AlloCiné : Votre rôle dans "Le Mensonge" semble être le plus difficile et le plus exigeant que vous ayez eu à défendre jusqu'ici, est-ce que c'est votre sentiment aussi ?
Victor Meutelet : Oui, c'était une expérience folle. Le rôle le plus complet que j'ai eu à interpréter et aussi celui qui m'a le plus épanoui. Quand on m'a parlé du projet, je n'ai pas hésité une seule seconde. J'avais déjà vu les films de Vincent Garenq; Daniel Auteuil faisait déjà partie de l'aventure et c'est pas tous les jours qu'on a l'occasion d'avoir un partenaire comme lui. L'aspect complexe du sujet me donnait encore plus envie d'en être et de défendre ce personnage.
Est-ce que vous pouvez justement nous parler de la rencontre avec Daniel Auteuil, un monstre sacré du cinéma. Pas trop impressionné ?
J'avais la pression, mais il est ultra-pro, très carré, hyper accueillant, donc tout s'est très bien passé.
Et on réussit facilement à oublier que c'est Daniel Auteuil en face de soi ?
Il suffit de le voir sortir sa première réplique, qui sonne tellement vraie et tellement juste, pour tout de suite entrer dans son rôle. On oublie vite toute l'aura qu'il peut avoir.
Le personnage de Lucas est un rôle difficile, lourd à porter j'imagine. On le trimballe aussi chez soi quand on rentre le soir ?
Forcément. Il y a des scènes émotionnellement fortes, au tribunal notamment avec des décisions qui affectent toute une famille, ou celles où le mensonge est perpétué, les scènes de séparations avec les parents, ou la copine... C'est très éprouvant et ça affecte beaucoup au quotidien.
Y'a-t-il une scène en particulier dont vous appréhendiez le moment du tournage ?
Oui, la scène de rétractation au tribunal, parce qu'elle est très longue, très forte. C'était au final l'un des plus beaux moments de tournage de ma vie. Le Mensonge de toute façon, c'est une de mes plus belles expériences. Il y a une subtilité dans l'écriture de Vincent qui rend tous ces sentiments complexes très accessibles. Tout l'aspect judiciaire est rendu lisible, sans pour autant simplifier les choses.
L'histoire racontée dans "Le Mensonge" est unique, car rares sont ceux qui mentent sur un sujet aussi grave que le viol intrafamilial, surtout pendant aussi longtemps. Est-ce que vous redoutiez les réactions du public par rapport à ça ?
C'est ce qui me plaisait. L'aspect judiciaire est très complexe, tout le cheminement de Lucas l'est tout autant. C'était un véritable challenge. C'est effectivement quelque chose qui arrive rarement, mais ça arrive. Et c'est là toute la complexité : on est tiraillé entre vouloir sacraliser la voix de l'enfant, pour que toutes les victimes puissent se sentir en confiance pour parler, et une impartialité de la justice qui est là pour démêler le vrai du faux. C'est subtile et la série retranscrit ça très bien pour moi. C'est ce qui fait sa qualité. Ce que j'espère c'est que ceux qui ont un avis tranché sur l'affaire, avant d'en connaître tous les détails, se diront en regardant la série que c'est plus compliqué que ce qu'ils pensaient.
C'était un luxe d'avoir Gabriel auprès de moi
Vous avez rencontré Gabriel Iacono, qui a inspiré votre personnage. Comment ça s'est passé ?
Le réalisateur m'avait prévenu que Gabriel serait présent sur le tournage, ce qui me mettait une petite pression. Il m'a été d'une grande aide, même si c'était dur pour lui parfois d'assister à certaines scènes qui l'ont beaucoup remué, dont il n'avait pas des souvenirs plaisants vous imaginez bien. Pour moi, en tant qu'acteur, c'était un luxe de l'avoir auprès de moi. Quand je voulais savoir comment il avait réagi à tel ou tel moment, je pouvais lui demander. Lucas est assez imprévisible, donc ce n'était pas toujours simple de le comprendre. Il était là pour me guider, avec Vincent Garenq. On est encore très en contact avec Gabriel, ça nous a rapproché. J'espère qu'il est fier du résultat.
Au bout du compte, est-ce que vous parvenez à comprendre Gabriel / Lucas, après ce tournage et cette rencontre ?
Je n'ai pas vécu ces quinze ans où il se levait chaque matin en se rappellant de son mensonge et en se demandant si le moment était venu de rétablir la vérité, et qu'il choisissait finalement de s'enfoncer un peu plus, et encore un peu plus. C'est impossible de se rendre compte de cette réalité-là et de cette détresse. Je pense avoir compris un certain nombre de choses au fil du tournage, dans le mécanisme du mensonge, des choses que je n'avais pas forcément comprises à la lecture des scénarios. En particulier ce qui le pousse finalement à sortir de tout ça. A mon sens, ça vient de la solitude extrême dans laquelle il s'est enfermé malgré lui. Ces quinze ans de mensonge, ça laisse des traces indélibiles dans une famille mais il n'est jamais trop tard pour en sortir.
Les scènes du dernier épisode avec Charlie Bruneau, qui incarne sa tante, sont particulièrement émouvantes...
Je les adore aussi. Déjà parce que Charlie Bruneau est géniale donc c'est un plaisir de tourner avec elle, ça aide. Mais elles sont fortes parce que c'est le tournant, c'est le moment où l'on sent tout le poids de ses regrets, où l'on se dit que ça pourrait basculer mais on n'en est pas sûr. Au cours d'une même scène, on se dit au début que ça y est, c'est bon, puis finalement non il s'enferme encore un peu plus. Dès les scénarios, ces scènes étaient déjà incroyables.
Y'a-t-il des choses qui ont été modifiées par rapport à l'histoire vraie ?
Oui, certaines choses ont été changées, comme par exemple le fait que Lucas n'a qu'une avocate du début à la fin de la série alors que Gabriel me disait qu'il en avait eu 5. C'est juste pour ne pas se perdre dans les personnages. Mais c'est léger.
On vous a beaucoup vu ces derniers mois à la télévision, entre "Grand Hotel", "Le Bazar de la charité", "Plan Coeur" et maintenant Le Mensonge". Est-ce que vous sentez que le regard des gens dans la rue a changé ?
On me reconnaît un peu plus, c'est vrai. Je suis très content d'enchaîner les projets, mais mon approche reste la même : j'essaye juste de mettre toute ma sincérité dans les rôles que j'aborde, quels qu'ils soient.
Propos recueillis lors du Festival de la Fiction à Paris
La bande-annonce de la mini-série, disponible sur France.TV :