Après le triomphe de Rambo First Blood (125 millions de dollars de recettes mondiales pour un budget de 15 millions), une suite est rapidement mise en chantier. Les producteurs Mario Kassar et Andrew Vajna se frottent les mains, ils tiennent là un bon filon avec ce personnage qui a su rassembler un large public.
À l'époque, en 1984, Sylvester Stallone est devenu une superstar mondiale. Le troisième épisode de Rocky a été un énorme succès et l'acteur est au sommet de sa gloire. Cette notoriété va vite lui monter à la tête au moment de produire un scénario pour Rambo 2.
C'est tout d'abord Kevin Jarre (fils adoptif du musicien Maurice Jarre) qui va développer un premier script. Les producteurs le soumettent alors au réalisateur du premier Rambo, Ted Kotcheff, qui n'en croit pas ses yeux. "J'avais l'impression que Rambo 2 célébrait la guerre du Viêtnam. Pour un pacifiste et anti-militariste comme moi, ça n'avait aucun sens de le mettre en scène. Si j'avais dit oui, je serais devenu riche. Mais il n'était pas question de renier mes convictions, alors j'ai passé mon tour, sans regrets", confie le cinéaste dans Rambo first action hero de Romain Thoral, Première Classics numéro 9. Il sera remplacé par George P. Cosmatos.
Vajna et Kassar vont ensuite se tourner vers un ami. Ce dernier est un jeune scénariste et metteur en scène de 30 ans sur le point de tourner son second long-métrage, Terminator. Vous l'avez deviné, il s'agit de James Cameron en personne. Totalement sans le sou à l'époque, reniant complètement son premier film, Piranha 2 - Les Tueurs volants, le scénariste ne crache pas dans la soupe. Il accepte la proposition, bien qu'il soit en même temps en pleine écriture du script d'Aliens le retour.
Les producteurs sont convaincus que Cameron est l'homme idéal pour faire de Rambo 2 le grand spectacle qu'ils attendent. "Pour moi, c'était plus un job alimentaire qui allait me permettre de manger pendant 6 mois", avoue le réalisateur dans les colonnes de Mad Movies Classic "Rambo, du premier au dernier sang". "Je suis arrivé assez tard sur le projet, mais je l'ai accepté parce qu'à l'époque, j'étais assez fasciné par le Viêtnam. À mes yeux c'était une guerre qui avait un côté étrange, presque surréaliste", ajoute le cinéaste, qui avait adoré le premier film et le fait que le personnage soit un marginal exclu de la société.
James Cameron travaille donc sur le scénario de Rambo 2 en tentant de conserver l'esprit original de First Blood. Pour l'artiste, il n'était "pas question que le héros se mette à massacrer des gens parce qu'ils portent le mauvais uniforme." Malheureusement pour lui, "c'est exactement le film qu'ils ont fait", supprimant toute la dimension morale présente dans son scénario.
C'est Sylvester Stallone lui-même qui a totalement retravaillé le script de James Cameron. Alors tout-puissant au sein du système hollywoodien, rien ne résistait à Sly. Ce dernier, devenu une machine de guerre bodybuildée, compte bien imposer ce nouveau modèle dans ses films. Il va se mettre à tailler en pièces l'histoire de Cameron, ne conservant au final que les scènes d'action. Par exemple, il va supprimer le prologue censé se dérouler dans un hôpital psychiatrique (une idée que James Cameron reprendra dans Terminator 2). Il va aussi rejeter l'idée d'un personnage de militaire que devait jouer John Travolta car Stallone devait être la seule star du film.
Rambo : 10 choses méconnues à savoir sur la saga de StalloneLe comédien va dénaturer complètement le personnage traumatisé par la violence de la guerre qu'on a connu dans le premier film. L'Amérique étant passée sous le règne de Ronald Reagan, il fallait démontrer la toute puissance du pays à travers ce personnage de sur-homme indestructible. Rambo allait se venger de la défaite au Viêtnam et trucider des soldats russes au passage. C'est dans cette optique légèrement mégalomaniaque que Stallone fera dire à Rambo, s'adressant au colonel Trautman : "Cette fois on y va pour gagner."
C'est d'ailleurs dans cet opus que l'on retrouve certaines répliques mémorables du célèbre béret vert comme : "Pour survivre à la guerre, il faut devenir la guerre". Trautman déclamera également à un Murdock (Charles Napier) interloqué : "Ce que vous appelez l'enfer, il appelle ça chez lui". Une punchline que ne renierait pas Chuck Norris en personne. Stallone, qui a gonflé entre les 2 films, prenant près de 20 kilos de muscles, n'est plus le Rambo traumatisé du premier opus. Il est désormais une sorte de super-héros dézinguant tout sur son passage.
"Avec Stallone, on s'est vus une fois à un déjeuner pour discuter du script et il m'a dit de mettre une fille dedans. Mais ensuite il l'a presque entièrement réécrit. Chez moi, le personnage était plus réaliste. J'en avais fait un homme hanté, une sorte de quintessence du vétéran du Viêtnam, pas un animal politique. Enormément de soldats ayant vécu des situations de combat très intenses se sont réengagés parce qu'ils pensaient que cela pourrait leur permettre de venir à bout des problèmes psychologiques rencontrés depuis leur retour. Pour eux, c'était comme un démon à exorciser. Il y avait un peu de ça dans mon script mais ça n'a pas été gardé", déplore James Cameron.
Par ailleurs, le réalisateur n'aime pas trop qu'on lui rappelle son expérience douloureuse sur Rambo 2 : "La plupart des distinctions morales que j'ai essayé d'établir dans mon script ont été supprimées pendant le tournage. C'est pour cette raison que je préfère ne pas être trop associé au film : le résultat final ne représente pas ce que j'avais écrit. Mon script était lui aussi assez brutal, mais pas de façon aussi immorale que dans le film. Ça aura au moins eu le mérite de m'apprendre qu'il peut être dangereux d'écrire quelque chose sur lequel on a plus aucun contrôle une fois qu'on l'a terminé, et je n'ai jamais refait la même erreur", déclare le cinéaste dans les colonnes de Mad Movies Classic "Rambo, du premier au dernier sang".
David Morrell, auteur du livre Premier sang, dont le film est adapté, se servira ensuite d'une partie du scénario de James Cameron pour sa novélisation de la suite. Même si le héros trépasse à la fin du livre original, il survit dans les films, ce qui a permis à l'écrivain d'écrire la suite comme il l'entendait. "J'ai lu le script de James Cameron et c'était comme un lingot d'or. Au final, ma novélisation est composée d'un tiers de matériel original, un tiers du film et un tiers de la version de Cameron", révèle Morrell.
Finalement, Rambo 2 sera un triomphe, rapportant 300 millions dollars de recettes mondiales pour un budget de 44 millions (3 fois plus que le premier volet). Plus tard, Stallone concèdera qu'il aurait peut-être dû tourner le scénario de Cameron sans le retoucher mais qu'il n'avait pas de regrets. "Je pense que James est quelqu'un de brillant, mais ma révision du script est allée bien au-delà d'un simple point de vue politique. La version de Cameron était plus sommaire. S'il prétend le contraire, il ment", assène sèchement Sylvester Stallone. On ne saura jamais si le Rambo de James Cameron aurait été meilleur. Toutefois, on peut légitimement s'interroger sur sa récente vision d'un bon script, étant donné qu'il a validé et promu Terminator Genisys et Dark Fate. Espérons que ses futurs Avatar rattraperont le coup.
LES PETITS DETAILS DE RAMBO 2