme un "film de six heures", ce qui impose un rythme "épuisant". C’est aussi l’idée de filmer la ville de New York et sa bourgeoisie qui l’enchantait. "C’est un monde fascinant. Je voulais m’immerger dans la haute société, mais le faire avec ironie. Il me fallait à tout prix éviter l’écueil du cliché et du cynisme."
Les gens privilégiés ne réalisent pas qu’ils le sont.
S’intéresser aux élites implique forcément de traiter les disparités sociales et donc de glisser un message politique. La cinéaste insiste que la série n’est pas engagée, mais qu’il était "important de traiter le sujet". "Les gens privilégiés ne réalisent pas qu’ils le sont. Mais leur statut a une influence. Il est plus facile de payer sa caution pour sortir de prison et cela peut également avoir des conséquences sur le système judiciaire."
Ne pas tomber dans les pièges habituels demande une écriture solide. Justement, c'est David E. Kelley qui signe les six épisodes. La série phénomène Big Little Lies, c’est lui. "C’est un maître !, s’exclame la réalisatrice. C’est un vrai écrivain. Il parvient à comprendre les personnages féminins comme personne et surtout, il aime collaborer. Il est dans l’échange, à l’écoute de nouvelles idées et veut à tout prix trouver la meilleure des solutions."
Sur ses deux acteurs principaux, même son de cloche, Susanne Bier ne tarit pas d’éloges. "On serait tenté de croire qu’un personnage est souvent similaire à l’acteur qui l’incarne. Quand Nicole joue Grace, elle apporte des éléments personnels qui ne sont même pas écrits sur le script. Mais lorsque je coupe la scène, Nicole revient tout de suite à elle. Elle quitte le personnage et redevient une personne très différente." Quant à Hugh Grant, la réalisatrice souligne son sens de l’humour et son efficacité : "Il lit la scène et la comprend immédiatement. C’est un superbe acteur." Un cocktaïl "fabuleux" pour porter un projet pas comme les autres.
Disponible sur la plateforme OCS, la série The Undoing se poursuit à raison d'un épisode mis en ligne tous les lundis.
Propos recueillis le 7 octobre 2020, à Paris, par Thomas Desroches.
Retrouvez notre interview du casting de "The Undoing" à l'occasion du festival CANNESERIES :